Chapitre 7

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 Leïla se réveilla dans une chambre inconnue. Il lui fallut quelques minutes avant de se rappeler où elle était. Elle prit le temps d'examiner la pièce avec attention, sous les rayons du soleil levant. Elle était dans les tons pêches, sa couleur préférée. Les murs étaient bleus avec un pêcher en fleurs peint sur toute la surface. C'était magnifique. L'environnement était très luxueux malgré la taille modeste de la chambre.

 Elle avait dormi dans un large lit à baldaquin dont les draps étaient fait d'une soie très douce procurant un plaisir immense au toucher. Le bois du cadre était gravé de milliers de petites fleurs avec une énorme pêche sculptée dans la tête de lit. À sa droite, se dressait une fenêtre, d'où elle pouvait voir l'immense désert qui entourait la ville. Des rideaux orange, encerclés d'une cordelette bleue, l'encadraient. À sa gauche, elle trouva la porte en bois, où y était également représenté le fruit emblématique de la chambre. Et en face d'elle, la plus grosse des armoires qu'il lui avait été donné de voir se tenait sur la totalité de la largeur du mur. Cette dernière comprenait plusieurs placards avec une penderie où on pouvait y accrocher des robes.

 Elle se leva et sortit l'ensemble de ses vêtements. Elle les étala sur le lit afin de les trier et de les ordonner comme elle avait l'habitude de le faire chez elle, c'est-à-dire ses tenues préférées au-dessus, pour qu'elles soient plus facilement accessibles, et celles qu'elle aimait moins, au-dessous. Son meuble faisait le tiers de celui qui se tenait devant elle, et le peu de vêtements qu'elle possédait ne suffisaient pas à le remplir, donnant une triste impression de vide.

 Elle secoua les épaules face à ce déprimant constat, ne souhaitant pas s'appesantir sur des choses futiles préférant réfléchir à ce que l'avenir lui réservait. Elle choisit ensuite la plus confortable de ses robes qui était aussi sa préférée car elle savait qu'elle la mettait en valeur sans que cela en soit indécent. Elle la posa sur le paravent, qui se trouvait dans un coin de la pièce, derrière lequel elle se dévêtit avant de se diriger vers la salle de bain attenante.

 Son bain lui fit un bien fou. Elle ignorait comment cela était possible, mais l'eau restait toujours chaude.

 « Le bassin est peut-être alimenté par une source d'eau chaude », pensa-t-elle, « ou bien un ingénieux système avait dû être mis en place au moment des fondations du château, profitant de la chaleur des feux de cuissons ou du chauffage, qui chauffait l'eau de son bain. »

 Elle demanderait au roi quand elle le reverrait, se dit-elle alors. Elle s'allongea au milieu de l'eau claire et ferma les yeux de bien être. Elle laissa libre cours à ses pensées et se remémora les événements de la veille.

 Cette histoire commençait à devenir étrange. Elle ignorait pourquoi elle avait été sélectionnée alors qu'elle n'était pas de noble ascendance. Cela lui paraissait étrange que cela soit uniquement à cause de son travail. Il devait y avoir d'autres jeunes filles comme elle au sein du royaume. Et puis, même si tout le monde semblait penser le contraire, elle n'était vraiment pas une sainte. Non, vraiment elle avait beau se creuser les méninges, elle ne comprenait pas ce qu'elle faisait ici.

 Au souvenir de ce qu'il s'était passé la veille dans cette même pièce, le rouge vint colorer ses joues. Elle s'arracha les cheveux, espérant faire sortir la scène qu'elle revivait en esprit. Il l'avait vue nue ! Elle en était horriblement gênée. Elle battit des jambes, provoquant des éclaboussures autour d'elle, dans des gerbes d'eau de plus en plus grosses, au fur et à mesure que l'intensité de sa frustration augmentait, tant elle était mal à l'aise. Mais ce qui l'agaçait le plus, c'était la petite voix qui se demandait s'il l'avait trouvée belle. Pourquoi cela lui importait-elle autant ? Ce n'est pas comme si elle avait réellement l'intention de l'épouser !

 Elle se s'arrêta immédiatement, trempée de la tête aux pieds, et fixa son regard sur la surface de l'eau encore agitée par ses mouvements brusques. Bien sûr que si, elle allait l'épouser ! Elle comptait bien profiter de cette occasion pour devenir la reine. Le travail qu'il lui avait donné la veille lui avait fait prendre conscience de la corruption qui régnait au cœur des hautes sphères du pouvoir. Pas étonnant que la population souffre quand on voyait qui dirigeait.

 Elle était sûre que le roi n'était pas d'accord avec cela, mais elle avait vu l'ampleur du travail que son père lui avait laissé. Il avait plongé le royaume au bord du gouffre. Elle savait qu'il n'y avait pas beaucoup d'argent dans les caisses, elle n'avait cependant pas réalisé à quel point cela était autant catastrophique. Oui, le roi avait besoin d'une aide en qui il avait confiance et qui serait suffisamment compétente pour l'assister sur n'importe quelles tâches. Et elle comprenait que dans ce cas, elle sortait du lot.

 Issue d'une famille de la basse bourgeoisie, son père avait veillé à ce qu'elle reçoive la meilleure éducation possible. Elle avait été formée à l'art de la guerre, aux sciences et à la littérature, elle savait tenir un foyer et s'il le fallait, elle était même capable de diriger une armée. Et grâce à son travail, elle comprenait mieux que personne les besoins et les attentes du peuple. Oui, elle allait gagner cette sélection et épouser le roi, soutenue par tous ces gens qui comptaient sur elle.

 Elle avait bien vu l'espoir dans leurs yeux au cours de sa formation. Ils espéraient qu'elle gagnerait parce qu'ils la connaissaient et savaient qu'elle ferait le maximum, quitte à se tuer à la tâche, afin d'assurer la stabilité du pays et supprimer la pauvreté qui le rongeait. Et surtout qu'elle ne se laisserait jamais corrompre par l'attrait du pouvoir et qu'elle s'efforcerait d'agir avec justice en toutes circonstances.

 Pourtant, cela ne l'enchantait pas pour autant. Elle était une romantique, elle aurait tant voulu épouser un homme par amour et non parce que sa raison le lui dictait. Elle voulait aimer le roi et être aimée en retour. Mais elle savait que cela serait impossible. Il était très probable qu'elle finisse par tomber amoureuse de lui après tout, de ce qu'elle avait pu voir, il correspondait en tout point au type d'homme qu'elle aurait aimé épouser. Mais elle était persuadée que cet amour ne serait jamais partagé.

 Pourquoi ? Simplement parce qu'elle n'avait pas confiance en elle et qu'elle était quelconque et trop garçon manqué, c'est ce que Jalal, le meilleur ami de son frère jumeau, lui avait dit quand elle lui avait avoué l'aimer alors que cela lui avait été nécessaire de rassembler beaucoup de courage afin de se déclarer. Et elle l'avait cru et le croyait toujours.

 Depuis, elle n'avait plus cherché à s'habiller avec soin ou à s'exercer aux bonnes manières. Puisqu'aucun homme ne tomberait amoureux d'elle, à quoi bon s'efforcer à leur plaire ? Autant vivre sa vie comme elle l'entendait. Et même si Aïla avait tenté de corriger cela durant ce dernier mois, elle savait qu'elle ne ressemblerait jamais à aucune de ces femmes qui vivaient ici au sérail avec elle.

 Elle souffla et décida de sortir de son bain. Il était inutile de s'apitoyer sur son sort et elle détestait perdre du temps inutilement. Elle retourna dans sa chambre et enfila la tenue qu'elle avait sélectionnée plus tôt après avoir pris le temps de se sécher le corps avec sa serviette. Une fois habillée, elle se brossa les cheveux, sans les attacher, car ainsi ils séchaient plus rapidement puis alla se poster devant sa fenêtre et observa le château s'éveiller.

 Le paysage qui s'étendait sous sa fenêtre était d'une beauté à couper le souffle. Le désert s'étendait à perte de vue, telle une mer de sable dorée que le soleil illuminait. Perdue dans ses pensées, elle ne remarqua pas tout de suite la jeune fille qui venait d'entrer dans sa chambre.

 « Bonjour, Mademoiselle, vous êtes déjà réveillée ? »

 Elle sursauta à cette voix inconnue et se retourna vivement pour découvrir qui l'avait interrompue dans sa contemplation. Devant elle se tenait aussi droite qu'un piquet, les mains derrière le dos, une jeune fille d'environ son âge, un grand sourire aux lèvres. Elle avait les cheveux châtain clair tressés en deux tresses, cachées sous un voile orange qui encadrait son visage. Ses yeux étaient bleus et pétillaient d'une joie contenue. Elle portait une robe orange également d'une teinte plus foncée que le voile, cintrée à la taille par des lacets de cuir bruns. Quant à ses pieds, ils étaient chaussés de sandales toutes simples.

 « Euh ... Bonjour...Oui, je suis déjà réveillée. J'aime me lever à l'aube et profiter du lever du soleil. »

 Aïla lui avait inculqué cet adage depuis sa plus tendre enfance : « L'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt » et elle avait appris à l'appliquer tous les jours de sa vie, trouvant que dormir était une perte de temps.

 « Mais vous pouviez dormir plus longtemps, d'autant que le roi m'a fait savoir que vous aviez veillé très tard hier soir. »

 Ce souvenir raviva la rougeur sur ses joues. Elle se racla la gorge, tentant de reprendre contenance. Elle ne devait pas se laisser aller de la sorte.

 « Eh bien ... Oui ... Je n'arrivais plus à dormir ... Mais excusez-moi, puis-je savoir qui vous êtes ?

 — Oh, pardonnez-moi, je manque à tous mes devoirs, je m'appelle Zaïna. Zaïna ibn Emad Khadima. Et je suis chargée de m'occuper de vous.

 — Mais je n'ai pas besoin d'aide ! »

 La jeune servante se mordilla la lèvre en signe de réprobation. Elle hésita quelque instant à corriger sa maîtresse, mais se rappelant les recommandation du roi à son sujet, elle décida de prendre son rôle de guide et d'instructeur à cœur.

 « Mademoiselle, puis-je faire une remarque ? »

 Leïla se redressa d'un bond, persuadée d'avoir fait une erreur quelque part, et lui donna son accord d'une voix mal assurée, remplie d'incertitude.

 « Désormais, vous devez vous comporter comme une princesse.

 — Mais ... Je ne suis pas ... »

 La servante ne tint pas compte de son interruption et poursuivit sa tirade comme on récitait une leçon :  

 « À partir du moment où vous avez été sélectionnée, vous êtes devenue une princesse. Au château, vous ne serez plus mademoiselle Khazar, fille du général Salim bin Bassim Khazar. Vous serez désormais la princesse Leïla, candidate pour la sélection royale. Et vous devez vous comporter comme telle. »

 La panique saisit Leïla.

 « Mais...heu... Je ... Euh...

 — Respirez, voilà c'est bien. Inutile de paniquer. Je vous aiderai, ne vous inquiétez pas. »

 Le soulagement s'abattit sur ses épaules, les faisant s'affaisser en même temps qu'elle relâchait son souffle qu'elle n'avait pas eu conscience de retenir.

 « Merci infiniment, Zaïna ! »

 Elle lui fit une légère révérence avant de la détailler de haut en bas avec insistance, grimaçant devant la tenue qu'elle avait choisie.

 « Bien commençons tout d'abord par vous trouver une tenue plus adéquate. »

 Zaïna se dirigea vers l'armoire où tout y était rangé et plié avec soin. Décidément sa maîtresse était unique, pensa-t-elle, avant de porter son choix sur la plus belle de ses robes.

 « Celle-ci sera parfaite ! »

 Elle lui tendit la toilette et l'autre la gratifia d'une grimace comique.

 « Celle-ci ne convient pas ? »

 Elle gardait l'espoir d'une réponse affirmative.

 « Non, pas du tout. Pourquoi, vous n'aimez pas celle-ci ?

 — Elle est trop encombrante et m'empêche de me mouvoir avec aisance. Si je venais à être agressée, j'aurais beaucoup de mal à me défendre sous ce tas de tissus.

 — Ne vous inquiétez pas, vous ne craignez aucune attaque, ici. »

 Elle la rassura du mieux qu'elle le put, de plus en plus surprise par son comportement plutôt original.

 « Allons maintenant, changez-vous, puisque je vois que vous vous êtes déjà lavée. »

 Résignée, Leïla obéit et changea de robe, non sans manifester un mécontentement évident. « C'est pour la bonne cause », s'efforça-t-elle de se répéter.

 « Maintenant, passons à la coiffure ! Vous avez des cheveux vraiment magnifiques. »

 L'enthousiasme dont faisait preuve la suivante lui donna le sourire avant que son regard ne se voile de tristesse au souvenir de sa mère.

 « Oui, ils me viennent de ma mère. C'est ma plus grande fierté.

 — C'était une étrangère ?

 — Oui, elle venait des terres du nord. Mon père l'a rencontrée durant l'une de ses campagnes militaires et ils sont tout de suite tombés amoureux l'un de l'autre.

 — Oh, comme c'est romantique.

 — C'est vrai, un vrai coup de foudre !

 — Elle vous manque ?

 — Oh oui, beaucoup. Elle était très intelligente et sa sagesse me manque beaucoup.

 — Ne vous inquiétez pas, princesse, tout ira bien. J'espère que ce sera vous que le roi choisira ! »

 Leïla ne répondit rien, elle ignorait encore ce qu'elle souhaitait vraiment. Choisir ce que lui disait son cœur ou ce que lui intimait sa raison, voilà un choix bien difficile à faire.

 « Et voilà, c'est fini. Vous êtes vraiment magnifique. »

 Elle observa son reflet dans le miroir et fut frappée par ce qu'elle vit. Elle ne se reconnaissait pas. Zaïna l'avait coiffée d'une tresse élaborée et légèrement maquillée, faisait ressortir sa beauté, tout en restant naturelle. Elle demeurait indécise devant son image si différente de ce qu'elle renvoyait d'habitude.

 « C'est moi ?

 — Oui, princesse. Vous êtes belle, n'en doutez jamais. Vous possédez tous les atouts qu'une reine devrait avoir, la beauté, l'intelligence, la compassion, la grâce et la sagesse. Restez vous-même et vous serez capable d'évincer toutes les autres.

 — Et si je fais un faux pas ?

 — Je serai là et vous guiderai, le roi m'en a expressément fait la demande. Je suis votre chaperon, je ne vous quitterai pas d'une semelle.

 Quelque peu rassurée, Leïla hocha la tête. Zaïna l'aida à se relever et la tira vers la sortie.

 — Bien, il est temps d'aller manger !

 — Oui, je vous suis.

 — Tu.

 — Quoi ?

 — Vous vous devez de me tutoyer et moi de vous vouvoyer.

 — Ah d'accord. Eh bien, allons-y. »

 Sur le chemin de la salle à manger la curiosité la rongea et elle décida de l'assouvir en questionnant son drôle de chaperon pétillant de vie.

 « Le roi mange-t-il avec nous ?

 — Oui, il prendra tous ses repas avec vous.

 — Comment se passe la sélection ?

 — Contentez-vous d'être vous-même et de répondre aux questions qu'on vous posera. Le reste du temps, occupez-vous comme vous le souhaitez.

 — Je vois ... Merci, Zaïna.

 — Voilà c'est ici, je vous rejoindrai à la fin du repas.

 — Je te remercie, à tout à l'heure.

 — À votre service, princesse. »

 Elle s'inclina légèrement devant elle et pris congé.

 Leïla inspira profondément afin de se donner du courage pour pénétrer dans la salle à manger. Elle était la première arrivée et fut conduite au siège qui lui avait été réservée. Les place étant attribuées en fonction du statut, elle se trouvait le plus éloigné du roi. Elle s'assied et attendit patiemment que les autres arrivent. Pour passer le temps, elle observa minutieusement son environnement.

 La salle était immense. Le plafond représentait un paradis céleste peuplé de petits chérubins et de nuages cotonneux sur un fond bleu et doré. Des fenêtres s'étalaient sur toute la longueur du mur de droite. Chacune était séparée par de lourds rideaux pourpres maintenus ouverts grâce à de fines cordelettes tressées de fils d'or. Les rayons du soleil, qui passaient au travers, se reflétaient aux lustres de diamant, qui pendaient au-dessus de sa tête, baignant la pièce d'un éblouissant éclat. La pièce formait un long rectangle dont les largeurs étaient percées par deux immenses portes à double battant en bois gravées d'un soleil d'or. Le mur de gauche était recouvert de tableaux, mémorial des scènes qui avaient marqué l'histoire du royaume.

 Au milieu se dressait la longue table pouvait accueillir une cinquantaine de convives sans qu'ils soient gênés par les mouvements de leurs voisins. Les chaises étaient aussi gravées d'or rembourrées par des coussins de velours de la même couleur que les rideaux. Sur la table, une nappe immaculée recouvrait le bois naturel. Des couverts en argent entouraient des assiettes en porcelaine blanche aux motifs de fleurs de cerisiers roses. Elle était émerveillée par leur beauté. Elle prit son verre de cristal délicatement dans sa main et observa l'ouvrage finement confectionné. Tout autour d'elle n'était que splendeur.

 Elle fut tirée de sa contemplation quand le bruit sourd de la lourde porte s'ouvrant se diffusa dans le silence de la pièce. Elle se redressa d'un bond, guettant l'arrivée de ses camarades, une boule de stress se logea dans son estomac. Elle avala difficilement sa salive et inspira profondément pour se donner du courage. Elle se répéta mentalement qu'elles allaient toutes à la selle, comme elle, et qu'elle n'avait pas besoin de se mettre dans des états pareils pour si peu. Son mantra mental l'apaisa et elle réussit à arborer un magnifique sourire aux arrivantes, qui se fana bien vite devant le mépris évident qu'elles lui exprimèrent.

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