Chapitre 15

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 Le lendemain arriva et la fin du rêve avec lui. Jamal fut réveillé en sursaut par un Zayed complètement paniqué. Il eut le réflexe de remonter la couverture sur le corps nue de sa femme.

Leïla dormait toujours, ayant visiblement le sommeil trop lourd pour qu'il soit dérangé par le raffut environnant. Il se leva, enfila une robe de chambre et rejoint son ami dans le petit salon à côté.

 « Que se passe-t-il ?

 — Mufasa a déclaré la guerre. Il jure devant Dieu que tu as volé la virginité de sa fille avant de te lasser d'elle et de la renvoyer chez lui. Il dit qu'elle attend ton enfant.

 — C'est complètement faux, je ne l'ai jamais touchée !

 — Je sais ! Mais il a réussi à rallier à sa cause plusieurs de tes ministres et conseillers. La guerre est déclarée, Jamal, on ne peut plus rien faire pour l'éviter. »

 Le choc et l'incompréhension imprégnèrent ses traits. Ce qu'il redoutait depuis le départ de sa cousine était arrivé. Il se ressaisit bien vite, et s'exhorta à réfléchir rapidement, les yeux rivé sur le sol, une main farfouillant sa chevelure. Une fois sa décision prise, il ancra son regard dans celui de son ami.

 « Rassemble nos hommes et lance un appel dans tout le royaume. Je veux qu'au moins un homme de chaque famille s'engage pour l'armée. Je vais de ce pas réunir un conseil de guerre. S'il veut la guerre, il l'aura ! »

 Zayed hocha la tête et partit exécuter ses ordres. Jamal repartit dans sa chambre et s'habilla à la hâte. Il s'assied à côté de sa femme et lui caressa doucement le visage.

 Il était en colère. Ce jour devait être un jour particulier. Ils venaient de se marier et déjà les problèmes leur tombaient dessus. Maudit soit le royaume de Cheim. maudit soit Émiliria et ses caprices surdimensionnés. Mais surtout maudit soit Mufasa !

 Il prit une profonde inspiration et dévora sa jeune épouse du regard. Par le tout-puissant, qu'elle était belle ! Elle choisit ce moment pour ouvrir les yeux. Voyant son mari déjà habillé, elle fronça les sourcils.

 « Il est déjà l'heure de se réveiller ? »

 Elle se frotta le visage pour tenter de repousser les dernières traces de fatigue mais fut engloutie dans l'étreinte puissante de son époux.

 « Que se passe-t-il, Jamal ? »

 Elle lui caressait le dos, de sa main, le visage niché contre son épaule. Il raffermit sa prise sur son corps et lui raconta ce qu'il venait d'apprendre.

 « Je viens avec vous! »

 Elle était à présent bien réveillée et prête à se battre pour son royaume, aux côtés de son homme adoré. Hors de question qu'il la laisse en arrière.

 « Non ! C'est bien trop dangereux.

 — Mais ...

 — N'insiste pas ! Tu retournes auprès de ton père et ...

 — Je ne fuirai pas !

 — Ce n'était pas une requête, femme ! C'était un ordre ! Tu feras ce que je te dis ! Est-ce bien compris ? »

 Il s'était levé d'un bond et déambulait, en rond, dans la chambre en faisant des pas rapides.

 « Pardonne-moi, eazizati ... Je te connais, Leïla. Je sais que tu sais te battre et je connais ton courage. Mais je ne peux pas t'emmener avec moi. C'est au-dessus de mes forces. Comprends-moi, s'il te plaît ! »

 Il lui faisait face à présent, la suppliant de l'écouter.

 « Comment pourrais-je mener à bien mes troupes si je te sais en danger ? J'ai besoin de te savoir en sécurité. J'ai besoin que tu restes ici.

 — Mais vous aurez peut-être besoin de moi ? »

 Elle ne voulait pas le quitter. Les raisons qu'il avait avancées étaient les mêmes que pour elle. Comment pouvait-elle rester en sécurité à l'arrière alors qu'il se battait au péril de sa vie ? Elle allait devenir folle.

 « J'ai besoin que tu restes à l'arrière. Tu gouvernera dans l'ombre au côté de Zayed durant mon absence. Tu n'auras pas le temps de t'ennuyer, il y aura beaucoup à faire. »

 Elle savait qu'elle ne gagnerait pas la partie, il était bien trop têtue et son inquiétude pour elle l'aveuglait. Elle baissa les yeux vers ses mains jointes sur ses genoux, et hocha doucement la tête. Elle décida de capituler pour cette fois mais comptait bien trouver le moyen de le rejoindre sur le champ de bataille à son insu, fut-il pour cela se travestir pour y arriver ...

 « Bien, qu'il en soit ainsi ...

 — Parfait ! Habilles-toi comme une servante. Tu rejoins ensuite ton père, il te cachera et je lui fais entièrement confiance pour assurer ta protection. Ton frère peut rester aussi s'il a besoin d'aide pour assumer sa mission. Mufasa sait ce que tu représentes pour moi, si il te met la main dessus, je serai prêt à tout et ...

 — Chut, Jamal, je sais. J'irai chez mon père et je m'assurerai de ne pas être prise.

 — Merci. Maintenant va et soit discrète. »

 Elle acquiesça et l'embrassa une dernière fois. Elle prit son visage entre ses mains et grava son image sur sa rétine. Il en fit de même avec elle. Elle savait que même si elle réussissait à mettre son plan en pratique, ils seraient séparés pendant toute la durée de la guerre car elle ne pouvait pas prendre le risque qu'il la revoit à Siloé, une fois sa supercherie découverte.

 « Je t'aime Jamal, sois prudent ! »

 Il fut saisit d'émotion. Elle venait enfin de le tutoyer. Il voulait rester auprès d'elle, mais le temps était contre eux. Frustré, il lui fit aussi ses adieux, rassuré qu'elle reste en sécurité dans son pays, bien au chaud dans la capitale.

 « Moi aussi je t'aime, eazizati ! »

 Il l'embrassa avec fougue et quitta leurs appartements avec détermination, pour rejoindre ses conseillers.

 Elle s'habilla rapidement, d'une simple chemise, et partit rejoindre les quartiers des servantes. Elle emprunta une de leur tenue qui traînait dans la blanchisserie et qui lui allait à peu près. Elle se dirigea vers les portes du palais et dans la cohue, provoquée par la panique, elle réussit à s'échapper, sans être vue.

 Elle déambula dans les rues de la ville, longea les murs et dissimula au maximum son visage afin de ne pas être vue ou reconnue. Elle avait dû faire de multiple détours préférant ne pas emprunter les axes principaux. À la tombée de la nui, elle atteint enfin sa maison. Son père se précipita à sa rencontre, lorsqu'il reconnu sa silhouette se découpant dans le noir.

 « Leïla ! Que faites-vous là ? »

 Elle se jeta dans ses bras, inspirant son parfum familier et rassurant. Elle profita de ce moment pour remettre de l'ordre dans ses pensées. Pendant sa fuite, elle avait eu le temps de réfléchir à un plan qui lui permettrait de rejoindre le front sans éveiller les soupçons. Mais elle savait que convaincre son père ne serait pas aisé.

 « Jamal ne me voulait plus au palais. Il pense que c'est le premier endroit que les troupes de Mufasa attaqueront. Il a dit aussi que vous sauriez quoi faire pour assurer ma sécurité et qu'il vous conférait toute autorité nécessaire pour assumer à bien votre mission. »

 Son père se passa la main dans sa barbe, songeur. Son beau-fils avait raison. Mufasa allait chercher à la tuer pour que sa fille puisse enfin l'épouser.

 Bien que la majorité des pays avoisinant pratique la polygamie, Shamsen n'en faisait pas partie. Depuis plusieurs générations, le roi n'avait qu'une seule épouse envers qui il se consacrait corps et âme. Cela évitait bien des problèmes liés aux crises de jalousie provoquées par des concubines avides de pouvoir.

 Mais il savait surtout que sa fille serait incapable de rester assise sans rien faire alors que la guerre faisait rage à la frontière. Il était d'ailleurs surpris qu'elle ne cherche pas à s'y rendre. Il la regarda sceptique. Voyant qu'elle attendait qu'il prenne la parole, il réfléchit à comment la mettre en sécurité.

 « L'endroit le plus sûr serait les bas-fonds.

 — Non, l'endroit le plus sûr est sur le champ de bataille. Père laissez-moi prendre la place de Leith, s'il vous plaît. »

 « Nous-y voilà », pensa-t-il.

 « Non, c'est beaucoup trop dangereux ! »

 Il voyait la détermination dans son regard et savait qu'il n'arrivera pas à lui faire changer d'avis . Mais il était son père et c'était son rôle et son devoir de tout tenter pour l'empêcher d'y aller et de se mettre en danger inutilement. Surtout que Jamal allait le tuer quand il l'apprendrait. Mais, il connaissait sa fille. Elle ne lâcherait pas l'affaire aussi facilement. Elle avait besoin d'action.

 « Allons père, vous savez que j'ai raison. Où est Leith d'ailleurs ? Et pourquoi est-ce vous qui vous préparez pour le combat ?

 — Votre frère s'est cassé la jambe hier soir en rentrant du mariage. »

 Elle le regarda surprise avant qu'un petit sourire en coin ne vienne se dessiner sur ses lèvres.

 « Y avait-il des témoins ? »

 Il voyait bien où elle voulait en venir. Il lâcha sa réponse dans un soupir las. Ça y est, elle l'avait eu. Le combat était bientôt terminé.

 « Non, mais ...

 — Père, je vous en supplie. Personne ne me reconnaîtra nous nous ressemblons tellement Leith et moi. Il me suffit de couper mes cheveux et de me bander la poitrine. Vous savez comme moi que personne ne soupçonnerait jamais ma présence dans les rangs de l'armée.

 — Et si vous vous faites tuer !? »

 Il était en colère qu'elle ne prenne pas sa vie avec plus de considération.

 « Vous rendez-vous compte,mon enfant, de ce que cela provoquera dans tous le pays si cela arrivait ? Jamal en serait dévasté. Il vous aime tellement qu'il risque de mener le royaume à sa perte !

 — Je ferai attention, père.

 — Mais c'est à la guerre que vous allez jeune fille ! Pas dans un de ces petits tournois de coq dans lequel vous affrontiez les amis de votre frère. La mort est partout. Vous ne serez en sécurité nulle part !

 — Mais je suis la reine et je refuse de rester assise à ne rien faire pendant que mon mari et mon peuple affrontent l'ennemi.

 — Qui vous dit que vous ne ferez rien ? Pensez-vous que, parce que c'est la guerre, les activités politiques et économiques vont attendre bien sagement votre retour ? On ne gagne pas une guerre en quelques jours ! Cela va prendre des mois, voir des années.

 — Mais si j'y vais, je pourrais aider et ...

 — Et qui croyez-vous être pour penser que votre présence fera la différence ? Vous n'êtes pas le Tout-puissant, ma fille, vous restez humaine...

 — Je sais ... Mais j'ai la certitude que ma présence fera la différence, papa. Je ... Je le ressens au fond de moi. Je dois y aller. »

 Elle ne l'appelait que très rarement "papa" et seulement quand elle souhaitait le faire céder. Il souffla et fourragea sa main dans ses cheveux.

 « Ah ma fille, je regrette à présent de vous avoir appris à vous battre. Vous êtes si têtue. Je n'ai pas d'autre choix que d'accepter puisque votre décision est déjà prise, n'est-ce pas ? Que je vous l'interdise ou non, vous trouverez le moyen d'y aller quand même...

 — Oui père. Et puis j'ai déjà pensé à tout ! Partez avec Leith, cachez-vous parmi les miséreux. Il prendra ma place. Il devrait être heureux, ses cheveux sont de la même longueur que les miens et je ne porte presque jamais de robe. Il aura juste à prétendre être moi et agir comme je le ferais et on n'y verra que du feu.

 — Vous oubliez qu'il est plus grand et plus costaud.

 — C'est vrai ... Dans ce cas, je dirais la vérité aux habitants et je leur demanderai de vous cacher. Vous agirez dans l'ombre.

 — Et si Zayed le découvre ? Qu'allez-vous faire ?

 — S'il le découvre, je compte sur vous pour le convaincre de ne rien dire à Jamal. Et si vous n'y arrivez pas, alors j'obéirai aux ordres et reviendrai. Mais je ne peux pas rester ici. Vous connaissez mon instinct, vous savez que je ne me trompe que rarement. Et là, j'ai vraiment la certitude que je dois y aller.

 — En espérant que ce sentiment ne soit pas provoqué par la peur de perdre votre mari.

 — Je l'ignore père. »

 Il soupira et lui caressa doucement les cheveux. Elle aimait son contact. Les callosités, provoquées par les années de maniement de l'épée, déclenchaient en elle une agréable sensation de réconfort.

 « Très bien, nous ferons ça. »

 Ils firent part du plan à Leith qui ne lui plut bien évidemment pas. Lui qui rêvait déjà de servir dans l'armée de son roi, le convaincre fut un vrai défi.

 Mais leur père coupa court à la discussion en lui faisant remarquer qu'avec sa jambe cassée, il ne pourra rien faire du tout et qu'au moins en faisant cela il assurerait la protection de sa sœur et donc par extension celle du royaume. Cela le fit taire immédiatement et il finit par se ranger de leur avis à contre cœur.

 Il aimait beaucoup sa sœur mais il n'était pas sûr de réussir à tenir son rôle, si la guerre s'éternisait. Elle possédait un bien meilleur esprit tactique que lui et il n'était pas certain de pouvoir assurer la régence du royaume.

 Il leur fit part de ses doutes mais les deux lui répondirent qu'il n'avait pas à s'inquiéter pour cela, il n'aurait rien à faire dans ce sens, Zayed et Salim s'en occuperont. Il ne serait là que si on avait besoin d'avoir une preuve physique de la présence de Leïla à Siloé. Sinon, il lui suffira de vivre sa vie normalement en s'assurant de sa convalescence puisque les gens qui l'entoureront sauront qui il est en réalité. Il finit par approuver bien qu'avec beaucoup de réticence et sa sœur partit se préparer.

 Elle se coupa les cheveux pour leur donner une longueur réglementaire. Son père en eut un petit pincement au cœur qui la fit rire. Elle lui promit qu'ils allaient repousser vite. Elle demanda ensuite de l'aide à Ayla, qui pleurait déjà son départ, pour l'aider à se bander la poitrine. Elle eut beaucoup de mal à rassurer cette femme qui lui avait servi de figure maternelle pendant la majeure partie de sa vie.

 Elle la serra contre elle et se décala pour prendre son armure que son père lui avait fait faire quand son frère avait reçu la sienne. Elle en revêtit les différents morceaux qu'elle assembla par-dessus sa chemise de lin blanc et son pantalon brun. Elle prit ensuite son cheval, sur lequel on chargea les affaires de tous les habitants de la maisonnée, et ils s'engagèrent dans la nuit pour rejoindre les portes de la ville.

 Elle les conduisit chez Zara qui avait la place nécessaire pour accueillir tout ce petit monde. Elle lui expliqua ensuite la situation. Elle savait qu'elle veillerait à ce qu'en moins d'une journée la population de Siloé sache que le roi n'avait jamais touché Émiliria, que c'était sa voiture qui avait fauché la femme enceinte provoquant le décès de trois personnes et qu'elle était responsable d'une tentative d'empoisonnement qui aurait pu coûter la vie de Jamal. Ce n'était plus qu'une question de jours avant que cela ne fasse le tour du royaume.

 Elle lui expliqua aussi le rôle de son frère et l'importance qu'il y avait à ce que tout le monde pense qu'il était elle. Zara lui assura de son soutien et de celui des autres car ils avaient tous une dette envers elle que personne n'oublierait jamais. Elle lui fit jurer d'être prudente et lui souhaita bonne chance. Car de la chance elle en aurait besoin pour revenir de sa dangereuse épopée. Elle embrassa ensuite sa famille et fut rassurée de voir les deux vieilles femmes s'entendre à merveille.

 Elle enfourcha ensuite sa monture, et s'en alla vers le champ de bataille, là où se trouvait sa place. Elle était rassurée d'avoir confié la régence du pays entre de bonnes mains pendant qu'elle et son époux trouveraient une solution pour mettre un terme à cette guerre, le plus rapidement et avec le moins de pertes humaines possibles.

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