Chapitre 19

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 L'armée de Cheim arriva quatre jours après les recrues Shamsen.

 Pendant ce temps, Jamal et ses hommes avaient tenté de monter un plan d'action viable face à la supériorité numérique de l'adversaire. Même s'ils avaient réussi à réunir 20 000 hommes au total, ils restaient toujours en minorité face au 40 000 hommes de l'armée adversaire.

 Il estima qu'ils leur faudraient plusieurs semaines pour le vaincre et repousser ses attaques jusqu'à l'autre rives du Nahr. Malheureusement, il savait que ses soldats n'avaient guère plus d'une dernière bataille dans les jambes.

 Et la situation semblait sans issue. L'idéal serait d'en finir avec une seule bataille décisive mais il savait que cela serait irréalisable. Leur seule solution aurait été d'attaquer leur commandant et leur réserve de nourriture. Mais c'était tout bonnement impossible. Ils y passeraient avant d'avoir atteint leurs lignes de ravitaillement.

 Employer la même stratégie qu'à Altilal n'était pas non plus envisageable car les hommes de Mufasa n'avançait pas en un bloc unique mais divisés en 7 groupes séparés par des distances fixes. Cela permettait de parer à toutes tentatives d'attaques surprises. Ils finirent par mettre au point un plan extrêmement risqué mais qui avait toutes ses chances d'aboutir à une victoire.

 De son côté Mufasa était frustré de ne pas avoir rencontré d'opposition sur sa route. Il aurait aimé jouer un peu avec eux et se venger de ce qu'ils avaient fait subir à Kashim lors de leur précédente bataille. Il allait grandement regretter son Gal Meshedi. C'était un homme brillant et un excellent stratège.

 Il décida d'établir son campement au Sud de Beiden, la ville frontalière la plus proche de la capitale. Il s'installa dans sa tente avec ses conseiller pour attendre le compte rendu de la situation que devaient lui livrer ses éclaireurs. Il les avait envoyés en reconnaissance et le devançaient de quelques jours de marche.

 Ils arrivèrent enfin et sollicitèrent une audience avec lui pour lui faire leur rapport. Il leur accorda et les deux hommes entrèrent. Ils s'agenouillèrent devant lui en signe de soumission.

 « Quelles sont les nouvelles ?

 — Il y a trois collines plus loin à l'ouest, le long de la route. L'ennemi a établi son campement à leurs pieds. Nous avons trouvé un groupe de 2 000 hommes au sud-ouest. Nous pensons que ce sont les esclaves capturés par l'avant-garde. L'armée du lion rouge les poursuit.

 — Bien, nous allons les rejoindre. Retournez là-bas et observez, je veux savoir exactement tout ce qu'il se passe aux collines de Jizé.

 — Oui, votre majesté. »

 Ils retournèrent sur le front pour pouvoir espionner les lignes ennemies. L'armée de Cheim, sous l'emblème du Phœnix, continua sa route vers les collines.

 Jamal les vit arriver de loin. Il se tenait prêt à les accueillir. Il pensa à sa femme, il repensa à cette dernière nuit qu'ils avaient passée ensemble. Il se fit la promesse de remporter coûte que coûte la victoire afin de pouvoir aller la retrouver. Oui, il rêvait de goûter à nouveau à ses lèvres sucrées et de la prendre encore une fois dans ses bras.

 Son rire lui manquait et il donnerait tout pour l'entendre une dernière fois. À ce moment-là son vœu fut exaucé, il l'entendit, porté par le vent, ce son si mélodieux qu'il aimait tant. Il ferma ses yeux et sourit. Il prit ceci comme un présage de bonne augure.

 Quand il rouvrit les yeux, il les leva vers le ciel et s'aperçut que la neige recommençait à tomber. Il reporta son attention sur son ennemi et constata son arrivée au pied de la vallée.

 Mufasa plaça son campement à deux kilomètres de la plus proche colline de la pleine de Jizé. Il attendit le retour de ses éclaireurs qui ne tardèrent pas à lui faire face. Il était assis sur son trône fait d'un amas de coussin. Il s'adressa au premier quand il arriva enfin:

 « Qu'as-tu aperçu sur la colline ? »

 Il se tenait à genoux devant lui les yeux baissé. Il releva la tête pour lui délivrer ses informations.

 « J'ai vu trois drapeaux. Celui du soleil d'or, celui de la lune d'argent et celui de l'étoile filante.

 — Ainsi Albtryrk a pris position pour son roi, intéressant. »

 L'autre éclaireur arriva et s'agenouilla à son tour pour raconter ce qu'il avait vu.

 « La colline est cerclée de douves, de barrières et de lances. C'est une vraie forteresse. Nos hommes ont été attaqués en s'approchant de trop près.

 — Y a-t-il eut des blessés ?

 — Non. Par chance, personne n'a été touché.

 — Bon travail. Et qu'en est-il de la petite colline à l'arrière ?

 — Elle est immaculée, recouverte de neige. Nous n'y avons aperçu aucun ennemi. Nous poursuivons les villageois qui semblent se diriger vers la troisième colline.

 — Dépêchez-vous ! Ramenez-les ici, ils nous serviront d'otages. »

Ses hommes suivirent ses ordres et il se cala dans son siège, se triturant la barbe, songeur.

 « Alors Jamal, quel sera ton prochain coup ? »

 Le quarente-troisième jours après le début de la guerre, la bataille de Jizé allait débuter. L'armée du Phoenix plaça son premier, son deuxième, son troisième et son quatrième bataillon autour de la colline pour l'encercler. C'était les hommes d'Albtryrk qui étaient chargés de maintenir la position.

 Leur général Rohan, donna l'ordre de tirer et des salves de flèches se déversèrent sur les soldats de Cheim. Ces derniers n'abandonnèrent pas la conquête de la montagne. Les munitions n'étaient pas éternelles et ils avaient bien suffisamment d'hommes pour en sacrifier quelques-uns dans le but d'amenuiser leurs réserves.

 L'armée principale et les bataillons cinq, six et sept étaient à la poursuite des villageois mais alors qu'ils croyaient la deuxième colline déserte, les troupes du soleil d'or et de la lune argentée en jaillirent. Ils dévalèrent la pente, les prenant ainsi en embuscade sur le flan avant droite et arrière. Les affrontements furent violents.

 Les troupes Shamsen avaient l'avantage du terrain. Étant en hauteur, les archers pouvaient plus facilement atteindre leur cible alors que la visibilité de l'adversaire était limité par la neige qui tombait toujours et la montée.

 Mufasa était songeur.

 « Alors comme ça, ils s'étaient mis en embuscades derrière la colline. Jamal ben Ahmad Al Shamseni est renommé pour sa défense, je ne m'attendais pas à le voir attaquer. »

 Du côté des Shamsen, le signal venait d'être donné. Les fuyards, qui étaient en réalité des soldats déguisées, retirèrent leur déguisement et attaquèrent le cinquième bataillon de Mufasa.

 Les vrais réfugiés, quant à eux, étaient bien en sécurité au sommet de la colline et lançaient des projectiles sur les troupes à leur pied, participant à la bataille à leur façon, pour protéger leur terre et leur patrie de l'envahisseur ennemi.

 Le cinquième bataillon fut exterminé rapidement. Mufasa entra dans une grande colère quand il apprit la nouvelle. L'armée Shamsen avait réussi à éviter le sixième bataillon pour tenter d'atteindre directement le septième dans lequel il se trouvait. Espérant ainsi mettre un terme à cette guerre.

 Mufasa donna l'ordre d'envoyer un messager au quatrième bataillon pour qu'il les rejoigne, prenant ainsi la place de celui qui était tombé, pendant que les trois premiers bataillons continuaient d'assiéger la colline.

 L'armée menée par Ibrahim et Jamal, réussit à atteindre le septième bataillon. Ils pressèrent le pas pour ne pas le laisser s'échapper. Espérant ainsi atteindre leur but et vaincre Mufasa. Mais ce qu'ils n'avaient pas pris en compte c'est que le sixième bataillon se trouvait toujours derrière eux et que ses hommes étaient plus rapide car moins harassés.

 Ce dernier changea donc de direction et se rapprocha vivement d'eux, les prenants à revers. Quand Jamal comprit cela, il divisa à nouveau ses troupes en deux. L'arrière, mené par Ibrahim et plus conséquente, était chargée d'affronter le bataillon ennemi pendant que la cavalerie, avec à sa tête le roi, tentait toujours d'atteindre Mufasa.

 L'escouade se mit en marche. Cependant leurs forces atteignirent leur limite. Ils commencèrent à s'effondrer un à un à cause de la fatigue et de leurs blessures à peine guéries. Les deux groupes furent pris en sandwich par les deux bataillons causant la perte de nombreux soldats. Jamal et Ibrahim se retrouvèrent à faire face à un nombre démesuré d'adversaires et ne pouvait appeler personne à l'aide.

 « Nous étions pourtant si près du but ! »

 Ibrahim pestait contre le mauvais sort quand Mufasa se délectait de la situation.

 « Mes félicitations, mon neveu. Tu as mené tes troupes avec bravoure. Tu n'étais pas loin de me vaincre. »

 Il positionna ses deux bataillons sur les flancs, encerclant ainsi l'armée du soleil d'or et de la lune argentée. Il s'éloigna du cœur de la bataille et se mit hors de porté de l'arc de Jamal. Sa position était sans faille.

 Alors qu'ils faiblissaient et qu'ils avaient de plus en plus du mal à maintenir leur position, ils aperçurent au loin les renforts arriver. L'espoir naquit dans le cœur de Jamal. Il s'agissait des nobles auxquels il avait fait appel et qui n'avaient pas encore répondu présent. Ils vinrent se placer sous son commandement prenant par surprise l'armée du Phoenix et du Lion Rouge.

 Mufasa ragea et pesta contre sa malchance. Il s'adressa à ses généraux.

 « Un groupe de cavalier venu du nord, dites-vous !? Je croyais que personne n'était en embuscade !

 — Nous pensons que ce sont des renforts.

 — Des renforts, hein ? »

 Il réfléchissait à l'impact qu'aurait leur arrivée. Il savait depuis le début que cette issue était envisageable. Il avait, cependant, compté sur la rapidité de ses actions pour qu'ils n'aient pas le temps de rallier la frontière. Il s'était visiblement trompé.

 « Combien sont-ils ?

 — Une cavalerie de 10 000 hommes. »

 Cette information provoqua l'hilarité de l'homme.

 « Cela reste trop peu pour nous inquiéter. Nous attaquerons leur flanc avec l'aide du quatrième bataillon ! Le sixième reste au front !

 — Compris ! »

 Ses hommes obéirent à ses ordres et la bataille reprit. Cette nouvelle action provoqua un désordre dans l'armée Shamsen. Les renforts en furent grandement déstabilisés. Cela réjouit Mufasa.

 « Leur armée est mobile et dotée d'une force de frappe. Il ne faut surtout pas l'attaquer de front. Alors que leur armée principale est sur les rotules. Je les écraserai d'un seul coup ! Elle et sa cavalerie. »

 Mais une nouvelle surprenante le déstabilisa. Un de ses éclaireurs accourut pour la lui annoncer.

 « 3 000 hommes arrivent du nord ouest.

 — Comment ? Encore ? »

 Il avait du mal à comprendre.

 « Le sixième bataillon recule devant les renforts. L'adversaire progresse rapidement. »

 Il se retrouva face à un dilemme. Continuer d'attaquer au risque de perdre ou se retirer pour mieux revenir. Il choisit de battre en retraite.

 « Ordonnez à toutes les troupes de se retirer. »

 Ils se retournèrent dans leur campement pour mieux se regrouper. Ici, le calme régnait. Chacun pansait ses blessures et se remettait doucement de l'horreur de la journée qu'il venait de vivre. Ils avaient eut la victoire à leur portée mais le Tout-puissant en avait choisi autrement. 13 000 hommes étaient tombés ce jour-là.

 Ils avaient perdu cette bataille mais comptaient bien gagner la guerre. Mufasa avait rassemblé son conseil sous sa tente. Il réfléchissait à la bataille qu'ils venaient de mener, répertoriant leur perte.

 « En comptant nos éclaireurs nous avons perdu 1/3 de nos troupes. Cela ne me laisse guère le choix. »

 Il attendait une information qui allait déterminer l'issue de sa campagne. Cette dernière ne devrait plus tarder à arriver. Son messager pénétra dans la tente, encore essoufflé, porteur de mauvaises nouvelles.

 « Notre flotte à l'assaut du port de Mina' a été défaite par l'armée du magnolia pourpre mener par le général Khazar au Sud. »

 Cette information ne plut guère au roi.

 « Vraiment ? Avec mes 30 000 hommes, je dois donc me défaire de mes ennemis, puis vaincre le général Khazar et enfin, sécuriser le sud du pays et son port ? Voilà qui n'est pas aisé. »

 Ses généraux attendaient autour de lui, inquiet de sa réaction.

 « Nous rentrons. »

 Son ordre tomba. Tous furent surpris.

 « Comment !?

 — Je ne partirai pas à l'abattoir sans dire un mot. Tant que je me dédouane de cet échec et que je garde la face, cela m'est égal !! »

 Il éclata d'un rire fou.

 « Compris ! »

 Les troupes de Cheim quittèrent momentanément les terres de Shamsen admettant ainsi leur défaite. Mufasa plaça son campement sur les rives du Narh dans la ville de Beiden. Il savait qu'il aurait plusieurs jours de répit pendant lesquels il pourra se reconstituer une armée.

 Jamal avait gagné pour cette fois, mais à quel prix ?

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