Chapitre 14

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 Ils avaient décidé de célébrer leur union le samedi suivant et Leïla serait couronnée reine en même temps. Tout le château fut en effervescence durant la semaine. Les invitations furent envoyées en express. Les servantes s'affairèrent pour rendre tout parfait. Elles lavèrent sol, dépoussiérèrent les meubles et les rideaux, nettoyèrent les tapis et briquèrent les lustres et l'argenterie.

 Leïla ne savait plus où donner de la tête entre les essayages de la robe, de la coiffure, des chaussures, le choix des serviettes et des services, celui des couleurs et des fleurs, la disposition des tables et le placement des invités. Cette dernière tâche était la plus difficile car il fallait tenir compte des affinités de chacun et éviter de placer les gens à problèmes ensemble. Non, elle n'avait plus aucune minute pour souffler.

 Jamal aussi fut fort occupé. Il redoutait une réponse plutôt vindicative de la part de l'empire de Cheim et s'inquiétait de son silence. Mais il était hors de question qu'il ne mette en péril l'avenir de son royaume à cause d'une gamine pourrie gâtée. C'était la faute de son oncle s'il l'avait trop choyée et si elle était devenue ainsi. D'autant que si elle avait quitté Siloé, ce n'était pas par gaieté de cœur mais parce qu'il l'avait placée face à un ultimatum : soit elle restait et elle devait répondre de ses crimes, soit elle rentrait chez elle et il passait l'éponge.

 Il trouvait qu'il avait été très magnanime, au nom de leur enfance commune, mais lui spécifia tout de même qu'il ne voulait plus jamais entendre parler d'elle par la suite. Elle n'avait pas eu d'autre choix que de rentrer mais il savait qu'elle irait raconter des histoires à son père. Il avait cru bon de lui envoyer un message en amont qui devancerait son retour de quelque jours dans lequel il lui expliquait l'ensemble de la situation. Mais il se demandait à présent s'il n'avait pas commis une erreur en agissant ainsi ce qui lui fit craindre le pire.

 Le matin du mariage tout était prêt. La salle où se déroulerait la cérémonie était magnifiquement décorée. Les couleurs prédominantes étaient pêche, bleu et blanc avec quelques petites touches d'or et d'argent. De multiples voilages colorés étaient suspendus aux murs et au plafond. Une multitude de fleurs embaumaient l'air. Des centaines de chaises étaient disposées en plusieurs rangées, séparées en deux blocs, par un long couloir recouvert d'un tapis blanc qui reliait l'entrée à l'autel.

 Tous les invités avaient répondu présent, si bien que la salle de réception était noire de monde. Leïla avait invité bon nombre de ses protégés à qui elle avait offert une tenue. C'était les enfants qu'elle avait instruits, vêtus de magnifiques vêtements traditionnels, pêches pour les filles et bleus foncés pour les garçons, qui étaient chargés de lancer le début du cortège. Quant à Jamal, il avait invité différents chefs d'État des pays voisins et la noblesse environnante. Seul Mufasa, le père d'Émiliria, n'avait pas répondu présent.

 Leïla était posté derrière la grande porte qui fermait l'entrée de la salle remplie d'invités. Elle l'avait entrebâillé afin d'espionner l'intérieur, et fut bientôt rejointe par la dizaine d'enfants qui composait le cortèges, trop curieux pour rester sagement en place.

 Jamal se tenait fièrement devant l'autel, sa tunique bleue au bordereau pêche lui seyant comme un gant. Ses cheveux bruns et bouclés retombaient sur son front en une multitude de mèches folles sa couronne d'or posée sur sa tête. À ses côtés se tenaient Zaïna et Zayed leurs témoin. L'une vêtue d'une robe bleue, une couronne de fleur sur ses cheveux châtains, l'autre arborait un habit pêche aux liserés bleus. Ils souriaient tous les deux et Leïla, en les voyant ainsi rêva d'une romance entre eux.

 Quand la musique commença, elle repris sa place dans la noce, au bras de son père et respira un grand coup afin de se donner du courage. Les enfants s'avancèrent dans l'allée magnifiquement décoré, lançant leurs fleurs sur leur passage. Quand son tour arriva, elle se laissa guidé jusqu'à l'homme qu'elle allait aimait et qu'elle pouvait enfin épouser.

 Il la dévora des yeux pendant toute sa traversée. Il la trouvait magnifique avec sa robe pêche aux dentelles bleu foncé. Elle portait sa rivière de Lapis-lazuli, héritage de sa mère qu'elle avait tenu à porter et des boucles d'oreilles en argent. Ses cheveux étaient remontés en un chignon sophistiqué lui donnant une allure de rose. Des perles y avaient été parsemées partout s'intégrant à sa chevelure. Par-dessus avait été posé un voile bleu transparent laissant entrapercevoir son visage dissimulé. Elle avait été maquillée sobrement, juste assez pour rehausser son teint tout en restant le plus naturelle possible.

 Arrivée à sa hauteur, son cavalier lui prit sa main pour la poser sur celle de son fiancé. Salim s'adressa à Jamal d'un ton solennel, une légère menace audible dans le son de sa voix :

 « Votre altesse, je vous remets ma fille, mon bien le plus précieux. Prenez en grand soin où je n'hésiterai pas une seule seconde à vous le faire payer très cher, roi ou pas. »

 Toute l'assemblée se tut, choquée par la mise en garde, à peine voilée, du père de la mariée. Tous attendaient la réaction du roi avec appréhension.

 « Je vous remercie Salim. J'ai conscience de la valeur inestimable de votre fille, et je vous promets devant témoins, d'en prendre grand soin. »

 Le vieil homme acquiesça satisfait et Jamal ne put s'empêcher d'ajouter une touche d'humour pour détendre l'atmosphère.

 « De toute façon, j'ai bien trop peur de ce qu'elle pourrait me faire si je venais à la contrarier. »

 Ce qui lui valu de recevoir un coup de poing sur l'épaule de la part de sa fiancée et provoqua l'hilarité de Salim et de l'assemblée derrière lui. Le vieil homme partit rejoindre sa place et le mariage commença.

 C'était Zayed qui officia, étant, après Jamal et maintenant Leïla, la personne la plus influente de tout le royaume. Il parla d'une voix claire et forte de l'importance et de la signification de ce mariage. Il demanda ensuite à chacun des époux s'ils étaient prêts à promettre de s'aimer, de se soutenir, dans l'adversité comme dans la félicité, et de rester fidèles, dans les bons comme dans les mauvais jours, jusqu'à ce que la mort les sépare.

 Ils avaient chacun répondu d'un « oui » ferme et sonore, affirmant la sincérité de leur choix. Un enfant vint apporter les alliances, deux anneaux d'or, l'un finement ciselé avec des motifs rappelant des diamants gravés pour elle et l'autre simple et sans fioriture pour lui. Ils avaient choisi des alliances très simples, sans extravagances, car ils souhaitaient qu'elles soient à leur image. Une fois les anneaux aux doigts, Jamal embrassa sa femme avec fougue sous les sifflements des invités.

 Après la cérémonie, la noce se dirigea vers la salle du trône où seules les figures importantes eurent le droit de pénétrer. Les autres durent rester à l'entrée dans la cour du palais.

 Jamal prit place sur son trône et Leïla s'agenouilla à ses pieds. Il lui demanda de jurer, devant témoin, de protéger et veiller sur son peuple, de toujours garder leurs intérêts à cœur et que chacune de ses décisions soient guidées par la justice, la sagesse et le soucis de rester le plus équitable possible. Elle jura de le faire.

 On lui apporta ensuite sa couronne, un entrelacement de fils d'or, sertis de diamants qui, à la lumière du jour, donnait l'illusion d'un soleil ceignant sa chevelure ébène. Il la prit pour la poser sur son front faisant ainsi de sa femme, sa reine.

 Submergé par l'émotion, il dû batailler ferme pour ne rien laissé paraître. Une fois la couronne positionnée sur sa tête, elle passa outre le protocole et lui sauta dans les bras et l'embrassa avec fougue. Heureusement pour elle, les murmures réprobateurs furent noyés par les applaudissements de la foule, enchantée par son geste.

 Tout le monde se rendit ensuite dans la salle où se déroulerait la le banquet. Des mets riches et variés furent apportés et tous purent manger à leur faim. On dansa et on chanta. L'alcool coula à flot et la totalité du royaume fut invitée à se réjouir avec eux. Dans chaque province et dans chaque village, les gens festoyaient, sacrant ce jour mémorable comme un jour de fête.

 Mais toutes les bonnes choses ayant une fin, le moment fut venu pour les jeunes mariés de s'éclipser discrètement pour profité de la nuit, aidés par la complicité de leurs amis et de leurs témoins. Leïla eut juste le temps de voir son frère danser, l'esprit imbibé par l'alcool mais heureux de célébrer comme il se doit le mariage de sa jumelle adorée.

 Elle sourit au souvenir du jour où il avait rencontré Jamal. Leith l'avait testé de plusieurs manières tant sur son humour que sur sa capacité à bien prendre soin de sa sœur. Ils s'étaient même battus en duel afin de déterminer lequel des deux était le meilleur combattant. Leïla avait dû intervenir, en y mettant un terme, faisant du combat un match nul.

 Elle revint au présent en sentant une légère pression sur sa main droite, signe que son époux s'impatientait. Elle détourna les yeux de la scène qui se déroulait devant elle, priant secrètement pour que son pitre de jumeau ne fasse pas de bêtises et accorda toute son attention à l'homme à ses côtés. Elle lui offrit un petit sourire qu'il lui rendit. Il l'entraîna ensuite vers ses appartements prêt à les accueillir.

 Ils étaient immenses. Composés de trois pièces, une salle de bain, un petit salon et une grande chambre. Les tons reprenaient ses couleurs préférées. Il y avait du bleu, du vert, de l'or, du brun et du pourpre. La décoration était très masculine, plutôt spartiate, comprenant le minimum nécessaire.

Jamal ne lui laissa pas le temps d'observer son environnement et la guider rapidement vers la pièce qui l'intéressait. Lorsqu'elle vit la chambre ses joues s'empourprèrent. Elle eut un léger mouvement de recul et il la vit trembler légèrement.

 « As-tu peur ? »

 Maintenant qu'ils s'étaient marié, il pouvait enfin cédé à son désir de la tutoyé sans que cela soit vu comme intimiste de sa part.

 « Oui ... »

 Elle avait murmuré son aveu bravement, ancrant son regard dans le sien, rougissante de la proximité que leur conférait cette nouvelle familiarité.

 « As-tu confiance en moi ?

 — Je pourrais te suivre au bout du monde, si tu me le demandais. »

 Touché par l'abandon que lui accordait sa femme, si forte et si indépendante, il lui caressa la joue et descendit sa main jusqu'à son épaule, provoquant en elle des millions de sensations.

 « Alors fais-moi confiance, je te promets de prendre soin de toi. »

 Elle hocha doucement la tête avant de reporter son attention sur la chambre. Le Lit était énorme. Des voilages bleus et argents retombaient du plafond, pour encadrer le lit au drap brun et vert, donnant une allure de tente. Sur les murs étaient peints, avec de l'argent, l'ensemble des constellations qui composaient le ciel bleu foncé pour la moitié nuit et bleu ciel pour la moitié jour. Le jour était à gauche manifesté par un énorme soleil d'or, la nuit à droite avec une lune d'argent. La fresque était splendide et elle prit quelques minutes pour l'admirer.

 « Cela te plaît ? »

 Sa voix était rauque à son oreille et elle sentit son souffle lui caresser la base du cou quand il fut derrière elle. Il dégagea son épaule en faisant tout doucement glisser sa robe et embrassa la zone de milliers de baisers légers. Elle avait du mal à se concentrer sur le paysage devant elle et sa respiration se fit brusquement plus rapide à mesure que le désir montait en elle.

 Il sourit de sa réaction et lui attrapa la main pour la tirer vers la dernière pièce, la salle de bain. Elle resta un instant en admiration devant la décoration. On aurait dit que l'on se trouvait sous l'océan, du moins c'est ainsi qu'elle ce l'imaginait, n'ayant jamais vu la mer.

 Sur toute la surface disponible avait été assemblé une géante mosaïque représentant différentes espèces de poissons, aux couleurs chatoyantes, nageant sur un fond bleu. Il y avait aussi des algues et des rochers. Les détails étaient troublants leur conférant l'impression de nager vraiment. La végétation semblait ballottée au gré d'un courant invisible. Les reflets du bassin aux teintes plus foncées, censés certainement représenter des fonds marins plus profonds, produisaient un effet de vaguelettes sur les murs et le plafond.

 Dans le bassin une baleine nageait sur la surface, son petit à ses côtés. À côté un phoque semblait vouloir sortir du bain, cherchant à rejoindre sa compagne représentée sur le sol à côté. Elle était émerveillée devant tant de splendeur. Elle se tourna vers son mari qui se tenait derrière elle lui offrant un immense sourire de reconnaissance.

 « C'est magnifique !

 — Je savais que cela te plairait. »

 Il lui caressa la joue de son pouce survolant ses lèvres roses. Il mourrait d'envie de l'embrasser, mais ne voulait pas la brusquer. Il souhaitait faire de cette nuit, Sa nuit, et la rendre inoubliable à son esprit.

 « Cela te siérait de prendre un bain en ma compagnie ? »

 Elle avait posé sa question avec tant d'innocence qu'il lui sourit tendrement.

 « Ce serait un plaisir, huluwti*. »

 Il la déshabilla doucement, provoquant une accélération de sa respiration. Il leva les yeux vers elle, conscient de ce qu'il provoquait en elle. Une fois nu devant elle, il la dévisagea avec gourmandise, se repassant de sa beauté. Elle était désormais à lui et son cœur en fut gonflé de joie. Elle était magnifique, ses cheveux défaits et ses joues rougies par la timidité.

 Ne supportant pas de rester inactive devant son examen, elle s'avança vers lui et le dévêtit de la même façon qu'il avait fait avec elle. Quand elle eut terminé, elle lui prit la main et le conduisit dans l'eau chaude. Un vrai délice. Ils se prélassèrent sous les flots se délectant de la sensation de l'eau chaude sur leur corps. Elle maintenait une distance volontaire entre eux trop intimidé par la situation. Il réussit à la coincer dans un coin, ne supportant plus de la voir si loin. Il la voulait contre lui. Il rêvait de toucher sa peau et humer son odeur fruitée.

 Elle hoqueta bruyamment quand sa paume entreprit l'exploration de son corps faisant monter en elle une bouffée de désir. Il l'embrassa avec passion tout en continuant l'exploration. Il la souleva quand elle enroula d'instinct ses jambes autour de sa taille et la porta jusqu'à son lit, écartant les voilages avant de la déposer sur ses draps frais.

 Il l'admira, plongeant ses yeux dans son regard fiévreux. Il déposa doucement ses lèvres sur les siennes, point de départ vers leur union complète. Cette nuit-là, Jamal tint sa promesse, Leïla ne s'était jamais sentie autant aimée et choyée. Il prit soin d'elle, cherchant son plaisir avant le sien, l'emmenant au-delà des voluptés. Oui, cette nuit-là Jamal fit de Leïla sa femme et elle se sentit parfaitement comblée.

 Ils s'unirent plusieurs fois et ce ne fut qu'aux premières lueurs du jour qu'ils s'endormirent serrés l'un contre l'autre, dans un amas de membres entrelacés, comblés d'amour et d'insouciance.

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*Huluwti : ma douce

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