Chapitre 26

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Le lendemain, ils mirent le plan à exécution. Il était simple, basique mais efficace. En premier lieu, il fallait prévenir les prisonniers. Comme elle était encore trop faible pour bouger, elle envoya Leith et Soraya délivrer le message. Ils revinrent en fin d'après midi avec sa réponse.

 « Qu'ont-ils dit ?

 — Ils ont dit qu'ils seront prêts. On a fait du beau boulot tous les trois, ils ne sont qu'une petite dizaine dans l'incapacité de se battre, les autres n'attendent que ça.

 — Parfait ! »

 Elle tapa dans ses mains ravie de l'apprendre. Son frère la regarda inquiet.

 « Tu es sûre de toi, petit génie ?

 — Comment ça ?

 — Et bien ... Tu viens d'accoucher, tout ça c'est un peu risqué ... Tu ne trouves pas ?

 — Ça l'est ! Mais je n'ai plus vraiment le choix ...

 — Tu pourrais rester ici et attendre que la guerre finisse !

 — Tu sais bien que ce n'est pas aussi simple. La vie ici est bien trop risquée ! Si quelqu'un découvre qui je suis, je serais exécutée et j'ignore ce qu'il adviendra de mes enfants.

 — Tu regrettes d'être partie ?

 — J'ai l'impression de ne pas avoir été utile ...

 — Tu es stupide Leïla, si tu crois que tu es inutile, alors tu es vraiment stupide ! »

 Il était rare qu'il l'appelle par son prénom. Quand il le faisait c'était pour la réprimander ou pour lui annoncer une mauvaise nouvelle. Elle était vexée de se faire insulter ainsi.

 « Hé ! Pourquoi dis-tu ça ?

 — Dois-je te rappeler tout ce que tu as accomplis depuis le début de la guerre ? Suis-je vraiment obligé de te dire le nombre de vies que tu as sauvé que ce soit ici ou sur le front ? Faut-il te faire remarquer les sourires qui fleurissent partout autour de toi, sans compter du message d'espoir que tu véhicules à toi toute seule ? »

 Elle baissa les yeux, honteuse. Elle savait qu'il avait raison, mais elle aurait voulu faire tellement plus.

 « C'est bien ce qu'il me semblait. Tu as déjà accomplis ta part, petit génie. Si tu décidais de rester à l'arrière, personne ne t'en voudrait. Tu es la meilleure reine de tous les temps, ne l'oublie pas ! »

 Elle sourit à ses mots. C'était ce que lui disaient les enfants de Siloé. Elle laissa couler une larme le long de joue en pensant à eux. Oui, elle avait déjà fait sa part. Oui, on ne lui en voudra pas. Mais ce que personne ne comprend, c'est qu'elle, elle s'en voudrait. Elle aurait l'impression d'avoir échoué, si elle ne mène pas cette révolution jusqu'au bout.

 Elle remercia son frère et le prit dans ses bras. Il lui rendit son étreinte, fier de la femme qu'elle était devenue. Il le pensait sincèrement en citant ses mots. C'était vraiment une excellente reine. Il en était satisfait.

 « N'oublie pas que tu es une mère aujourd'hui, d'accord ? Et que la vie de tes enfants passe avant tout ! Le plus judicieux à mon sens est que tu mènes la rébellion en secret et que tu te concentres sur ta survie et celle des petits. »

 Elle secoua la tête.

 « Un soulèvement de cette ampleur à besoin d'un chef, de quelqu'un qui guidera le mouvement. Tu l'as dit toi-même tout à l'heure, je représente l'espoir. Cela ne sera pas aussi efficace si c'est toi ou Rayhan qui prenez ma place. Je ne peux pas rester en arrière. Mais, puisque j'ai totalement confiance en toi, je vais te confier la vie de mes enfants, tu devras les protéger et prendre soin d'eux.

 — Hors de question ! Tu restes avec eux et c'est moi qui mène la rébellion ! Tu t'es bien déguisée en moi, je peux bien faire pareil.

 — Non, je dois en être ! Je suis la reine, il faut que je le fasse sinon cela n'aurait aucun sens.

 — Mais je t'accompagne et Rayhan aussi ! Demande à quelqu'un d'autre de veiller sur eux mais il est hors de question que je ne t'abandonne. »

 Ils partirent discuter avec les autres de la suite du programme. Zélie eut la même réaction que Leïla ce qui exaspéra Rayhan.

 « Hors de question que vous me laissiez en arrière, je viens aussi avec vous !

 — Mais et vos enfants ! Comment allez-vous faire ? Soyez raisonnable un instant mesdames et reprenez-vous ! »

 Alors qu'ils s'affrontaient dans une joute verbale dont eux seuls avaient le secret, Leïla réfléchissait.

 « Et toi Sora ? »

 Son amie s'offusqua de sa proposition.

 « Moi aussi, je viens ! »

 Ce fut au tour de Leith de s'emporter.

 « Non ! C'est bien trop dangereux ! »

 Leïla rit aux éclats e face à ce tableau. La mélancolie la gagna de voir Rayhan et son frère protéger aussi farouchement leur femme. Elle pensa à son mari qui aurait réagi de même. Et c'est pour ça qu'elle devait le faire. Car, avant d'être une mère ou une épouse, elle était une reine. C'était son devoir. Son rôle. Sa mission.

 « Arrêtez de vous disputer ! Cela suffit maintenant. On va demander à Miriam. Si on les cache dans la caverne sous l'enclave, personne ne les trouvera et ils seront en sécurité. D'autant que je ne pense pas que cela prendra beaucoup de temps, les forces armées de la capital sont concentrées à l'extérieur, le palais n'est presque pas protégé. Prendre possession de Ganesh depuis l'intérieur devrait être un jeu d'enfant ! »

 Ils approuvèrent son raisonnement.

 « Tu as raison ! Allons demander à Miriam si elle accepte de jouer les nounous pour que des mères inconscientes aillent se battre sur le front.

 — La ferme, Rayhan, n'oublie pas je suis ta reine, c'est moi qui décide et toi tu obéis.

 — Oui, oui, je sais, Ô vénérable reine. Je me tais et j'obéis. »

 Sa petite pique les fit rire et c'est dans la joie et la bonne humeur qu'ils se dirigèrent vers la maison de la vieille femme. Ils lui firent part de leur projet et Miriam accepta sans ronchonner, ravie de pouvoir leur être utile. Ils s'en allèrent ensuite préparer la suite de leur plan. Elle les regarda partir et murmura une petite prière à son dieu qu'elle servait.

 « Puisses le Tout-puissant vous guider dans vos décisions, qu'Il vous donne la sagesse et le succès dans votre entreprise. Et que Sa main vous protège durant votre mission. »

 Ils rejoignirent la maison de Zélie et s'assirent autour de la table, les couples face à face, pendant que Leïla présidait.

 « C'est partie pour la seconde phase du plan. Zélie, qu'en est-il de tes amies, elles acceptent de faire la diversion ?

 — Oui, elles les attireront dans la ruelle près du magasin de relique de Mustapha.

 — Parfait ! Qu'en est-il du bois ? »

 Cette fois-ci c'était à Leith qu'elle s'adressait.

 « Karim a accepté de mettre à notre disposition toute sa réserve. Il a dit que tu lui revaudras ça. »

 Elle fut ravie de l'apprendre. Elle était touchée de la générosité des gens. Ils acceptaient de la suivre dans son projet alors qu'ils ignoraient tout d'elle.

 « Qu'en est-il de la date du convoi ? On a plus de précisions, Rayhan ?

 — J'ai entendu Akram dire qu'un convoi partait mardi.

 — Après-demain, donc. C'est parfait ! Sachant qu'il lui faudra quelques jours pour atteindre le front, cela nous laissera le temps pour soumettre la ville. »

 Elle réfléchit quelques secondes à la mise en place de leur mission.

 « Une fois l'attention des gardes détournée, on demande à la bande des petits voleurs de piller les chariots. Les provisions seront ensuite réparties dans les différents foyer et les armes cachées dans la grotte, quant aux médicaments, ils serviront à garnir notre petite pharmacie. »

 Le jour du sabotage arriva enfin. Les amies de Zélie détournèrent l'attention des gardes qui s'offrir un dernier instant de plaisir avant de partir pour le front. Pendant ce temps, les enfants volèrent le contenu des chariots tandis que les autres les remplaçaient par des bûches et du bois.

 Seul le chariot de tête resta intact car c'était dans celui-ci que les soldats puiseraient leur réserve de nourriture durant le voyage. En moins de trente minutes, l'affaire fut réglée et les militaires partirent sans rien soupçonner de ce qu'il s'était passé.

 Avec toutes les provisions récoltées, une petite fête fut organisée. Ce soir-là on dansa et on ria. Tous mangèrent à leur faim et l'alcool coula à flot. Il ne restait plus qu'à mettre en place la troisième et dernière étape de leur plan. La guerre civile.

 La journée du lendemain fut consacrée à la réalisation de petites bombes faites avec de la poudre à canon et du tissu. Elles n'étaient pas bien dangereuses mais faisaient beaucoup de bruit. Elles leur seront utile pour provoquer une diversion. Tous les habitants du quartier aidèrent à leur fabrication.

 Quant à Miriam et les jumeaux Khazar, ils entreprirent de fabriquer un puissant somnifère qui fut mélangé à de la pâte à gâteau. Les petits biscuits ainsi confectionné seront donner aux gardes de l'enclave pour les endormir et permettre aux esclaves de s'échapper.

 Le soulèvement fut programmé pour le jour suivant. Leïla et Zélie partirent le matin même avec Miriam et leurs enfants pour la caverne, où ils seraient en sécurité. Quand tout le monde fut bien caché, elles donnèrent à la plus vieille, vivres et couvertures pour qu'ils puissent tenir quelques jours si jamais la bataille s'éternisait.

 Elles se rendirent ensuite aux prisons avec le panier de gâteaux préparés pour l'occasion. Comme prévu, chacun des gardiens voulu en manger un avant de les laisser entrer. Elles attendirent quelques instants qu'ils soient tous endormis pour les ligoter et les bâillonner entre eux, s'assurant ainsi qu'ils n'interféreront pas dans leur plan.

 Elles libérèrent ensuite tous les esclaves. On conduisit les invalides au cœur des bas fond pour qu'ils y soient en sécurité et ainsi récupérer les armes mises de côtés.

 À la nuit tombée, la bataille commença. La petite armée était divisée en trois bataillons. Le premier était dirigé par Rayhan et Zélie. Le second par Leith et Soraya et le troisième par Leïla. Ils se dirigèrent tous ensemble droit vers le château.

 Durant toute la traversée de la ville, personne ne les arrêta et quelques habitants se joignirent même à eux, armées de couteaux et d'autres outils susceptibles de servir d'armes. Ils rencontrèrent une légère résistance arrivés aux portes du château mais cela fut très rapidement réglé en raison de leur supériorité numérique.

 Une fois à l'intérieur, ils se divisèrent. L'objectif était de faire le moins de morts possible. On bâillonna et ligota tous les soldats que l'on croisait. Tout le personnel du château fut rapidement mis hors d'état de nuire. Du soldat à la femme de chambre, tout le monde fut enfermé dans la grande salle qui servait à accueillir les réceptions données par la famille royale. Au levé du jour, tout le monde avait été maîtrisé.

 Il ne restait plus que la famille royale. Leïla envoya deux de ses hommes pour s'occuper de la reine et des concubine royale. Quant à elle, elle alla s'occuper personnellement de la princesse Émiliria. Elle se dirigea dans sa chambre et attendit patiemment qu'elle se réveille, assise au pied de son lit, se curant les ongles avec son poignard.

 Leïla n'avait pas vu d'enfant, et Émiliria n'avait pas l'allure d'une femme sur le point d'accoucher. Elle en déduit donc qu'elle avait également menti sur cette prétendue grossesse ou bien qu'elle avait perdu le bébé dès le début.

 Lasse d'attendre que sa rivale se réveille, elle décida de prendre les devants. Elle s'assied de tout son poids, à califourchon, sur l'estomac de la jeune fille et plaqua son poignard sous sa gorge. Cela eut le mérite de fonctionner et elle se réveilla en sursaut. Ses yeux s'écarquillèrent de terreur. Leïla avait pris grand soin de se voiler en dissimulant la totalité de son visage, seuls ses yeux étaient visibles.

 « Bien le bonjour, princesse, ceci est un coup d'État. »

 Elle la retourna d'une main, sans grande difficulté, tant elle était figée par la stupeur. Elle lui ligota les mains derrière le dos. La princesse remise de son étonnement, donnait désormais de sa voix à grand coup de « Gaaaaarde, aidez moiiiiiiii ! » Mais bien évidemment personne ne l'entendit.

 Agacée par ses hurlements, Leïla déchira le bas de sa chemise de nuit pour en faire un bâillon. Elle hurla de plus belle mais finit par se calmer quand elle comprit que personne ne viendrait la sauver.

 « Finit, princesse ? Pas trop tôt, j'aurais eu beaucoup de peine à devoir vous arracher vos cordes vocales. »

 Le sérieux avec lequel elle avait prononcé cette phrase la calma instantanément et elle commença à trembler comme une feuille, le teint blafard. Leïla en profita pour la remettre sur pied et la poussa vers la porte de sa chambre. La princesse de Cheim sanglotait de terreur et quand elle arriva là où tout le monde était retenu, des frissons lui parcoururent tout le corps.

 « Et bien Doc, tu en as mis du temps ! J'espère que tu as bien profité de la demoiselle. »

 Tout le monde l'appelait ainsi depuis le retour de Leith. Sa répartie lui fit l'effet d'une douche froide.

 « Je ne couche pas avec les catins. »

 Émiliria se redressa de toute sa hauteur vexée par ce commentaire.

 « Quoi ? Princesse, vous n'êtes pas d'accord avec moi ? »

 Elle la foudroya du regard ce qui la fit rire.

 « Princesse, croyez-moi, vous allez payer très cher cette guerre que vous avez causé. Vous auriez mieux fait de vous contenter d'un mari fortuné plutôt que de convoiter le roi d'un pays. À cause de cela vous allez tout perdre. »

 Elle la vit déglutir à ses paroles.

 « Bien, maintenant, qu'allons-nous faire de vous. Ah ! Je sais ! Vous serez enfermée avec votre mère dans un des cachots du royaume. »

 Un de ses hommes vint se placer devant elle.

 « Et pour les autres ?

 — Mettez tout le monde aux oubliettes mais assurez-vous qu'ils soient bien traités. Pour la princesse et la reine, appliquez le même traitement qu'aux prisonniers de guerres, le travail forcé en moins. Un petit jeûne forcé ne leur feront pas de mal.

 — Bien chef ! »

 Émiliria hurla derrière son bâillon. Sa mère semblait s'être résignée de son sort, elle avait compris que c'était un coup d'État et que personne ne pourra plus les sortir de là.

 Quand tout le monde fut mis en prison, Leïla envoya Zélie chercher Miriam et les enfants. Elle les conduisit au château où une chambre les attendait.

 Quand la nouvelle du coup d'État fut annoncé, toute la ville entra dans une grande euphorie. Tous les nobles furent arrêtés et emprisonnés. Les prisons du château en furent pleines à craquer et on dû procéder à un roulement régulier des gardes en raison des vociférations et des cris qui rendirent fou plus d'un.

 Leïla estima qu'elle avait un peu moins d'une semaine devant elle avant que Mufasa ne soit prévenu de la prise de Ganesh, elle avait donc un peu moins de sept jour pour préparer la population de la capitale pour son retour.

 Elle ignorait ce que son mari avait l'intention de faire. Elle ne savait pas s'il souhaitait faire fusionner Cheim et Shamsen où si au contraire, il mettrait quelqu'un d'autre sur le trône. Elle espérait en tout cas qu'il ne pardonnera pas à son oncle d'avoir eut foi dans les simagrées de sa filles.

 Elle avait été voir Émiliria et quand elle avait vu dans quel état de dépravation elle se trouvait après seulement quelques heures de détention, elle comprit qu'elle tenait là sa vengeance pour tous les crimes qu'elle avait commis. La mort aurait été bien trop douce pour elle.

 Avec l'aide de Rayhan et de son frère, elle composa une armée suffisamment conséquente pour résister quelques heures au retour du roi. Tout le monde comptait sur elle et elle espérait sincèrement que son mari les suivrait de près. Dans le cas contraire, cet endroit deviendra leur tombeau.

 Ils montèrent ensuite un plan d'attaque pour piéger le roi. Après avoir revu point par point son déroulé, elle partit rejoindre ses enfants et profiter de ce moment de répit pour se reposer avec eux.

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