Chapitre 27

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 Cela faisait six mois que Rayhan et son beau-frère étaient partis. Six mois durant lesquels, Jamal n'avait reçu aucune nouvelle de sa femme. Elle lui manquait terriblement et l'horreur du champ de bataille lui donnait davantage envie d'être avec elle.

 Combien de fois avait-il rêvé de tout quitter pour tenter de passer la frontière et retrouver sa douce épouse ? Il ignorait même si elle était toujours en vie. Et cette ignorance le tuait à petit feu. Il savait que le risque était trop élevé pour qu'ils échangent des lettres mais cela ne l'empêchait pas de le désirer ardemment.

 Il était dans sa tente, assis sur un siège, perdu dans ses sombres pensées quand un de ses généraux demanda à s'entretenir avec lui.

 « Votre majesté ? »

 Il releva la tête vers lui et lui fit signe d'approcher.

 « Qui a-t-il Khaled ? »

 L'homme s'agenouilla devant lui.

 « Il semble qu'il y ait un problème dans le camp adverse. »

 Jamal fronça les sourcils, surpris par la nouvelle.

 « Quel est-il ?

 — Et bien ... Nos espions tendent à penser qu'ils sont en manque d'équipements, de vivres et de médicaments. Apparemment, leurs derniers chariots de provisions ne contenaient que du bois. »

 L'espoir jaillit dans son cœur. Un petit sourire commença à s'étirer sur ses lèvres. Il en était sûr, c'était là l'œuvre de son intrépide guerrière.

 « Le problème viendrait-il de Ganesh ? »

 Il dissimula tant bien que mal son enthousiasme mais son subordonné ne manqua pas de remarquer la nouvelle étincelle de vie qui brillait à nouveau dans son regard.

 « Nous l'ignorons, deux de nos espions ont enfin réussi à traverser le fleuve. Nous en saurons plus quand ils reviendront.

 — Merci Khaled, tiens-moi informé de leur retour, je veux être le premier à leur parler.

 — Bien votre majesté. »

 Il se retira après un salut militaire le laissant seul perdu dans ses réflexions. Peu importe qui en était l'auteur, il y avait de l'agitation chez l'ennemi et c'était là l'occasion qu'il attendait pour percer les défenses adverses.

 Cela faisait six mois qu'ils étaient entrés dans une guerre d'usure avec Mufasa. L'objectif avait été de multiplier les attaques à la frontière pour affaiblir le camp adverse. Si jusqu'à présent il avait réussi à tenir sa position c'était uniquement grâce à sa défense. Mais, en raison de son infériorité numérique, ses troupes faiblissaient.

 Il n'avait pas de réservistes comme son opposant. Il avait engagé tous ses hommes dans la bataille pour lui tenir tête. Alors que l'autre pouvait opéré des roulements dans ses rangs permettant à ses troupes de se reposer. De plus leurs blessés avaient plus de temps pour se remettre complètement de leurs blessures. Avantage que Jamal n'avait pas.

 De plus, les nouvelles recrues étaient terrorisées dès leur arrivée et il avait beau user de toute sa force de persuasion, il avait du mal à maintenir l'ordre dans ses rangs. De ce fait, ses troupes étaient épuisées et complètement démoralisées.

 La perte de Leïla avait aussi été un coup dur pour le moral de tous. Le médecin supérieur n'était plus que l'ombre de lui-même errant de blessés en blessés, frustré de son impuissance. Elle était son meilleur médecin et maîtrisait des techniques encore au stade de l'innovation. Sans compter qu'elle pouvait s'adapter à quasiment n'importe quelles situations. D'autant que sa douceur et sa gentillesse étaient d'excellents remèdes à beaucoup de leur maux.

 Et depuis quelques mois, tout le monde était à bout, il manquait sa pétillante présence et sa joie de vivre pour les revigorer. Oh comme, il rêvait de mettre la main sur le traître qui l'avait kidnappée ! Il voulait lui tordre le cou.

 Il se leva d'un bon. Il était en colère contre lui-même. Il se sentait faible et impuissant quand elle était loin de lui. Et ça ne lui plaisait pas du tout. Il était devenu dépendant d'elle. Il avait besoin d'elle. Cette guerre ne pouvait plus durer ! Il devait y mettre un terme rapidement.

 Et on venait de lui offrir sur un plateau d'argent l'occasion qu'il attendait depuis des mois. Il allait s'assurer que cette perturbation tourne à son avantage. Il convoqua son conseil de guerre en urgence. Ils se rassemblèrent sous sa tente. Ayant une confiance absolue en eux, alors il leur raconta tout. Le fait que sa femme était peut-être derrière cette nouvelle offensive et de ses inquiétudes vis-à vis de Mufasa.

 Mufasa quant à lui venait à penser que ce n'était qu'une tentative de sabotage, rien d'important pour l'instant. Ils pouvaient tenir jusqu'au prochain convoi. Mais Jamal était persuadé qu'il n'y en aurait pas d'autre. Et qu'à ce moment là, son adversaire s'empresserait de retourner à Ganesh pour comprendre ce qu'il s'y passait.

 Il était sûr que sa femme n'avait pas coupé les lignes de communication avec le front et qu'elle maintenait l'illusion que tout allait bien. Malheureusement, il était sûr qu'elle ne ferait pas le poids face à une attaque frontale.

 Ils devaient donc mettre au point une riposte divisée en plusieurs étapes. La première avait pour but de profiter de la faiblesse immédiate de leur ennemi et de l'affaiblir encore plus. Il lança l'offensive sans plus attendre. Le plan était simple, ils allaient attaquer le camp en pleine nuit.

 Chacun des soldats devait mettre une torche dans une cruche pour que la lumière du feu n'alerte pas l'ennemi. Ils encerclèrent ensuite l'adversaire et au signal donné, cassèrent leur cruche et mirent feu au campement. Dans la panique qui suivit, ils ne pensèrent qu'à fuir abandonnant arme et nourriture, poursuivis par l'armée Shamsen qui leur occasionna beaucoup de perte.

 Cette attaque éclaire leur permis de prendre la ville de Beiden. Cette petite victoire suffit à motiver ses troupes qui avaient à nouveau leur moral chargé à bloc.

 Le lendemain, ils lancèrent une nouvelle offensive qui força à nouveau les troupes adverses à se replier. La faim et la fatigue commençait à se faire sentir et Jamal en était très heureux. Il avait désormais la certitude que la capitale était vraiment tombée quant au troisième jour aucun chariot de provisions n'arriva pour approvisionner l'armée de Cheim. Le soir même, ses espions revinrent avec les réponses qu'il attendait.

 « Votre majesté, nous avons réussi à atteindre Ganesh.

 — Et donc, que ce passe-t-il ?

 — Il semblerait que la ville ait été victime d'un coup d'État.

 — Qui en est l'auteur ? »

 Les deux espions se regardèrent les yeux pétillants de bonheur.

 « Laissez nous vous raconter ce qu'il s'est passé depuis le début.

 — Et bien parlez ! »

 Ils commencèrent alors leur curieux récit.

⚜️


 Ils avaient été capturés aux portes de la villes, le matin du troisième jour après la prise de la capitale. Ils étaient habillés comme des espions de Shamsen et furent immédiatement emmené devant Leïla pour être interrogés.

 Elle les avait reçus dans une vaste salle, richement décorée, probablement la salle du conseil ou quelque chose comme ça. Elle siégeait sur une chaise entourée par ses hommes, les deux espions se tenaient à genoux devant elle. Elle portait toujours son voile sur sa tête afin que personne ne la reconnaisse.

 « Ainsi donc vous êtes des espions de Shamsen ? »

 Aucun d'eux ne répondit. Elle était exaspérée par le silence mais le comprenait. Elle les observa plus attentivement, espérant trouver un moyen de les rassurer quand elle en reconnut l'un d'eux. Elle l'interpella.

 « Toi, tu t'es fait embroché le bras par une épée de Cheim. Tu pleurais pendant tout le trajet jusqu'à l'hôpital militaire parce que tu pensais qu'on allait te couper le bras. Après plusieurs ...

 — Comment le savez-vous ? »

 Il la regardait mi-surpris mi-inquiet qu'elle connaisse cette information sur lui.

 « Parce que c'est moi qui t'ai soigné.

 — C'est ...

 — Impossible ? Eh bien je n'aime pas trop ce mot à vrai dire et j'ai tendance à penser que rien n'est impossible pour celui qui le veut vraiment.

 — Mais, comment ?

 — C'est une très longue histoire qu'il me faudrait vous conter là. Mais l'essentiel est de savoir que nous avons désormais le contrôle de la ville et que nous nous assurons qu'aucun chariot de provisions n'atteignent le front depuis. On espère que ce sabotage donnera un coup de pouce au roi pour qu'il puisse en terminer rapidement avec ce conflit. Nous avons aussi eut la chance que tout soit centralisé ici, à Ganesh, ce n'était donc pas très compliqué de mettre notre stratégie en place. »

 Elle leur sourit, mais à cause de son voile, seuls ses yeux pétillèrent

 « C'était déjà une grosse erreur de la part de Mufasa d'emmener ses prisonniers de guerre dans la capitale et la laisser si peu gardée. Mais il en commit une seconde en décidant de tout concentrer ici. L'adage ne dit-il pas que l'orgueil précède la chute ? Il était tellement certain que personne n'arriverait à percer ses défenses et réussisse le coup que nous lui avons asséné. Enfin, cela nous a permis d'avoir un avantage décisif sur cette maudite guerre.

 — Mais comment avez-vous fait ? »

 On leur conta donc toute l'histoire. Ils la regardèrent avec admiration. Peinant à croire que ce gamin chétif était à l'origine de la plus grande action décisive. C'était décidément un vrai génie, médecin compétent et chef de guerre redoutable. Pas de doute, il entrerait dans l'histoire du royaume. Voyant vers où se dirigeaient leurs pensées, elle reprit la parole.

 « Avant que vous ne me voyez comme un héros, un génie ou je ne sais quoi d'autre, sachez que sans l'aide de tout le monde, je n'y serais jamais arrivée. Je n'étais pas le seul à concevoir tout ce plan, je n'ai fait que servir de figure de prou »

 Ses soldats protestèrent.

 « Tu te sous-estimes ! On n'a pas fait grand-chose nous !

 — Mais tais-toi donc, tu ne vois pas que le gamin, il est trop modeste pour recevoir des éloges et qu'il préfère les partager avec nous ! »

 Ils se chamaillèrent jusqu'à ce qu'elle ordonne le silence de sa voix claire. Quand il se fit, elle demanda des nouvelles du front. On lui donna ces informations avec joie. Elle fut ravie d'apprendre que leur sabotage avait eut les répercussions escomptées.

 Elle regrettait de ne pas avoir été une petite souris pour assister à la scène. Elle imaginait sans peine la rage et la fureur de Mufasa, si bien qu'elle eut beaucoup de mal à contenir son hilarité. Elle était sûre que Jamal allait sauter sur l'occasion pour changer le cours de l'histoire et repousser l'ennemi dans ses retranchements. Mais elle savait que ce n'était plus qu'une question de temps avant que l'armée ne se dirige vers la capitale. Elle devait prendre une décision et vite.

 « Bien, transmettez un message au roi. Dites-lui que tout le monde va bien et que nous avons soumis Ganesh à son autorité. Que les habitants de la villes attendent leur nouveau roi avec impatience. Dîtes lui aussi que la famille royale et toute la noblesse qui séjournait ici sont enfermés dans les oubliettes du château, en attendant leur jugement. Et enfin, dites lui de ne pas trop tarder car si nous avons aujourd'hui la situation bien en main, nous ignorons ce qu'il adviendra de demain.

 — Nous transmettrons le message ! »

 Elle tapa dans ses mains pour attirer l'attention.

 « Bien, qu'on leur donne à manger et à boire ! »

 Elle s'adressa à nouveau aux espions à ses pieds.

 « Quant à vous, reposez-vous et reprenez la route au plus vite. Comme je vous l'ai dit, le temps presse. »

 Ils mangèrent à leur faim et burent jusqu'à satiété. Ils se reposèrent deux heures avant de reprendre la route, porteur de ces bonnes nouvelles pour leur roi.


⚜️


 À la fin de ce récit, Jamal les regarda pensivement. Leïla avait donc réussi à retourner tout un peuple contre son roi. S'il n'avait pas été déjà fou amoureux d'elle, cela aurait été le cas en cet instant. Il se félicitait de l'avoir choisie. Encore une fois, elle outrepassait ses espérances. Il était rassuré de son sort. Elle allait bien et c'était tout ce dont il avait besoin de savoir.

 Galvanisé par toutes ces bonnes nouvelles, il se redressa et convoqua à nouveau ses hommes pour leur faire part de cette avancée. Car elle avait raison. Le temps pressait, il devait absolument atteindre la capitale au plus vite car un imprévu était très vite arrivé, et la balance pouvait à nouveau pencher pour le camp adverse. D'autant, que pour l'instant tout le monde semblait ignorer son identité mais pour combien de temps encore ?

 Il réunit ses troupes juste à temps pour suivre l'armée de Cheim qui avait également pris la décision de se rendre à Ganesh. Les deux armées arrivèrent aux abords de la ville en milieu d'après midi, trois jours après leur départ. Mufasa se présenta aux portes de la ville.

 « Ouvrez la porte sur ordre du roi ! »

 Personne ne répondit mais une agitation se fit sentir à l'intérieur des murs.

 « Maintenant ! »

 Le cri perça dans le silence environnant. Jamal reconnut cette voix entre mille. Il sourit, le cœur battant à toute allure. Il n'avait qu'une hâte, en finir au plus vite pour aller la serrer dans ses bras et respirer son odeur qui l'avait tant manqué. Il voulait embrasser ses lèvres sucrées, il voulait ...

 Il fut coupé dans son fantasme par des hurlements de rage et de douleur. Il reporta son attention sur la scène qui se déroulait devant lui. Des pierres, de l'eau bouillante et des excréments d'animaux en tous genres, étaient déversés sur la tête de son adversaire. Il y eut un mouvement de panique et l'on tenta de fuir. Mais la retraite fut impossible. Ses troupes en empêchaient toutes tentatives.

 Sur les murailles, se tenait les habitants de la villes armées d'arc et de couteau. Il scandait encore et encore :

 « Nous voulons Jamal ben Ahmad Al Shamseni pour roi ! »

« À mort la famille royale Al Cheim »

 « Nous avons toujours vécu dans l'ombre de nos dirigeants mais si nous pouvons choisir notre roi nous préférons Jamal ben Ahmad Al Shamseni ».

 Ses mots le touchèrent plus qu'il ne voulut le reconnaître. Il capta le regard de sa femme à leur tête. Elle lui sourit et positionna son poing en avant, pouce relevé, en signe de victoire. Il lui fit un petit signe du menton qu'elle vit à peine en raison de la distance et lança ce qu'il espérait être la dernière offensive.

 Il ordonna à ses troupes d'encercler l'adversaire qui fut bien vite bloqué contre la muraille, sans aucune possibilité de retraite. Mufasa refusa de se rendre mais face à la réaction des civils sur la muraille, ses troupes se retournèrent contre lui et l'un de ses hommes lui enfonça sa lance dans le flan.

 C'est ainsi que se termina le règne de Mufasa ben Mokhtar Al Cheim, premier du nom, quatorzième monarque de la dynastie Al Cheim.

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