Les plaisirs d'un grand-père !
— Une deuxième sœur !? Mais comment ça, une deuxième sœur !? – s’exclame Zayn, les bras en l’air.
— Après avoir envoyé son dernier enfant, ton père, – précise Ronda, — sur le continent d’Amora pour ses études. Il eu un autre enfant vingt-cinq ans plus tard, à l’âge de soixante-six ans.
— Quoi !? Mais c’est impossible ! On a appris son décès à ses soixante-et-un ans !
— Si tu me laissais finir, tu comprendrais, triple idiot.
— Oui, oui, continue.
— Il semblerait que ton grand-père ait feint sa propre mort car, je cite :
« J’en ai marre de ces gosses ingrats qui ne me donnent aucune nouvelle… et surtout, zéro kara ! »
— Je suis quasiment sûr que la seule vraie raison, – affirme Zayn en croisant les bras, — c’est les karas ! Ils aiment beaucoup trop l’argent dans cette famille. On se demande pourquoi ?
— C’est toi qui oses dire ça !? – s’écrie Adeola, encore avec eux.
— Donc… – reprend Ronda en consultant ses notes, — ton grand-père a organisé de fausses obsèques. Sachant que ses enfants détestaient Kama et qu’ils ne se déplaceraient jamais pour lui, il savait qu’en faisant ça, ils enverraient quand même de l’argent… pour faire bonne figure.
— J’arrive pas à y croire… – souffle Zayn, les yeux écarquillés. — Ils ont tous donné plus de six mille karas… (l’équivalent de six mille euros) ! Oncle Judor a même lâché quinze mille.
— Pourquoi avoir donné autant pour des obsèques ? – demande Adeola, intriguée.
— Chacun voulait montrer qu’il ou elle avait plus d’argent que les autres.
— Mais à quel genre de descendance orgueilleuse et cupide a-t-il donné vie !? – s’exaspère Ronda. — Il n’y en a pas un pour rattraper l’autre !
— Mais bon, grand-père a réussi son coup, c’est le principal. – déclare Zayn avec un sourire fier. — J’espère pouvoir faire la même chose que lui dans ma dernière vie, hahaha.
Un regard ténébreux se fait sentir derrière Zayn et Ronda.
— Oulah… pourquoi je sens une envie meurtrière derrière moi alors que je suis mort, héhé… ? – demande Zayn avec un sourire crispé. — Je rigolais, Adeola… range ton flingue…
Ronda reprend donc son histoire.
— Après ça, ton grand-père s’est offert une maison dans un quartier proche de son endroit préféré, histoire de vaquer à ses plaisirs.
— Alala, je le comprends en vrai. Le pauvre n’était plus tout jeune à plus de soixante balais. – lâche Zayn d’un air moqueur. — J’imagine que ses hobbys de vieux croulant, c’était de nourrir les pigeons… ou de regarder son reflet dans l’eau.
— C’était les bars à p*tes. – lâche Ronda, parfaitement sérieuse.
— MAIS DANS QUELLE FAMILLE DE MALADES JE SUIS NÉ, BORDEL !?
— Dit le plus fou d’entre eux ? – réplique Adeola, blasée.
— Oui bon, ça va, laisse-moi tranquille !
— Du calme, vous deux. – intervient Ronda en levant la main. — Il semblerait qu’il se soit installé dans un quartier réputé pour ses filles de joie, et qu’il ait fini par en enceinter une. Se vantant partout de son argent, la femme finit par l’obliger à la faire vivre avec lui.
— Pourquoi je sens que c’est loin d’être fini ? – soupire Zayn, les yeux mi-clos.
— Si t’arrêtais de l’ouvrir, peut-être que ce serait le cas, couillon. – balance Ronda, en le fixant.
— Espèce de sale…
— Pour finir ! – coupe-t-elle avec force. — La femme a dilapidé presque tout l’argent de ton grand-père avant de partir avec son amant, en lui laissant leur enfant. Ta future mère a donc grandi dans une certaine précarité, uniquement avec son père.
— Eh beh.
— Heureusement pour elle, elle était aussi brillante que ses frères et sœurs qu’elle n’a jamais connus. Ton grand-père a donc fait exactement la même chose qu’avec ton père et les autres : à ses vingt ans, il l’envoie sur le continent d’Amora pour faire des études de médecine. Fin.
— Quoi ? C’est tout ? Et actuellement, elle fait quoi ? Elle vit où ? Elle est riche, elle est pauvre !? Elle a réussi ses études ? Elle est riche, elle est pauvre !? Elle est en assez bonne santé pour ne pas donner naissance à un tétraplégique ? Elle est riche, elle est pauvre !?
— La ferme, Zayn ! – ordonne Ronda en claquant son dossier sur la table. — Tu voulais que ce ne soit pas trop long, c’est fait ! De toute façon, je n’ai pas tout le dossier. Adeola va t’emmener dans la chambre de purification pour—
— Oui, je sais. – coupe Zayn en levant les yeux au ciel. — Règle numéro 5 : avant de se réincarner, toute âme doit se purifier de sa précédente vie et bla-bla-bli, bla-bla-bla.
Adéola l’emmène donc dans une petite chambre où il doit rester sept mois en temps du monde physique.
Seulement, Zayn n’a pas su expliquer convenablement cette règle.
La chambre de purification décharge l’âme du défunt de toute la négativité de sa dernière vie. Cependant, même si l’âme est purifiée, le « sang » de l’âme, lui, conserve des séquelles de toutes nos anciennes existences.
C’est pour cela que nous avons des traumatismes, des peurs, des attitudes étranges que nous ne comprenons pas toujours… et parfois bien d’autres symptômes.
C’est ce qu’on appelle : la mémoire du sang.
— Ça y est, il est enfant dans la chambre ? – demande Ronda en s’étirant.
— Oui, on va pouvoir être au calme un moment. – répond Adeola en croisant les bras.
— Pff, tu parles. Sept mois en temps humain, ça passe tellement vite ici. – soupire Ronda. — Il a intérêt à bien se comporter cette fois-ci. Parce que s’il foire cette dixième vie… L’enfer n’existe pas. Une âme trop négative pour devenir un esprit et revenir dans le cycle divin du Noun est juste…
— … est juste effacée. Son existence même disparaît. C’est tout. – termine Adeola d’une voix basse.
Une expression étrange traverse son visage un court instant, avant qu’elle ne se détourne vers les chambres de purification.
— C’est très bizarre… – pense Ronda en la suivant du regard. — Nous pouvons tous faire semblant, en tant qu’esprits, d’avoir des sentiments négatifs. Ça permet aux âmes d’être plus à l’aise parfois, même si elles n’en ressentent plus aussi. Pourtant… j’ai eu l’impression qu’Adeola était vraiment tris—... Mmmh. Non, je dois me tromper. C’est fondamentalement impossible.
Ronda se fait-elle juste des idées ou…
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