Mamy
Mamy, ta bougie interne s’éteint doucement. Tu nages dans la cire qui s’est accumulée autour de toi. Tu ne sais plus très bien quelle est cette paraffine qui forme ces jolies stalactites. Tu confonds parfois la cause de la cire amassée.
Mamy, ta vie est devenue compliquée. Toi la tisserande, tu te perds dans la trame de ta journée. Tu navigues entre les fils, tu crées un tissu bariolé composé de couleurs tendres, de couleurs tiennes. Puis tu t’enveloppes dans ton tissage, comme une petite fille se calfeutre sous sa couverture.
Tu deviens tactile parce que ta pudeur n’a plus de mise.
Mamy, tu te déplaces par petit pas, de peur du dernier. Tu regardes tes chaussures, ta canne et le sol décidément trop meuble en dessous de toi.
C’est quoi ce sol mouvant ? Sont-ce les regrets de ta vie d’avant ou ton avenir si incertain ?
C’est surtout ta peur du grand passage. Ta peur devant cette barrière qui se dessine non loin sur ta route.
N’aie plus peur, Mamy. Peut-être que lorsque tu seras à califourchon sur la barrière; assise sur le barreau supérieur, tu fixeras encore une dernière fois ta vie, ta bougie. Tu te souviendras en une fois des raisons de la cire accumulée sur ton chandelier. Tu nous verras sans doute, te prononcer des mots d’adieu.
Je te vois déjà lever les bras, étendre ta couverture aux couleurs tendres. Tu attends gentiment que le vent la soulève, et une fois les premiers claquements de ta voile, tu la lâcheras vers nous pour qu’une dernière fois nous goûtions à ta chaleur.
Je me réchauffe au regard que tu as eu pour nous. Je me baigne dans les mots que tu nous as coulés dans le fond de l’oreille. Je goûte encore à ta chaleur.
N’en doute pas, mamy. Nous t’avons reçue pour l’éternité.

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