Chapitre 2 (3/3)

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Avant de rejoindre Mirabella, je me souvins que j’avais laissé ma bague favorite dans ma poche. Je la récupérai et la glissai à nouveau sur mon doigt. Sa fraîcheur rassurante enveloppa mon index. Jamais je ne sortais sans elle.

Dans le hall, je fus surpris de remarquer Mirabella, déjà présente. Sa robe bleu nuit, parsemée de fleurs, épousait ses formes avec élégance. Son sac à main argenté flottait sur son épaule. Elle pianotait sur son Platphone. Ses sourcils étaient froncés.

Quand elle prit conscience de ma présence, elle leva les yeux vers moi.

— Tu sais où se trouve le bar ? demandai-je en la rejoignant, l'esprit encore un peu ailleurs.

— Ouais, j’ai regardé sur Lysara. C’est pas loin, répondit-elle d'un ton léger.

— OK.

Nous empruntions les escaliers en pierre qui descendaient dans le tumulte de la ville. Seuls nos pas brisaient le silence qui s’était installé entre nous. Je n’avais pas encore les codes sociaux. Alors, je ne savais pas exactement ce qui était de vigueur dans ce type de situation.

Pourtant, depuis que j’avais serré la main de Mirabella, un sentiment de proximité s’était installé. Comme si nous étions de vieux amis, enfin réunis. C’était étrange. Mais agréable. Quelque chose en elle éveillait ma curiosité. Alors, je me décidai à rompre le calme ambiant :

— Tu fais partie de la mort ? Ton âme était noire.

— Ouais, répondit-elle sur ce même ton tranquille.

Elle me lança un regard en biais avant de reprendre :

— Cette lueur rouge que tu avais à côté de ton âme… Qu’est-ce que c’est, à ton avis ?

Je haussai les épaules. Nous étions supposés n’avoir qu’une couleur d’âme. Peut-être était-ce l’écho de nos vies humaines passées.

— Toi aussi, tu avais une lueur à côté de ton âme. Elle était verte. Ça te parle ?

Ses sourcils se froncèrent. Je remarquais qu’elle avait ce réflexe, quand elle réfléchissait. Cependant, son regard se perdit devant nous, sans qu’elle n’ajoute un mot de plus.

Comme je souhaitais en apprendre davantage à son sujet, je lui demandai ce qu’elle avait pensé de notre premier jour.

— Je pensais qu’on nous dirait qui était notre binôme.

Je levai les sourcils, surpris.

— Notre binôme ? répétai-je, pris au dépourvu.

Je ne m’attendais pas à ce type de réponse.

— Bah ouais. On aura un binôme quand on prendra nos fonctions. Tu savais pas ?

— Si si, je savais. Même si j’ai jamais vu celui de mon père, je sais qu’on est censé avoir un binôme, mais…

— T’es pas curieux ? me coupa-t-elle, une lueur dans les yeux. Tu veux pas savoir avec qui tu passeras ton éternité ?

Je haussai une nouvelle fois les épaules. À vrai dire, je n’y avais jamais réfléchi. Toute mon enfance, j’avais attendu le moment où je pourrais enfin m’émanciper de mon père. Ou je serais enfin libre d’être moi-même.

— Comment ça se fait que t’aies jamais vu le binôme de ton père ? renchérit-elle.

Je remuais encore mes épaules, ayant la désagréable impression de passer mon temps à cela. Elle devait penser que j’étais stupide.

Les néons criards se reflétaient dans ses yeux. Ils lui donnaient un air blafard.

— C’est bizarre, quand même. L’éducation de la relève revient aux deux Maîtres.

— Je suis pas sûr que ça change quoi que ce soit, me concernant, répondis-je, pensif.

— Ah bon ?

— Mon père vit depuis longtemps. Son savoir vaut pour deux.

Mirabella esquissa un sourire léger. Dans ses yeux brûlaient une bienveillance mélangée à de la curiosité.

— Je pensais surtout au fait de devoir rendre des comptes au Grand Conseil. Après tout, s’ils nous mettent en binôme, c’est aussi pour ça.

— Tu sais, mon père fait partie du Grand Conseil… Je pense que cette règle ne s’applique pas pour eux.

Mirabella se tourna vers moi d’un geste rapide. Ses lèvres étaient pincées. J’eus l’impression que ses joues avaient blanchi. Mon regard glissait sur elle. J’analysais son silence soudain. Ses pas étaient hésitants, presque fuyants. Puis, je compris que c’était ce que je venais de lui annoncer qui la déstabilisait.

— Ça ne va pas ? fis-je, ignorant comment me comporter.

Elle resta mutique. Le milieu de ses sourcils pointait vers le ciel, comme une prière invisible. Alors, je la poussais à s’arrêter.

Ce qu’il fallait savoir, c’est qu’il était interdit de critiquer le Grand Conseil. En effet, il prenait très mal ce genre de paroles. Si nous étions surpris à « comploter », comme il aimait le penser, cela se terminait mal pour nous*.

Donc, je comprenais parfaitement la réticence de Mirabella à ce sujet. Nous pouvions dire que j’étais le mieux placé pour le comprendre, ayant vécu avec leur larbin toute ma vie. Alors, à voix basse, je lui expliquai rapidement ce que je pensais de leurs règles.

C’eut l’effet escompté. Ses épaules se détendirent, ses poumons se remirent en marche. Puis, elle m’adressa un sourire rassuré.

Nous nous remîmes en marche. Au bout de quelques secondes, son Platphone émit un son aigu, signe que nous étions arrivés.

— C’est là ? pointa-t-elle du doigt, une grimace de dégoût sur le visage.

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* Par la mort, au cas où vous n'auriez pas compris...

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