Chapitre 8 (4/4)

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* Célestin *

Après quelques secondes de répit pour retrouver mon calme, je retournai voir Mirabella, qui était en retrait avec son verre. Je n’affichai aucune émotion et décidai de masquer ma nervosité. Mes amis ne devaient pas voir cette faille en moi. Parfois, je me méprisais pour cette fragilité qui me rongeait.

Arrête de te dénigrer.

Mattheus n'était toujours pas revenu. Cette soirée m'épuisait. Mais je tenais bon, pour ma famille, pour mes amis. J'avais besoin de cette façade. La conversation avec Mirabella se poursuivit alors, comme si de rien n'était. Elle m’évoqua ses parents et leur manière de la traiter, parlant de leur visite samedi dernier.

Lorsqu'elle parlait, je devinais un vide chez elle. Un vide qu’elle semblait tout faire pour combler. Elle avait sans doute manqué d’amour. C’était probablement cela qui la rendait si réticente à l’idée d’ouvrir son cœur. Ou peut-être cachait-elle quelque chose de plus profond, que même elle n’avait pas encore su accepter.

— Tu leur as jamais dit ? lui demandai-je, intrigué.

— Quoi ?

— Tout ça... Tes ressentis, tes émotions…

— Oulah, certainement pas ! Les ressentis… Pour mes parents, c’est juste du blabla, un ramassis de conneries.

Je soufflai, partagé entre frustration et compassion. La pauvre… je ne pourrais jamais supporter une telle situation.

— Tu m’as dit qu’ils étaient devenus plus stricts, tu sais pourquoi ?

Elle hésita.

— Je…. Oui.

Elle plongea son regard dans le mien, avant de finalement tourner son visage vers le sol.

— J’ai eu une… relation…

Sa voix se brisa.

— Ça s’est très mal passé… Enfin, je devrais plutôt dire que… Ça a très mal fini…

— Ah bon ? Comment ça a fini ?

Un long soupir s’échappa d’entre ses lèvres.

— Par un cœur brisé.

Ses yeux ressemblaient à un océan paisible. Derrière son calme, ils dissimulaient une tempête de tristesse. Une lueur dansait dans le fond de ses iris.

Je posai une main sur son épaule. Mirabella avait ce je-ne-sais-quoi qui vous donnait tout de suite envie d’être son ami. Derrière sa colère se cachait une douceur à vous faire pâlir. Mes deux amis avaient reçu un traitement indigne de leur personne. Cela me faisait beaucoup de peine. J’eus envie de la prendre dans mes bras. Mais je savais qu’elle n’aimait pas trop le contact humain.

Elle reprit son histoire. Quand elle était plus jeune, elle sortait souvent seule dans son quartier. Un jour, un groupe d’amis l’avait abordé et l’avait inclus. Puis elle était sortie avec l’un d’entre eux. Elle marqua une pause. Son regard triste se plongea dans le mien.

— Et cette personne tu… tu l’as revue ?

Sa bouche s’ouvrait et se refermait.

— Je… C’est compliqué et je…

Ses poumons se contractèrent. Elle vida son verre d’un seul trait, comme pour enfouir ses vieux démons dans ce liquide. Ses yeux fixaient le fond du verre. Elle n’ajouta rien de plus. Je me demandais si elle s’était déjà confiée à Mattheus à ce sujet. Le silence s’installa entre nous.

Être Cupidon laissait penser que j’étais un expert en amour, en émotions. Quelque part, c’était vrai. Seulement, j’étais qualifié pour les humains et non les altruistes. Mon empathie me permettait d’être à l’écoute et de comprendre. De tendre une oreille compatissante.

Quand la soirée arriva — enfin ! — à sa fin, je restai un moment avec mes parents et Cole pour nettoyer la salle. Une fois que l’endroit retrouva sa quiétude, je poussai un soupir de soulagement. Ce bain de foule m’avait épuisé. Je ne rêvais que d’une chose : mon lit. Même s’il était dur comme de la pierre.

Après avoir salué mes proches, je quittai les lieux, enfin libéré de cette journée. Dehors, la nuit était déjà tombée depuis longtemps. J’étais toujours inquiet de me balader seul la nuit. Même si je ne pouvais pas mourir, je n’étais pas à l’abri d’une agression.

Au détour d’une rue, je percutais quelqu’un. La silhouette trébucha. Puis, elle se redressa.

— Oh pardon, je vous avais pas…

De longs cheveux bruns s’agitèrent devant moi. Quand elle tourna la tête, je remarquai les larmes qui ruisselaient le long de ses joues. Quelque chose de grave venait de se produire.

— Vil ? Qu’est-ce qu’il se passe ?

Je tendis la main pour l’aider à se relever entièrement. Son regard était brouillé. Sa bouche tremblait et laissait échapper des mots embrouillés, comme si un fardeau invisible la tourmentait.

— Qu’est-ce qu’il y a ?

La confusion continuait, comme si elle était possédée par un démon et récitait une incontation pour mettre le monde en sang.

​​​​— Il va venir me chercher…

Je fronçais les sourcils.

— Qui ?

— Il va venir me chercher…

Cette phrase tournait en boucle entre ses lèvres humides. Si bien que, pour la faire taire, je la pris dans mes bras et la serrai fort contre moi. Son corps tremblait, pris de spasmes incontrôlables. Je ne comprenais pas ce qui la rongeait à ce point.

— T’étais pas partie avec Melvin ? lui demandai-je, toujours perdu.

— Il m’attendait dehors, ses yeux vides comme la mort…

Que voulait-elle me confier ?

Avec délicatesse, je pris son visage entre mes mains pour la forcer à m’observer. Une fois que nos yeux fusionnèrent, ses poumons se détendirent.

— Vil, qu’est-ce qu’il se passe ?

Ses larmes coulèrent comme un torrent. D’un geste tendre, je balayai les traces salées de ses joues.

— Dis-moi, murmurais-je, ma voix douce, emplie de sollicitude.

Sa bouche s’ouvrit, sans qu’aucun mot ne s’en écoule.

— Il faut que… Il faut que je t’avoue quelque chose, Cyl.

— Quoi ?

Elle se mordit la lèvre.

— Il vaut peut-être mieux qu’on aille dans ta chambre… ou dans la mienne. Ce que j’ai à t’avouer est… secret. Et dangereux…

Une tension se forma dans l’air, un voile d’ombre prêt à s’abattre. Ses paroles résonnaient en moi comme un avertissement. Tout à coup, le monde autour de nous se suspendit, dans l’attention de cette révélation.

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