Chapitre 5 (4/9)

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La pièce était vaste et poussiéreuse, les murs jaunis par les années et l’oubli. Des murmures s'élevaient de tous côtés, des voix s’entrelaçaient dans une cacophonie de mots inintelligibles. Je tendais l’oreille — ou plutôt, Heidi tendait l’oreille — et entendis l’écho des discussions : des personnes à cacher, des vies à sauver. Un fragile espoir dans un monde brisé. Karl, le regard grave, prit Heidi à partie. Hors de la pièce, la lumière peinait à s’infiltrer à travers les rideaux sales.

Je me sentis attiré à leur suite, comme si j’étais le rallongement de l’esprit et du corps d’Heidi.

— Je profite de ce moment pour te dire au revoir, dit-il doucement, une lueur de tristesse dans ses yeux.

— Tu pars quand ?

Sa voix était serrée, pleine d'émotion.

— Ce soir, au coucher du soleil.

Il soupira, l'air lourd d'une vérité trop difficile à dire.

Un silence s'installa entre eux, lourd, presque palpable. Le cœur d'Heidi semblait se briser, et je pouvais ressentir cette douleur, comme un poison qui s'immisçait lentement dans ses veines. Une nausée profonde m'envahit à cet instant, comme si cette douleur m'appartenait aussi.

— Pour combien de temps ?

— Tu sais très bien qu’on ne le sait pas... On sait quand on part, mais pas quand on revient.

Il baissa les yeux, comme s’il cherchait ses mots.

— Je pourrais venir avec toi, t’aider à cacher Frank et sa famille…

Le regard d’Heidi était rempli de larmes non versées, d’un amour qui voulait tout risquer, tout sacrifier.

Karl secoua la tête, l’air résolu.

— Ce serait trop dangereux. Tu sais qu’il vaut mieux voyager en petit groupe…

— Mais j’aimerais…

Il posa sa main sur la sienne, la serrant fort, d’une douceur qui trahissait la violence de ce qu’il avait à dire.

— Je te promets de revenir vite. Je dois le faire, pour notre liberté à tous.

— Je sais.

Elle acquiesça, la voix presque inaudible, comme si elle parlait plus à elle-même qu’à lui.

Je ressentis la douleur dans sa poitrine, comme un feu dévorant, comme un gouffre qui s’ouvrait sous ses pieds. J'avais l'impression que mon propre cœur se déchirait sous la pression de cette douleur partagée. Je voulais la consoler, mais je ne pouvais rien faire. Heidi avait peur, une peur viscérale de ce départ. Une peur terrible, celle de le voir disparaître, de ne plus jamais pouvoir le retrouver.

— Je ne serai pas long.

Il la regarda dans les yeux, cherchant à apaiser l'inquiétude qui hantait son regard.

— Promis ?

Sa voix tremblait.

— Promis.

Karl se pencha vers elle et la serra dans ses bras, un dernier geste débordant d’amour, comme si tout le poids du monde reposait sur leurs épaules. Je ressentis ce câlin au plus profond de mon être, comme si c’était moi qui me blottissais contre lui, qui sentais la chaleur de son corps. Une envie naquit en moi, un désir brûlant. Dans le creux de mon ventre, je sentais mes tripes se serrer.

Heidi, le regard rivé sur les lèvres de Karl, semblait hésiter. Je sentais son désir monter, presque tangible, comme une énergie frémissante entre eux. Elle avait envie de l’embrasser. De le retenir. De le faire s'arrêter. De le plaquer contre le mur. De goûter chaque instant de cet amour suspendu dans l’air. Elle voulait le garder pour elle, ici et maintenant, comme si tout le reste n’avait plus aucune importance.

Mais il finit par la libérer, doucement, sa main gardant la sienne un instant de plus, comme pour prolonger l’instant, comme si une partie de lui refusait de partir. Elle le regarda s’éloigner, sans un mot, les yeux remplis de tout ce qu’ils ne pouvaient se dire.

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