Chapitre 6 (1/4)

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Trois coups étouffés par ma porte en bois me tirèrent d’un sommeil agité. Mon crâne me faisait un mal de chien, le bruit me fit l’effet d’éclats de tonnerre. Un grognement s’échappa de ma gorge, brûlante de douleur.

Mon réveil affichait une heure bien trop matinale pour un samedi matin : huit heures douze.

Les coups persistaient, plus pressants. Je me levais avec nonchalance. Chacun de mes pas me semblait désaccordé, comme si je ne savais plus comment me tenir debout.

— J'arrive… grognais-je, la mâchoire serrée.

D’un geste vif, je tirai sur la poignée.

— Quoi ? lançai-je, la voix rauque qui trahissait mon manque de sommeil.

— T’es de bonne humeur, dis donc ! T’as oublié ?

Quand il constata mon expression perdue, il fronça les sourcils.

— Nos costumes ! On avait prévu d’aller les chercher ce matin…

— Mais la soirée commence qu’à dix-neuf heures…

Il posa ses mains sur ses hanches, prêt à me sermonner.

— Je t’ai rappelé hier que mes parents arrivaient vers dix heures. Cole et moi allons déjeuner avec eux, puis on va…

— Ouais, ouais, OK, le coupai-je en me frottant les tempes.

J’essayais tant bien que mal de me rappeler ce que j’avais fait la veille au soir. Cependant, il n’y avait rien, que le flou. Après mon cours « l’après », je n’avais que des bribes de souvenir. Mon cerveau avait fondu.

Célestin attendait, les bras croisés. Sa tête bougeait d’un air de réprimande, un sourire exaspéré sur les lèvres. Malgré ma motivation proche du néant, je m’exécutai pour lui faire plaisir.

— Laisse-moi cinq minutes, je me prépare.

Sans attendre sa réponse, je claquai la porte derrière moi et commençai à m’habiller. J'optais pour la facilité : un sweat gris et un jean. En moins de cinq minutes, j’étais prêt.

Célestin m’attendait, adossé contre le mur, toujours les bras croisés.

Alors que nous nous mettions en route, j’étais perdu dans un tourbillon de pensées. Célestin ne semblait pas le remarquer, et consultait son Platphone pour trouver notre chemin. Nous empruntions l’habituel escalier qui menait au centre-ville. En bas, des enfants jouaient au ballon et poussaient des cris de joie.

— T’as toujours pas d’idées ?

La voix de Célestin me paraissait lointaine, comme si mon âme flottait au-dessus de mon corps.

— Hein ?

— Ton costume.

Il me lança un regard mi-surpris, mi-inquiet.

— Non, toujours pas. Je compte sur toi pour m’aider.

Nous arrivâmes devant la boutique. La façade en brique rouge formait un demi-cercle. Le néon jaune vif indiquait : « Le paradis du déguisement. » Une petite clochette tinta lorsque nous poussâmes la porte. Le magasin était petit, mais débordait de costumes entassés. Le manque de lumière donnait une atmosphère presque étouffante.

J’observais les rayons, perdu. Célestin sautillait sur place, tapotant dans ses mains.

— Et si je me déguisais en Cupidon ? Ça pourrait être drôle.

— Très original. N’oublie pas tes ailes roses à paillettes et ton arc en or.

J’eus un sourire sarcastique, tandis qu’il me fit une grimace amusée.

— C’est dans cette tenue que je compte exercer.

Un rire se coinça dans ma gorge, et je l’imaginais déambuler dans les rues avec ce genre de tenue.

— Dommage qu’on doive être invisible. J’imagine très bien la tête que feraient les humains en te voyant.

— Oh, on a vu pire dans le métro.

— Le métro ?

— T’as jamais pris le métro ? S’étonna-t-il.

Je haussais les épaules, secouant la tête à la négative.

— Je sais même pas ce que c’est.

Célestin haussa les sourcils.

— C’est un moyen de transport souterrain. Tu peux pas imaginer le genre de cassos qu’on y croise. Une tenue de Cupidon, ça serait sobre, à côté. Entre les ivrognes qui hurlent ou récitent des passages de l’ancienne Bible, les fous qui trimballent des animaux morts… Ou les pervers, qui se frottent à toi…

— C’est vendeur, répliquai-je, le sourire aux lèvres.

— Exactement !

Célestin se tourna vers les costumes.

— Bon, on devrait s’y mettre.

Il avança dans les rayons, tira quelques costumes avec concentration.

— Que penses-tu de… ça ?

Entre ses mains se trouvait un costume de lion, aux coutures déchirées. La crinière était faite de poils délavés.

— C’est pour libérer ton côté sauvage ? me moquais-je, avant de reprendre mon sérieux. Non, sans rire, je pense que quelqu’un est mort là-dedans.

— Tu peux sentir son âme sur le costume ? murmura Célestin en avançant le visage vers moi.

— Je sens surtout l’odeur de sueur laissée par la personne avant toi.

Célestin reposa le costume du bout des doigts, une moue dégoûtée sur le visage.

— J’ai une idée, me dit-il enjoué, et si on choisissait le costume de l’autre ?

Je réfléchis un instant à sa proposition. Comme je n’avais, de toute évidence, aucune idée pour moi-même, il serait peut-être plus simple de choisir pour lui. Il adorait tout ce qui brillait, les paillettes, le rose. Facile.

— OK, répondis-je.

Nous nous lançâmes dans cette fameuse quête. L’idée du Cupidon était tentante, mais ne me séduisait pas. Je voulais lui trouver un costume qui épouserait vraiment sa personnalité. Qui serait à son image. Quelque chose comme…

— Un ange ! m’écriai-je, le cœur battant, comme si j’avais eu l’idée du siècle.

— Quoi ? me lança-t-il à travers le magasin.

Un silence s’ensuivit. Je farfouillais les rayons, et cherchais le Graal. Au bout de plusieurs secondes, je finis par tomber sur une espèce de robe en soie blanche, fluide, dont le bas se parait de plumes pailletées. Parfait pour lui.

Dans le rayon des accessoires, je dénichai une auréole lumineuse. Et, enfin, des ailes blanches. La texture rappelait les plumes de la robe. Un ensemble qui lui irait à ravir.

Le caissier m’accueillit de son air fatigué et me rappela que nous avions une semaine de location.

— Te retourne pas ! m’avertit Célestin dans mon dos. Attends-moi dehors !

Je lui obéis, et pris une bouffée d’air polluée.

— Voilà une bonne chose de faite ! s’écria Célestin qui sortait à ma suite.

Il observa sa montre, et m’indiqua qu’il devait déjà me quitter.

— Tu veux que je garde nos costumes ?

— OK. Mais tu regardes pas, hein ?

— T’inquiète. On se retrouve vers dix-huit heures ?

— Vendu.

Après avoir récupéré son précieux trésor, nous nous séparâmes. Le soleil resplendissait dans le ciel, apportant la promesse d’une journée splendide. De mon côté, je pris le chemin de l’université, mes courses terminées.

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