Chapitre 7 (4/5)

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Une fois que nous eûmes terminé de manger, nous sortîmes. La musique vibrait sous nos pas. Sur notre chemin, nous croisions des personnes euphoriques qui s’époumonaient en discutant.

Sur la place de l’horloge, lieu de rendez-vous, la foule se pressait. Nous passions les contrôles avant de nous engouffrer entre les danseurs. Les chants se mêlaient aux rires, signe d’une soirée réussie. Nous tentions de nous frayer un chemin pour rejoindre le bar improvisé.

— Oh, salut les gars !

Vilenia émergeait de la foule, accompagnée de Timéo et de Melvin. À la vue de ce dernier, Mirabella grimaça. Nous commandâmes une bière. C'était la boisson la plus simple à servir, qui ne nécessitait pas une attente prolongée. Alors que nous riions tous ensemble, Vilenia s’approcha discrètement de moi et me demanda comment s’était passé mon entretien avec madame Brindillovan. Puisque nous étions entourés d'oreilles, je ne répondis que par un haussement d’épaule. Elle hocha la tête, signe qu’elle comprenait.

Mirabella s’approcha de nous et cria :

— Bon, et maintenant, on danse ou quoi ?

— Avec plaisir, Bella.

Melvin l’attrapa par la main. Elle se débattit, mais sous la force de Melvin, elle finit par abandonner. Il l’entraîna avec lui, et notre amie nous lança un regard qui voulait dire « aidez-moi. »

— On devrait pas les laisser tous les deux, suggéra Célestin, un sourire aux lèvres. Je vais les rejoindre.

Il s’élança dans la foule, Timéo à sa suite, qui était convaincu par ses arguments. Vilenia se tourna vers moi et se mordilla la lèvre inférieure.

— T’as pas envie de danser, j’imagine ?

— Pas vraiment, non.

— Ça te dérange pas si je les rejoins ? J’avais promis à Timéo de danser avec lui à la prochaine chanson.

Je lui adressai un sourire amical.

— Ne t’en fais pas pour moi, vas-y.

Elle planta ses yeux sombres dans les miens, y cherchant mon approbation. Je lui fis un signe de la main qui se traduisait par « déguerpis », et elle finit par s’exécuter. De mon côté, j’étais accoudé contre le comptoir et buvais ma bière en profitant du rythme des basses. Autour de moi, tout le monde semblait profiter de la soirée, s’amuser. J’ignorais pourquoi je n’arrivais pas à lâcher prise. Se sentir seul, au milieu de la foule, telle était ma malédiction.

— Tiens tiens, j’ai le chic pour attirer les déprimés.

Je tournai le visage vers la voix familière. Alice, tout sourire, me fixait avec une lueur de malice. Elle s’approcha d’une démarche féline, son énergie me happa. Je ne pus réprimer le sourire qui se faufilait sur mes lèvres.

Derrière elle émergeait un homme brun dont les lunettes épaisses cachaient son regard ; et d’une petite brune dont les cheveux s’arrêtaient à hauteur d’épaule. Une vapeur émanait d’eux. Contrairement à celle d’Alice, il s’agissait, cette fois-ci, de l’effluve de la mort. L’odeur de soufre emplit mes narines avec force. Je battais plusieurs fois des paupières pour tenter de conserver mon esprit intact.

— Qu’est-ce que tu fais là ? lançai-je à Alice arrivée à mes côtés.

— On est venus profiter de la soirée. Après cette semaine de merde, fallait bien qu’on décompresse.

Quand elle parlait, elle me désignait ses deux amis. Quelque part, ça me faisait plaisir de la revoir.

— Une bière ? lui proposai-je.

— Allez.

Pendant que nous patientions, elle me présenta ses amis : Sophie et Antoine. Je me contentai d’un hochement de tête pour les saluer. Comme la vapeur se répandait autour de moi, m’étreignant comme si j'étais leur père, je préférais limiter la parole. Je n’avais jamais su maîtriser ce trop-plein d’âmes.

Alice se rapprocha et colla son épaule contre la mienne, sa vapeur remplaçant les autres. Son effluve délicate caressa mes narines. Je la remerciais silencieusement de me faire grâce d’une soirée.

— Alors, comment ça s’est passé chez les bourgos cette semaine ?

Elle m’adressa un sourire espiègle. Je ris.

— Très bien. Et toi ? J’espère que t’as pas encore usé de tes charmes, pour entrer dans une autre salle ?

— Oh, non. Je préfère ta compagnie pour le crime.

— Dommage pour toi, je suis pas de service ce soir.

— J’vois ça. T’as retrouvé ton visage grognon. C’est comme ça que je t’ai repéré à travers la foule.

Je ris une nouvelle fois.

— T’as pas envie de danser ? demandai-je, curieux.

— Pourquoi pas.

Elle attrapa ma main avec énergie et me tira comme un poids mort dans la foule.

— Ce… Ce n’était pas une invitation… C’était juste une question, bafouillai-je, confus.

— Je sais.

Son sourire toujours sur les lèvres, elle me traîna au milieu de la foule. Nos corps étaient si proches que je sentais le parfum vanille de ses cheveux. Derrière nous, Sophie et Antoine dansaient. J'ignorais si c’était l’effet de leurs âmes ou bien l’euphorie de la musique, mais je me laissais entraîner.

Alice saisit mes mains pour me donner le rythme. Elle approcha son visage de mon oreille gauche.

— Tu vois, j’ai encore réussi !

C’était vrai. Cette fille exerçait un pouvoir sur moi dont je n’arrivais pas à me défaire. Son odeur continuait d’effleurer mes narines. Elle avait créé une brèche dans le temps. Nous étions simplement là, à danser comme deux délurés — surtout à cause de moi, qui n'étais pas doué. Nos rires se mêlaient à la foule. Grâce à elle, j’oubliais mes tracas de la journée.

Sophie et Antoine se rapprochèrent de nous. Le soufre m’enveloppait, comme un rappel constant de ce que j’étais.

Au bout d’un moment, Sophie posa une main sur l'épaule d’Alice.

— On va rentrer, nous.

Elle pointa Antoine du pouce.

— Déjà ? fit Alice, une moue déçue sur les lèvres.

— Ouais, on est éclaté. Je tiens plus debout.

— C’est dommage, le groupe est super. Vous êtes sûrs que vous voulez pas attendre la fin ?

— Désolée… On en peut plus, là.

Alice n’eut pas le temps de répondre que mes amis nous rejoignirent. Dès que le regard d’Antoine et de Sophie croisa celui de Célestin, quelque chose changea en eux. Leurs yeux brillaient, presque hypnotisés. Célestin ne faisait pas attention à eux. Il s’approcha de moi, un grand sourire sur les lèvres, accompagné par Mirabella. Cette dernière me fixa en fronçant les sourcils.

— T’as osé aller danser sans nous ?

Elle me pointait du doigt, un air réprobateur sur le visage.

— T’avais déjà un cavalier, lui fis-je remarquer, la moue taquine.

— Ouais, bah je l’avais pas choisi !

Je ris de son air indigné. À mes côtés, je remarquai qu’Alice était en pleine discussion avec ses amis. Un détail me sauta aux yeux : elle n’avait pas l’air hypnotisée par Célestin.

Pourquoi son charme n’opérait pas sur elle ?

— Bon, je vous retiens pas, leur fit Alice.

— Quoi ? Mais non, on reste ! lâcha Sophie.

Alice secoua la tête, faussement exaspérée. Puis, je lui présentais mon entourage à mon tour. Vilenia et les garçons nous avaient rejoints entre temps.

Soudain, Antoine attrapa le poignet gauche de Célestin et Sophie vint le saisir par la droite. Mirabella et moi éclations de rire, tandis qu’il nous lançait des éclairs, voyant qu’on ne lui venait pas en aide.

Vilenia nous indiqua qu’elle souhaitait reprendre un verre et nous proposa de l’accompagner. Comme j’avais terminé ma bière, j’acceptai.

— Moi, je reste, comme ça, t’auras pas le choix de revenir, me lança Alice.

Mirabella se joignit à nous.

— Pas question de danser une nouvelle fois avec Melvin ! dit-elle.

Ce dernier lui fit sa moue taquine avant de se tourner vers Alice et de lui proposer de danser. Elle saisit sa main alors que nous quittions la foule. Timéo nous abandonna pour danser une avec une femme d’un âge mûr.

Quand nous eûmes commandé, Mirabella se tourna vers Vilenia.

— Je peux te poser une question ?

— Vas-y.

— Pourquoi vous vous disputiez, Melvin et toi, l’autre soir ?

Vilenia eut un mouvement de recul, les sourcils froncés. Elle ouvrit la bouche, puis la referma. Son regard était sérieux.

— Pourquoi tu me demandes ça ?

— Par curiosité.

Vilenia éludait encore la question. Puis elle finit par hausser les épaules.

— Rien d’important.

— Pourquoi t’es ami avec lui ?

Silence. Un duel de regards s’était installé entre les deux femmes. Après avoir reçu sa bière, Vilenia retourna dans la foule, sans répondre.

— Lâche l’affaire, lui reprochais-je. Tu l’as mise mal à l’aise, la pauvre.

Mirabella me lança un regard noir avant de s’éloigner.

— Mira, attends !

— J’ai pas envie de retourner avec eux. Je vais chercher Cyl.

Je poussai un soupir. Puis, je rejoignis Alice.

— Ça va ? demanda-t-elle, inquiète.

Je hochai la tête. Je saisis sa main pour danser avec elle. La musique m’emportait, mais pourtant, je n’avais plus le cœur à la fête. Vilenia s’approcha de moi et me demanda si Mirabella était fâchée à cause d’elle.

— Non… Enfin, un peu. C’est pas contre toi, elle est juste… Je sais pas trop, en fait.

C'était vrai. J’ignorais ce qu’elle reprochait à Melvin, exactement. Depuis le début de l’année, elle était méfiante à son égard.

Vilenia partit les chercher. À peine quelques secondes plus tard, elle revenait avec le reste du groupe. Je lui adressais un sourire, reconnaissant. Célestin profita de cette diversion pour retourner chercher à boire. Quand il nous quitta, Sophie et Antoine semblaient reprendre leur esprit. Ils prirent Alice dans leurs bras avant de partir.

— Faites attention ! leur lança-t-elle.

Célestin revint avec son verre à la main.

— Ça a été sans nous ? le taquinai-je.

— Franchement, ils étaient grave cool, je me suis bien amusé !

— Eh, Alice ! lança un garçon derrière nous. Qu’est-ce que tu fais là, meuf ?

Alice fit la bise au garçon et au groupe qui l’accompagnait. Elle me fit un signe de la main avant de disparaître.

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