Chapitre 8 (1/4)
* Célestin *
Cole m’avait donné rendez-vous dans une ruelle sombre pour notre traditionnelle rencontre du mercredi. Je devais l’avouer, je me chiais dessus dans ce noir ambiant, vide de monde. Je plissais les yeux pour chercher à apercevoir sa silhouette dans l’obscurité. Comme d’habitude, je le suspectais de me faire tourner en bourrique.
— Putain Cole, arrête tes conneries ! T’es où, bordel ?!
— Bouh !
Je sentis des mains se poser soudainement sur mes épaules. Mon cœur rata un battement et un cri aigu s’échappa de ma gorge. Cole éclata de rire dans mon dos. Sans attendre, je lui envoyai un coup sur le bras.
— T’es au courant qu’on peut pas crever, quand même ?! Si tu voyais ta tronche, c’est collector.
Sans se faire prier, il dégaina son Platphone et tenta en vain de me prendre en photo.
— T’es chiant, putain.
— Allez, suis-moi, j’ai un truc à te montrer.
Rien que l’idée de quitter cette ruelle infernale me suffisait. Je le suivis sans discuter. À vrai dire, je n’avais aucune idée de ce qu’il voulait me montrer. Mais je lui emboîtai le pas pour qu’on s’éloigne de l’ambiance inquiétante de ce coin de la ville. C’était étonnamment calme comparé à d’autres endroits.
Après plusieurs minutes de marche silencieuse, nous arrivâmes devant une petite porte en bois.
— Où est-ce que tu m’emmènes encore ?
— Tu verras…
Je poussai un soupir exaspéré.
— J’espère que c’est pas encore une connerie, je te préviens !
— Mais non, fais confiance à ton frère.
— Ouais bah justement, parlons-en. Après toutes ces années de farces plus farfelues les unes que les autres, tu crois que je te connais pas ?
Il me lança un sourire espiègle. Quand nous étions gamins, il adorait me mener en bateau. Petit, j’étais tellement naïf que je le suivais sans réfléchir et me faisais toujours avoir comme un bleu. Mais ma vie avec lui avait été bien plus amusante qu’ennuyante, il m’avait fait mourir de rire plus de fois que je ne pouvais compter. Ces moments avaient été une échappatoire aux règles strictes du Grand Conseil.
L’intérieur de la pièce était tout aussi sombre que la ruelle. Le silence était stressant, je commençais à me demander ce qu’il mijotait.
— Cole, peux-tu me dire ce que tu…
— Surprise ! S’écriaient plusieurs voix en chœur.
Je hurlai de plus belle alors que la lumière s’allumait, révélant une grande pièce qui débordait de monde. Mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine. Je dus me plier en deux pour reprendre mon souffle.
— Joyeux anniv, frérot !
Cole m’attrapa dans ses bras. Cette fois, je ne protestai pas. Bien que j’aie toujours détesté fêter mon anniversaire, il fallait avouer que c’était une attention plutôt chouette de sa part. Je n’avais jamais aimé cette journée où tous ceux qui ne me prêtaient pas attention le reste de l’année venaient me souhaiter un « bon anniversaire » qu’ils ne pensaient même pas. Et puis, tous ces regards braqués sur moi, souffler des bougies pour des vœux qui ne se réaliseraient jamais… Bref, ce n'était pas mon truc.
Je scrutai la salle des yeux et repérai plusieurs personnes que je connaissais. Au loin, j’aperçus Mirabella et Mattheus discuter autour d’un verre. Je les rejoignais.
— Joyeux anniv Cyl ! me lancèrent-ils en chœur.
Mes émotions devaient se lire avec aisance, vu la manière dont ils me scrutaient. Je leur avouais ce que je pensais. Mattheus posa une main sur mon épaule, un sourire léger sur les lèvres. Au fond, j’étais heureux de les trouver ici.
Quand je plongeai mon regard dans celui de Mattheus, j’eus l’impression d’y voir une fêlure. Avant aujourd’hui, je n’avais jamais remarqué ça chez lui. Comme si un truc s’était débloqué. Je voulais lui en faire part, mais je n’en eus pas le temps. Mes parents étaient juste derrière eux, en grande conversation avec les parents de Nybélia.
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