Chapitre 8 (3/4)

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* Célestin *

Je lui fis un signe discret de la main pour lui demander de se taire. Surtout que, derrière elle, un garçon aux yeux ambrés l’observait, le regard concentré. Le genre de gars à vous briser le cœur.

D’un geste rapide, je l'entraînai dans le couloir par lequel j’étais arrivé.

— T’es folle de dire ça ici, lui chuchotai-je une fois à l’écart.

— Je dis juste tout haut ce que tout le monde pense tout bas.

— Ouais, enfin là, c’est pas une partie de scrabble. Tu peux pas poser des mots comme ça en pensant gagner des points, Vil. C’est dangereux, tu risques gros.

Ses yeux sombres se posèrent sur moi. Pendant un instant, j’eus l’impression qu’elle allait éclater en sanglots, mais elle se contenait.

— C’est juste que je… Que j’en ai marre. De ne pas pouvoir être moi-même.

— Tu peux l’être avec moi, si tu veux. Mais devant les autres, ceux que tu ne connais pas, évite.

— Tu parles comme Melvin.

— Ouais, bah, il a raison.

Je la scrutais, curieux.

— C’est pour ça que vous vous disputiez l’autre soir ?

— Plus ou moins. Quand nous étions dans notre cours « l’après », après mon visionnage, j’ai chialé. Je pouvais plus me contrôler. Je me suis pris une vague d’émotions, je me suis sentie en vie. Sauf que j’étais la seule dans la salle à montrer autant de vulnérabilité. Il est venu me voir dans ma chambre après, il m’a dit de faire attention. Mais, à la soirée, j’étais tellement euphorique. Je me laissais envahir par ces nouveaux sentiments… et ça ne lui a pas plu.

— Qu’est-ce qu’il a à te dire ce que tu as à faire lui ? Qu’il s’occupe de son cul.

Vilenia se retint de rire.

— Non non, c’est pas ça. Il était inquiet pour moi.

— Pourquoi ?

— Il… Je… C’est juste qu’il a peur qu’il m’arrive quelque-chose. Il a peur que la R.D. n’intervienne...

— Et toi, comment tu vois les choses ?

— Je sais pas trop. J’en ai marre de me restreindre. Je trouve que c’est injuste ce que nous fait le Grand Conseil. Et pas que pour nous, pour les humains aussi. Mais je sais que Melvin a raison. C’est pas un jeu.

Je hochais la tête et la laissais poursuivre.

— Je sais bien que je dois faire attention. Mais je veux vivre, tu comprends ? Si tu pouvais aimer, si c’était là, au bout de tes doigts, qu’est-ce que tu ferais ?

Je poussais un soupir. Si j’étais dans sa situation et que j’arrivais à pouvoir être amoureux, est-ce que je continuerais à rester caché ou bien est-ce que je saisirais l’occasion ?

— J’imagine que je me laisserai emporter par l’euphorie de mes sentiments, murmurais-je, comme si je me répondais à moi-même.

— Voilà. Melvin a ses raisons de me mettre en garde, il m’a dit que… Enfin, il s’est confié à moi et j’ai bien saisi tout ça mais… J’ai plus envie de faire semblant.

— Alors ne le fais pas. Tu as raison après tout, il faut profiter de la vie. Sinon à quoi bon être de ce monde ?

— Exactement.

— En parlant de vivre… viens, retournons à la fête.

Je posais ma main fermement sur ses épaules et la poussais à me suivre. Je remarquais qu’elle souriait. Cela provoqua la même chose chez moi, comme un miroir.

En approchant de Cole, je le vis en pleine conversation avec le garçon que j’avais aperçu plus tôt, celui qui observait Vilenia. Il leva les yeux et m’adressa un grand sourire, son regard brillant d’une curiosité animée.

— Célestin, je te présente Fay, un camarade de promo. Il m’a dit qu’il serait…

— Combien de fois je dois te dire que j’ai pas envie de ça, pour que tu me laisses tranquille ? M’énervais-je.

D’un pas vif, je me faufilai à travers la foule pour m’échapper au regard perçant de Fay. OK, il était beau gosse. Ses abdominaux ressortaient derrière son débardeur moulant. Je devais avouer qu’il me faisait baver. Mais, une belle tronche ne valait pas l’amour. Les relations, ce n’était plus pour moi. J’en avais ma claque de devoir me répéter à tout bout de champ. Comment lui faire comprendre ça ? C’était une douleur sourde, persistante.

Je. N’ai. Pas. Envie. Merde à la fin !

Au fond, je savais qu’il voulait bien faire. Cole était un rêveur, un idéaliste qui pensait que tout le monde partageait ses désirs.

— Ça va ?

La voix douce de Mirabella me sortit de mes pensées. Elle m’observait avec une bienveillance palpable. Elle n’était pas accompagnée de Mattheus.

— Pourquoi t’es toute seule ? lui demandais-je pour ignorer sa question.

— Oh, Matt voulait discuter avec Melvin. Autant te dire que j’avais pas envie de rester dans les parages.

Un rire léger m'échappa.

— À part moi, je connais personne d’aussi déterminée à fuir les relations que toi.

Mirabella haussait un sourcil, visiblement intriguée.

— Pourquoi tu dis ça ?

— Tu te caches derrière un désir de liberté, mais je vois bien que t’es pas prête à donner ton cœur.

Elle parut déstabilisée, un silence flottait entre nous. Sa bouche s’entrouvrit, hésitante.

— Excuse-moi, je voulais pas dire ça comme ça... sans délicatesse.

— Ne t’excuse pas, répondit-elle d’un ton léger. Je préfère les gens sans filtres. Donc, te prive surtout pas de me dire ce que tu penses.

Notre mutisme s’étira un moment, chargé de non-dits. Je savais qu’elle cachait une douleur derrière son masque de neutralité. Depuis tout petit, j'avais ce don étrange, une empathie instinctive, une capacité à déchiffrer les fissures invisibles qui traversaient les âmes. Je voyais sa douleur, cette cassure qu’elle portait en elle, même si elle s'efforçait de la dissimuler.

— Tu arrives tout de même à profiter, même si tu n’aimes pas fêter ton… Tu sais, ce mot interdit, me fit-elle le sourire aux lèvres.

— On va dire ça, répondis-je, haussant les épaules.

Mon regard dériva à nouveau vers le garçon que m’avait présenté Cole. Fay scrutait intensément Vilenia, en pleine discussion avec Melvin et Mattheus. Malgré son physique à vous damner, un frisson me parcourut sans véritable raison. Quelque chose chez ce garçon me perturbait.

Mirabella suivit mon regard, interrogative.

— C’est qui ?

— Un mec que Cole m’a présenté… Il m’intrigue un peu. Attends, je reviens.

Je laissai Mirabella sur place, déterminé à régler cette histoire avec Fay.

— Arrête de la dévisager comme ça, non ?

Fay sursauta, comme s’il ne m’avait pas vu arriver. Il tourna son regard vers moi, un léger sourire en coin.

— Célestin, c’est bien ça ?

Je hochai simplement la tête et croisai les bras sur ma poitrine, prêt à en découdre.

— Je fixais personne, j’étais juste perdu dans mes pensées. Tu serais pas jaloux, par hasard ?

Il sourit avec malice.

— Ton frère m’a dit que tu craquais secrètement pour moi depuis le début de l’année.

Putain de Cole.

— T’écoutes souvent les conneries d’un mec que tu connais à peine ?

Fay prit un air faussement déçu, comme s'il jouait à un jeu dont il connaissait toutes les règles.

— Dommage.

Il inclina la tête de côté. Son regard me détailla de haut en bas, puis se posa dans le mien, perçant comme une lame.

— On aurait pu s’amuser tous les deux... Dommage que tu sois pas le genre de distraction que je cherche.

Le coup était direct. Brutal. Mais, au moins, il n’y avait pas de fausse politesse.

Il planta son regard dans le mien. Un frisson parcourut mon corps, comme pour me prévenir du danger. Quelque chose chez ce garçon me déstabilisait, m’effrayait presque. Je décroisai les bras, instinctivement sur la défensive, prêt à fuir si cela devenait nécessaire.

— Tu devrais partir, lui lançai-je fermement. Je n’ai pas besoin d’inconnus à mon anniversaire.

— Comme si j’étais venu pour toi.

Il sourit encore. D’un pas, il se rapprocha de moi. J’eus un mouvement de recul. Son rire, vibra dans l’air. D’un geste rapide, il caressa ma joue, avant de la tapoter comme si je n’étais qu’un vulgaire cabot.

Il me contourna tout en gardant son regard dans le mien. Tels deux lions, nous tournions en rond. Il finit par quitter la pièce. Un soupir s’échappa d’entre mes lèvres.

Ce type… Il y avait quelque chose de magnétique en lui. J’étais déstabilisé.

Que devais-je en penser ?

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