Chapitre 9 (5/9)
Marie buvait un cappuccino, seule dans un bar. Son regard se perdait à travers la fenêtre, observant les passants qui se pressaient. L’hiver avait envahi la ville, des flocons tombaient du ciel. Un homme passa devant la vitrine et traînait un sapin à sa suite. Elle but une nouvelle gorgée puis reporta ses yeux sur sa boisson. Je sentais l’arrière-goût âpre du café sur ma langue.
Les sourcils de Marie se levèrent, elle fit un léger sourire.
— Excuse-moi d’être en retard, Richard n’arrivait pas à retrouver les clefs de l’appartement.
La jeune brune, que je connaissais que trop bien, s’installa en face de Marie et défaisait son écharpe en laine. Elle commanda un chocolat viennois. Puis, elle posa son regard dans le mien — Ou plutôt celui de Marie.
J’étais surpris de la revoir. Avec la violence de la baffe à la soirée du souvenir précédent, je ne m’attendais pas à la rencontrer de nouveau.
— Tu voulais me voir ? demanda Marie.
— Oui...
— Je t’écoute.
— Eh bien… Je trouvais ça dommage que l’on se soit autant éloigné. J’aimerais bien retrouver notre amitié. Depuis cette soirée chez Isabelle, rien n’a plus été comme avant. Je n’ai d’ailleurs jamais compris pourquoi… Mais tu me manques.
Marie éluda son récit en buvant une nouvelle fois de sa boisson chaude. Je sentis mon cœur s’emballer, ma gorge était en feu comme si les mots qui sortiraient bientôt allaient me faire du mal.
— Toi aussi, tu me manques. Mais nous ne pourrons jamais plus être amies.
La surprise déformait ses traits. Elle semblait choquée, déçue. Ce n’était probablement pas le genre de réaction qu’elle attendait en venant à ce rendez-vous.
— Je…
Aucun mot ne sortait de la bouche de la brune.
— Tu ?
— Je pensais que tu voudrais me revoir.
— Eh bien, non. Désolée Sandrine, mais je ne souhaite plus être ton amie.
— Je vois. Pourquoi avoir accepté mon invitation ?
— Par curiosité.
Sandrine se leva doucement, comme si ses membres étaient engourdis. Elle venait de prendre conscience qu’elle n’avait plus rien à faire là. Je sentais mon cœur se déchirer une nouvelle fois. L’empathie de Marie m’envahissait.
Dans mes pensées, je voyais plusieurs images de la vie de Marie et Sandrine ensemble. De leurs joies, de leurs rires, de leurs pleurs. Marie faisait le bilan de leur vie toutes les deux. Le deuil également.
Je sentais que c’était dur, comme si cette perte était trop douloureuse. Je sentais ce poids jusqu’au plus profond de mon âme. Ma gorge était sèche, je peinais à déglutir. Pendant quelques secondes, Marie ferma les yeux, m’empêchant de voir Sandrine se revêtir de son manteau.
Puis, en rouvrant les yeux, Marie se pencha par-dessus la table et saisit le bras de Sandrine.
— A… Attends.
La brune observa la main que Marie venait de poser, puis releva son regard vers elle. La surprise se lisait une nouvelle fois sur ses traits.
— Pourquoi ne pas se voir de temps en temps…
— C’est vrai ?
— Oui.
— Ce weekend, Richard et moi fêtons notre première année dans notre nouvel appartement. Tu devrais venir, ça serait bien. On va faire une fondue.
— OK. Tu m’envoies ton adresse par SMS ?
Sandrine hocha la tête avant de quitter le bar.
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