Chapitre 10 (4/4)

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* Alice *

Je fis les gros yeux.

— Je suis vraiment désolé, me fit-il avec son air de chien battu.

— Tu as de la chance que je t’apprécie maintenant, sinon tu aurais reçu de drôles de choses au courrier.

Il me fit une nouvelle grimace. Ce qui était fait était fait. Il ne fallait pas garder de la rancœur pour si peu, non ? Ce ne sont que des livres de cours, après tout. Ou bien étais-je trop gentille ?

— Heureusement que je t’ai lancé ce pari, ce sera une belle occasion de me moquer de toi, lui fis-je. Ils coûtaient cher, ces livres, figure-toi.

— Vous êtes pas censé être riche ?

— Pas vraiment, non. Mon père a dû se saigner pour me payer cette école. Et moi, j’ai trimé pour les frais. Le vendredi, je travaille à la bibliothèque pour avoir un peu d’argent supplémentaire, en plus de ce que me donne mon père. Je fais des extras de temps en temps.

Une lueur illumina le regard de Mattheus, avant qu’il ne reprenne un air sérieux.

— Laisse-moi te rembourser, Alice. Ce serait la moindre des choses.

Je ne répondis pas. Je n’aimais pas accepter l’argent des autres. Pour plusieurs raisons, à vrai dire. Pour commencer, ça donnait du pouvoir sur l’autre, et je refusais que quiconque n’en ait sur moi. Et, en plus, c’était souvent source de conflit.

Mon Platphone émit un son : nous étions arrivés à destination.

— On verra, lui dis-je, poussant la porte du magasin. Après vous, messire.

Mattheus ria.

— Je suis enfin traité avec le respect que l’on me doit, riait-il.

— C’est ça, princesse !

Après avoir parcouru les rayons, je tombais non sans mal sur un costume de poule.

— Regarde ça ! lui lançai-je. Ça t’ira comme un gant.

— Et toi, tu veux pas être mon œuf ? me demanda-t-il, le sourire aux lèvres.

Entre ses doigts, il tenait un costume blanc, ovale comme un œuf.

— Certainement pas, répliquai-je en rigolant.

Malgré tout, nous essayions tous les deux notre costume. J’explosais de rire en le voyant dans le sien.

— Ça te dit qu’on en essaie plein ? le défiai-je.

Il me répondit par un sourire lumineux. Nous défilâmes dans nos multiples costumes : militaires, animaliers, infirmières… Mattheus ajusta sa perruque et sa jupe.

— T’es mignonne en blonde ! lui lançai-je.

Je n’avais jamais autant ri de toute ma vie. Nous mettions notre déguisement en scène, n’hésitant pas à imiter des voix, à danser de manière ridicule. C’était la première fois de ma vie que je me sentais autant moi-même.

Je dansais, heureuse. La radio passait la chanson de Lili punk, un groupe de rock moderne. Je chantais en même temps qu’elle. Ma voix de casserole provoqua une grimace sur le visage de Mattheus. Je pouffais de plus belle.

C’était agréable de se sentir libre avec une autre personne. Je l’observais, une lueur dans les yeux. Puis, je jetai un coup d’œil à l’horloge murale.

Malheureusement, il fallait revenir à la vraie vie. Sophie m’avait demandé de l’aide pour monter sa nouvelle étagère. Comme j’étais une bricoleuse dans l’âme, j’avais accepté. Nous avions ensuite prévu une soirée entre filles, avec les masques d’argile et les soins pour les cheveux. Et, l’heure de la rejoindre se rapprochait.

Après avoir payé la location du costume de Mattheus, je lui tendis le sac.

— J’ai hâte de voir ton jeu d’acteur, riais-je d’avance.

— Tu risques d’être surprise. J’imite très bien la poule.

Pour souligner son propos, il fit des mouvements de bras et bougea la tête. J’explosais de rire face à sa prestation très réussie.

— Il va falloir qu’on retourne au campus, je dois rejoindre Sophie. Ça te gêne pas ?

— Non. C’était top, ce moment ensemble.

— Je suis d’accord.

Il plongea encore une fois son regard dans le mien.

— Tu arrives à voir mon âme ? lui lançai-je, taquine.

Il eut un mouvement de recul, comme si je venais de percer son secret.

— Comment je le pourrais ? fit-il, riant nerveusement.

— Je sais pas. T’as une manière de me regarder qui est si… Profonde. Je te disais ça pour rire.

— Oh.

— On dit que les yeux sont le miroir de l’âme. On peut y lire tellement de choses. Ils parlent pour nous, tu trouves pas ?

— Sûrement. Je me suis jamais posé cette question.

— Tu devrais. Nos émotions se voient, se sentent. Je peux deviner ce que tu penses par ta manière de froncer les sourcils.

— OK, Madame la psy.

Je ris. Nous étions arrivés au campus et je devais déjà le quitter. Cette journée était passée beaucoup trop vite, j’en venais à le regretter. Après nous être salués, je l’observais partir.

J’avais probablement bu trop de vin blanc à midi, car j’eus l’impression de voir une lueur gris-noir autour de lui. Elle flottait et le suivait comme une ombre. Seulement, elle ne traînait pas sur le sol : elle ondulait sous ses pas.

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