Chapitre 13 (4/4)
Elle finit par se dégager, le regard perdu dans le vide.
— Tu as des informations sur le groupe dont je t’ai parlé ? l’interrogeai-je tout bas, sans répéter « Anges Noirs » à voix haute.
Elle haussa les épaules, puis reprit du même ton que moi :
— J’ai entendu dire qu’ils se distinguent par un code. À mon avis, on en a dans notre école. Mais après, va savoir qui…
Je poussai un soupir.
— Vil connaissait quelqu’un. Le jour où je lui ai demandé, elle…
Ma gorge me serrait. Je ne finis pas ma phrase et me raclai simplement la gorge. Mirabella posa sur moi un regard neutre, empreint toutefois d’un fond de chagrin.
— Il faut qu’on trouve cette personne. Avec eux, nous aurons une protection. Ils sont infiltrés partout, même dans le Grand Conseil.
— Tu crois ?
Elle hocha légèrement la tête. Puis, elle ajouta :
— Peut-être que tu devrais t’isoler quelque temps…
— C’est mort, lâchai-je spontanément, la voix plus dure que je ne l’aurais voulu. Plus jamais je vivrai dans l’ombre, c’est fini.
— Je sais mais…
— Y’a pas de mais qui tienne. Je sais que tu dis ça pour mon bien, mais arrête. Je peux plus vivre comme un ermite.
Ma tête me lançait, comme si elle allait exploser. Mirabella attrapa ma main. Sans comprendre pourquoi, je me dégageai avec violence, presque comme acculé.
— Tu sais pas ce que c’est de savoir que ta vie repose sur une erreur. Qu’on n’aurait jamais dû être là, au départ. Tu sais pas ce que c’est…
— Non, c’est vrai. Mais je sais ce que c’est de se sentir seul, Matt. Qu’est-ce que tu crois ? Que j’ai grandi dans une famille parfaite ? Tu me confonds avec Cyl. Ce n’était pas mon cas. Moi aussi, j'ai été seule, isolée. T’as vu mes parents, non ? Alors, ouais, je sais pas ce que c’est d’être dans ta situation, mais je sais ce que c’est de se sentir invisible. D’avoir l’impression que personne ne te comprend. Que tu n’es qu’une partie d’un plan qu’on essaie de te faire suivre, sans même que tu aies ton mot à dire.
Je restai là, silencieux. Je comprenais que nous étions faits du même bois, qu’on reflétait la même chose dans le miroir. Bien qu’elle sut mieux cacher ses émotions que moi, visiblement. C’était ironique, quand on y pensait. Au départ, je pensais être un homme insensible.
— Excuse-moi, t’as raison. Merci Mira, lui fis-je, un sourire timide sur les lèvres.
Mirabella me rendit mon sourire. Un geste simple mais plein de tendresse. Puis, elle déposa un baiser sur ma joue. Ses lèvres se détachèrent lentement, et elle me murmura :
— Fais attention à toi, Matt.
Elle me lança un regard franc.
— Je vais essayer de faire quelques recherches de mon côté, d’accord ? murmura-t-elle d’une voix douce, comme le bruit apaisant des vagues sur la jetée.
— Sois prudente, répondis-je en prenant ses mains dans les miennes. Je les serrais avec inquiétude.
Elle hocha la tête, puis m’annonça :
— Bon, je vais te laisser avec ton père. Si tu as d’autres péchés à expier, tu sais où me trouver, répliqua-t-elle avec un sourire léger, qui me mit du baume au cœur.
Je lui répondis sur le ton de la plaisanterie :
— Si je me confesse, tu risquerais de te percer les tympans.
— C’est déjà le cas avec ta voix de pleurnicheur.
Je lâchais un rire étouffé. Elle me laissa là, son énergie légère et presque hypnotique flottait encore dans l’air. Elle finit par lâcher mes mains, son sourire fixé au visage comme s’il était remonté avec des épingles.
Une fois que Mirabella eut disparu, je me remis en marche vers l’université.
Soudain, j’aperçus un brouillard qui se propageait entre mes jambes. Il envahissait l’espace. La vapeur m’entourait comme un tourbillon.
Je tentai de balayer l’air de la main... en vain. Une silhouette émergea, imposante et familière. Mon père, debout devant moi. Ses vêtements étaient toujours aussi sombres : chemise noire, pantalon noir, chaussures noires. Rien de bien original. Son visage était blême, marqué par l’absence de toute chaleur humaine. Ses yeux bleus, perçants, s’ancrèrent dans les miens. Puis, je sentis une sévérité, dont j’allais sûrement bientôt faire les frais.
Je déglutis.
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