Chapitre 15 (2/4)

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Célestin et moi étions dans un Viub* à destination de sa maison d’enfance. La vallée était tapie d’une neige à moitié fondue. Mon ami se fendait d’un sourire joyeux, heureux de faire une escale chez ses parents. Ils n’habitaient pas très loin, nous n’avions qu’une heure de route.

Lorsque nous nous engagions dans une ruelle faite de gravillon, Célestin ne tenait plus en place. Ses parents nous attendaient devant leur maison pavillonnaire peinte d’un rose saumon. Ils étaient tous les deux vêtus d’un pull moche.

Cette ville paraissait agréable à vivre. Aucunes tours ne venaient troubler le paysage. La végétation était maigre, peu étendue. Les maisons étaient toutes mitoyennes. Elles étaient pourvues d’un jardinet. De quoi mettre une table et des chaises.

Quand nous sortîmes du Viub, le véhicule nous souhaita une bonne soirée.

— Mon roudoudou ! s’écria la mère de Célestin qui se précipitait déjà vers lui.

Elle l’attrapa dans ses bras avec énergie. J’étouffais un rire.

— Bonjour, Mattheus, fit le père de mon ami en me tendant la main. J’espère que le voyage s’est bien passé.

J’approuvais d’un hochement de tête. Puis je saluais la mère de Célestin. Ils attrapèrent nos valises. Sa mère lui contait combien elle était ravie de nous accueillir, ainsi que Cole. À l’intérieur, une odeur de gras nous accueillit. Mon ventre émit un léger gargouillis, impatient de se mettre à table. L’entrée était un sas étroit. Nous tenions à peine à quatre. La mère de Célestin — Cristal — déposa nos manteaux dans un placard fin. Face à nous se tenait un escalier étriqué. Le bois portait les marques du temps.

Avant de monter, le père de Célestin — Charme — nous précisa que Cole arrivait dans une vingtaine de minutes. Il pouvait suivre son acheminement en direct sur l’application Viub.

Célestin me fit signe de le suivre. L'étage, comme l’entrée, était petit. Le palier contenait trois portes. À droite, la chambre de Célestin. À gauche, celle de son frère. Au milieu se trouvaient la salle de bain et les toilettes.

Une fois dans sa chambre, Célestin se jeta sur son lit dans un soupir de satisfaction.

— Qu'est-ce que tu m'as manqué, toi !

Je ne pus retenir mon hilarité.

— Ah ! Le roudoudou avait besoin de son lit douillet ?

Il m’adressa une grimace.

— T'as pas vu comment les matelas de l'université sont fins ? Même le sol est plus confortable.

— J'ai pas fait gaffe.

Je jetai un regard circulaire à la pièce. À l’instar de l’université, elle était simple. La seule différence était qu’ici, Célestin avait accroché des posters de boys bands torses nus.

— Sérieusement ?

Je pointais les affiches du doigt en riant.

— Bah quoi ? Ils sont sexy, non ?

Je continuais de me moquer de lui. Il m’adressa un air réprobateur.

— Arrête un peu de te moquer, sinon je t'amène pas de matelas !

— T'inquiète, je dormirai contre mon roudoudou.

L’éclat de son rire inondait la pièce. Ça me faisait chaud au cœur. J’étais heureux de l’avoir accompagné.

Sur son bureau se trouvait un cadre photo. Elle représentait sa famille, tout sourire. Ils portaient tous des chapeaux noirs avec des oreilles de souris.

Du bruit au rez-de-chaussée rompit le calme ambiant. Célestin se redressa comme une mangouste et me lança un regard animé :

— Ça doit être Cole !

Il sauta de son lit et courut dans le couloir. En bas, Cole s’agitait avec énergie, un sourire éclatant aux lèvres. Quand son frère le rejoignit, ils s’étreignirent dans un éclat exagérément masculin.

Leurs parents nous invitèrent à gagner le salon. La pièce était plutôt grande, en comparaison du reste de la maison. Un feu brûlait dans la maigre cheminée. Le linteau était vêtu d’une guirlande rouge. Sur la tablette se trouvaient deux boules de neige ainsi qu’un ange. À ses côtés se dressait un sapin, paré d’une multitude de guirlandes et autres objets de Noël. La table était recouverte par une nappe dorée. La décoration était digne d’un magazine.

— Chaud devant !

Charme entra dans la pièce, maniques aux mains, un plateau en argent au-dessus de sa tête. Dessus se trouvait une dinde de synthèse qui dégageait une odeur de marron chaud. Mon ventre grogna une nouvelle fois.

Cristal nous servit un verre de champagne et découpa la non-dinde. Les deux frères bataillaient pour récupérer un morceau, dans une guerre de fourchette. Leur mère tentait de les repousser. Charme apportait le plat de pommes de terres au four. L’ambiance était festive, vivante.

Je n'étais qu’un spectateur d’une scène quotidienne. Je réalisais à quel point ma vie avait été vide jusqu’à mon arrivée à l’université. Leur foyer baignait dans la lumière comme le mien baignait dans l’obscurité.

Est-ce que j’aurais été différent si j’avais grandi dans la joie et la bienveillance ?

Je n’eus pas le temps de m’égarer dans mes pensées. Cole me posa une question :

— Dis-moi, Matt, t’as croisé notre futur Père Noël ?

— Hein ?

Le champagne coula sur ma lèvre. Je m’essuyais avec la serviette brodée avant de reporter mon attention sur Cole.

— Oui. C’est Barbas. Tu l’as pas encore vu ?

Je fronçai les sourcils et tentai de me rappeler de ce fameux camarade. Je jetai un coup d’œil vers Célestin, qui était trop occupé à se goinfrer pour me porter secours.

— Euh… Non…

— Donc t’as pas récupéré ton cadeau de Noël ?

Le silence s’installa autour de la table. Tous les regards se tournèrent vers moi. J’eus l’impression de sentir une goutte de sueur perler sur mon front.

— T’as dit Barbas, c’est ça ? C’est une muse, il me semble.

Cole eut un hoquet de rire.

— Mais non, pas du tout ! C’est un Père Noël.

— Mais ça existe même pas !

— Qui distribue les cadeaux, à ton avis ?

Cole m’observait avec sérieux et me donnait l’impression d’être idiot.

— Les parents ? tentai-je avec hésitation.

— N’importe quoi ! C’est bien le Père Noël.

Le silence se fit lourd. Je déglutis, perdu. Le poids des regards me mettait mal à l’aise.

— Vraiment ? finis-je par lâcher, sans grande conviction.

Cole me fixait sans un mot, avant de partir dans un fou rire. Ses parents l’imitèrent. Quant à Célestin, il lui envoya une tape derrière la tête.

— L’écoute pas, il aime bien inventer des trucs, me lança Célestin. Ça a toujours été sa spécialité.

— Oui, mais il n’empêche que ça aurait pu être vrai, répondit son frère. Pourquoi on existe et pas le Père Noël, hein ? Le Grand Conseil aurait pu créer ce rôle.

— Parce que tu crois que c’est le Grand Conseil qui nous a créés ? Revois tes cours d’histoire de la vie.

— C’était une façon de parler.

Cole leva les yeux au ciel avant de se tourner vers moi.

— C’est qui, tes parents binômes ?

— J’en connais qu’un, il s’appelle Maurelius.

— Mauritus ? répéta-t-il.

— Maurelius, idiot ! s’écria Célestin en lui ébouriffant les cheveux.

Cole demanda à ses parents s’ils connaissaient mon père. Ils secouèrent négativement la tête. Je haussai les sourcils. Pour la première fois de ma vie, des gens ne connaissaient pas mon père. C’était bizarrement satisfaisant.

Leurs parents ne faisaient ni partie de La Mort ni du Grand Conseil. Cela expliquait peut-être pourquoi le prénom de Maurelius leur était inconnu.

Cole continua de me poser des questions sur moi, sur ma vie. C’était agréable. Ce sentiment que quelqu'un se préoccupe de vous.

Le repas fut délicieux. Je n’avais jamais autant mangé de ma vie. Du plat au dessert, tout avait été préparé avec soin. Je me demandais si les parents des Cupidons possédaient encore le goût, malgré leur prise de fonction. Ou peut-être que c’était inné.

Une fois la table débarrassée, j’aidai Célestin à monter le matelas. Après avoir préparé le lit, je montai faire ma toilette. Puis, tout propre, je m’étalais de tout mon long dans mon couchage. En attendant le retour de Célestin, je sortis mon Platphone. J’avais un message en absence.

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* C'est une navette 100% électrique, sans chauffeur et sans bruit. Il vous suffit d'enregistrer votre destination depuis votre Platphone sur l'application Viub et on vous propose deux types de véhicule : un terrestre et un aérien. Personnellement, je préfère la navette terrestre. Le bolide disponible arrive rapidement (souvent entre 30 secondes et 1 minute). Tous les humains l’utilisent pour sortir, c'est devenu un vrai réflexe.

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