Chapitre 16 (4/7)
Sofia errait dans les rues, le poids des années prématurément gravé sur son visage. Son ventre arrondi témoignait d'une vie nouvelle, tandis qu'elle se traînait vers l'hôpital, royaume de douleur et d'attente. L'hôtesse l'accueillit d'un sourire contraint et l'aiguilla vers le service approprié.
Elle avançait, les pieds traînants, chaque pas une complainte silencieuse. Les rendez-vous médicaux ravivaient en elle une tristesse profonde, une compagne fidèle qui ne la quitterait sans doute jamais. Comment apaiser une telle souffrance, si profondément ancrée dans son âme, comme une tache indélébile ?
Au plus profond de son être, je sentais les mouvements d'une vie en devenir. Instinctivement, ma main se posa sur mon nombril, tandis que mon dos se courbait sous le poids de la fatigue. Je ressentais les fluctuations hormonales de Sofia, ses humeurs changeantes, ses douleurs lancinantes. Au milieu de cette tempête émotionnelle, je percevais la chaleur réconfortante qui irradiait de son ventre.
Sofia, enveloppée dans des vêtements usés et déchirés, portait les stigmates de la misère. Ses longs cheveux bleus, autrefois symbole de rébellion, étaient maintenant négligemment attachés en un chignon lâche, gras et sans éclat. Sa peau mate avait perdu sa vitalité, et des cernes profonds encerclaient ses yeux fatigués.
Elle s'effondra sur une chaise de métal et maudissait l'inconfort de ces sièges impersonnels.
— Putain, elles font mal au cul ces chaises de merde !
Une mère attira son enfant contre elle, le protégeant du regard de cette femme visiblement perturbée. Elle avait un air réprobateur sur le visage.
— Élève-le bien, ton chiard, lança Sofia d’une voix grave.
Les heures s'étirèrent en une attente interminable, jusqu'à ce qu'un médecin en blouse blanche vienne enfin la chercher.
— Enlevez le haut, ordonna-t-il, sans un regard pour la femme qu'il avait devant lui.
— Tu veux m’voir à poil, c'est ça ? rétorqua Sofia, l'ironie mordante.
Face à son silence, elle s'écria:
— Zavez quoi à tous m'ignorer ? Eh oh !
Elle agita la main devant son visage.
— J’suis là, j'existe ! J’suis pas un putain d’fantôme.
— Le père est avec vous ? demanda le médecin, sans répondre à ses protestations.
— Non, c'est lui le fantôme, justement, répondit Sofia, l'amertume dans la voix.
L'homme appliqua un gel froid sur son ventre et commença l'examen échographique. Après quelques minutes, il annonça, détaché :
— Votre bébé va bien.
Un sourire, timide et fragile, illumina le visage de Sofia. Au moins, cette nouvelle vie, contrairement à la sienne, avait un avenir.
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