Chapitre 17 ~ Rapprochement (5/5)
La lumière du jour agressa mes yeux. Une grimace déforma mes traits tandis que je protégeais ma rétine avec ma main. Un des bras de Mirabella était posé sur mon torse. Mon crâne me lançait. Mon ventre menaçait de rendre sa bile.
J’eus besoin de quelques minutes pour me remémorer la soirée de la veille. De Mirabella. De moi. De nos prouesses. De notre proximité.
Mon sourire s’élargit à ce souvenir. Tentant de ne pas réveiller Mirabella, je poussais délicatement son bras. Avant de commencer la journée, j’avais besoin de prendre une douche. Je sentais mes aisselles et m'apercevais que je puais le fauve.
Les douches de mon étage semblaient toutes occupées. Je récupérai ma serviette, déposai mes bijoux et descendis au rez-de-chaussée. Puisque cette salle de bain était partagée avec les humains, il y avait beaucoup plus de cabines.
Une fois sous l’eau chaude, j’essayais de reconstruire mes souvenirs de la veille. L’effervescence des âmes m’avait quelque peu troublé, si bien que j’avais du mal à recoller tous les morceaux.
Cependant, je me rappelais l’essentiel. De notre ébat passionné, de moi en elle… Peut-être que je devrais prendre une douche froide, finalement.
Tandis que je laissais mes pensées divaguer, quelque-chose me tracassait. Notre amitié m’était précieuse. J’espérais que ce qu’il s’était passé entre nous ne viendrait pas gâcher ce que nous avions.
Mirabella avait parlé d’amusement, peut-être que pour elle ça se résumait à ça. Une parenthèse dans le temps.
Et, quelle parenthèse ! C’était la première fois que je faisais l’amour avec quelqu’un. Tout m’avait semblé naturel, fluide. Dans le feu de l’action, je n’avais pas eu à douter de moi. Il fallait dire que Mirabella était très entreprenante. Ça m’avait permis de me laisser guider par ses gestes.
Je passais une serviette autour de ma taille avant de retourner vers ma chambre. Sur le chemin, je croisai Alice qui paraissait attendre quelqu’un dans l’entrée.
Je sentis son regard sur moi.
— Il te mérite pas, lui lançai-je sans même daigner lui jeter un regard.
— Pardon ?
— Tu sais de quoi je parle.
Je montais les marches pour me rendre à mon étage. Quelques gouttes dans mes cheveux tombaient sur mes épaules.
— T’es sérieux ? Cracha-t-elle, montant à ma suite. C’est bien à toi de me dire ça. Tu t’es bien amusé avec Mirabella ?
Dans sa bouche, ça sonnait presque comme une insulte.
— En quoi ça te regarde exactement ?
— Et toi, ça te regarde qui me mérite ? Tu t’es pris pour qui ? Le dieu des amours ?
— T’es ridicule. Retourne te frotter à lui et laisse-moi tranquille.
— Je te rappelle que tu as lancé cette conversation, en estimant bon de juger avec qui je couche.
— Je m’en fiche éperdument.
— Alors la prochaine fois, ferme-la !
Je plantais mon regard dans le sien.
— Tu sais quoi ? Démerde-toi avec ce mec, mais ne viens pas pleurer quand tu te rendras compte que j’avais raison.
— Merci de me montrer ton vrai visage de gamin. T’as quel âge ? Cinq ans ? Pour faire ce genre de réflexion à la con.
— C’est ça.
Au fond, elle avait raison.
Que m’arrivait-il ?
Je n’arrivais pas à me contrôler. Les mots sortaient tout seuls, sans que je puisse les retenir.
— Je pensais te connaître, mais je me suis trompée. T’es aussi enfantin que les autres, renchérit-elle.
— Alors casse-toi de ma vue, lançai-je, sans contrôle.
Calme-toi Matt.
Pourquoi est-ce que j’étais comme ça ? Que m’avait-elle fait ?
— Oh t’inquiète, tu n’entendras plus parler de moi. Compte bien là-dessus.
— Tant mieux, ça m’évitera d’entendre tes histoires avec ton playboy.
— C’est qui que tu traites de playboy ? lança une voix masculine derrière nous.
Maxime nous observait et Alice redescendit vers lui. Je le fusillais du regard.
— Toi, connard.
Stop !
Pourquoi n’arrivais-je pas à reprendre le dessus sur moi-même ? Comme si ma bouche n’en faisait qu’à sa tête. Les ressentis en moi étaient trop forts, tellement forts qu’ils en étaient incontrôlables. Ils se jouaient de moi, comme une marionnette.
— Parle-moi mieux que ça, bouffon ! s’énerva Maxime.
— Tu n’as que ce que tu mérites. En te regardant, on voit quel type d’homme tu es.
— Oh, parce que toi, tu te crois mieux que les autres visiblement ?
— Probablement.
Je savais pertinemment que je méritais une bonne claque à ce stade. Mon arrogance était imbuvable.
Maxime bouillait.
— Ne te mêle plus de nos affaires ! cria ce dernier en me pointant du doigt.
— Ne t’inquiète pas, je n’en ai plus rien à faire ! De toi, d’elle. Faites votre vie, répliquai-je en levant les mains, comme si je venais de jeter mes poubelles dans une benne.
Dans sa fureur, Maxime tira sur ma serviette. Alice porta rapidement ses mains devant ses yeux, rouge de gêne. Heureusement que j’avais enfilé un caleçon en sortant de la douche.
— Loupé.
Un sourire narquois s’affichait maintenant sur mes lèvres. Les personnes présentes dans le hall nous observaient. Les discussions étaient des murmures, qui venaient rompre le silence entre les trois perturbateurs que nous étions.
Sans rester une minute de plus, je remontais. Melvin était adossé contre le mur dans les escaliers, les bras croisés. Je ne lui adressais pas un regard.
— Je te vois Matt. Et si je te vois, ils peuvent te voir aussi. À vrai dire, tout le monde t’a vu.
Melvin me fit face et m’empêcha d’accéder au couloir de La Mort.
— Qu’est-ce que tu veux toi ?
Je soutins son regard, l’air mauvais.
— Te prévenir. Ton cinéma attire l’attention sur toi. Attire leur attention.
— Qu’est-ce que tu veux avec tes menaces, au juste ?
J’approchais mon visage du sien, comme une bête prête à bondir. Melvin me regardait avec lassitude.
— Tu appelles ça des menaces ?
Un rire s’échappa de ses lèvres. Toute cette histoire l’amusait. Après tout, il m’avait dit qu’il était insensible à tout. Même à la mort de Vilenia.
— Tu crois que j’ai le temps pour tes conneries ? m’exaspérais-je en reculant. Tu crois que c’est le moment pour venir me faire chier ?
— C’est pas des menaces Matt. C’est un avertissement.
— Un avertissement ?
Melvin raccourcit l’espace entre nous deux et décroisa les bras. Ses muscles se contractèrent.
— Avec tout ce qu’il se passe, tu crois que c’est le moment de te faire remarquer ?
— Me faire remarquer ? répétai-je, mauvais.
— T’as quand même conscience que ton comportement attire le regard du Grand Conseil ?
— Je me fous du Grand Conseil !
Les sourcils de Melvin firent un mouvement à peine perceptible. Son amusement ne le quittait pas.
— Tu leur diras la même chose quand ils viendront t’arracher ?
— Arrache-moi, pour voir ! m’énervais-je, bombant le torse.
Un nouveau rire s’échappa de ses lèvres, augmentant ma fureur.
Mirabella avait raison, quel connard il pouvait être ! C’était un jeu pour lui ? C’était drôle de voir les autres se faire arracher par la R.D. ?
— Crois-le ou non, Matt : je ne suis pas ton ennemi.
— Parfait, je décide de pas te croire.
Son sourire s’agrandit. Ses yeux brillaient d’une lueur différente, que je n’arrivais pas à interpréter. Melvin finit par me dépasser et se diriger vers les escaliers.
— Au fait, lança-t-il en se tournant de nouveau vers moi. Si tu souhaites te faire remarquer, je te conseille de remettre la bague de ton père. Et ainsi, cacher ton âme.
Melvin m'adressa un dernier sourire avant de partir. Si j’avais pu, je l’aurais foudroyé sur place.
Quelle merde !
Je donnais un coup de pied dans la poubelle.
Quelle journée de merde !
Pire que tout : Melvin était au courant pour mon âme. Mes jours étaient maintenant comptés. Il fallait à tout prix que je trouve les Anges Noirs. C’était une question de vie ou de mort.
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