Chapitre 19 ~ Monsieur Rhânlam (6/6)
— Quand on aura le don de se téléporter, tu vas voir, je vais leur rendre une petite visite ! lançai-je, amer.
— Bonne idée, comme ça on leur rendra la…
— Vous pensez vraiment que c’est une bonne idée ? Coupa Mirabella.
Je lui lançais un regard intrigué.
— Même si j’adorerais lui donner un bon coup dans les couilles… Matt, ton âme… Tu peux pas te faire remarquer.
Mes amis me regardèrent maintenant avec des yeux de chiots éberlués.
— Et alors ? Au pire, vous pouvez y aller sans moi.
— Tu rigoles ? Aller punir ces malotrus sans toi ? lança Célestin, faussement choqué.
Mirabella fit une moue triste.
— Je suis désolée… fis-je en posant une main sur sa jambe.
— Ne t’excuse pas. Il ne faut jamais s’excuser à la place des salauds, me fit Mirabella.
Elle se racla la gorge.
— Enfin, c’est du passé, tout ça.
— C’est pour ça que tu ne veux plus de relations ? lui demandais-je. Tu abandonnes vraiment pour ce connard ?
— Oui, en partie.
Je lui fis une moue désolée. À vrai dire, je ne savais pas comment aborder la chose.
— Je suis sûr qu’un jour, quelqu’un fera tellement vibrer ton cœur, que tout ça ne sera qu’une anecdote en fin de soirée, lui fit Célestin. J’en suis persuadé.
Mirabella haussait les épaules.
— J’ai arrêté de croire en tout ça.
— Tant mieux, ça te permettra de le vivre encore plus intensément.
Mirabella eut un demi-sourire.
— Tu n’as pas cherché à te venger ? lui demandais-je.
— Même si je l’avais voulu, après ça, mes parents ne m’ont plus lâché d’une semelle. Ils étaient furieux.
— Pourquoi, à ton avis ?
Mirabella haussait de nouveau les épaules.
— Honnêtement, je n’ai jamais compris ce qu’ils avaient derrière la tête. J’avais bafoué leur ordre de ne pas ressentir, de rester neutre, de ne rien montrer, alors peut-être que… Je sais pas…
— Ils sont bizarres quand même… Pourquoi t’enfermer pour si peu ? De quoi avait-il peur ? D’un scandale avec des humains ? Ils savent bien que les humains ne peuvent rien nous faire… Alors que cherchaient-ils vraiment à cacher ?
Personne ne répondit à mon interrogation. Cela n’attendait pas de réponse, mais je trouvais tout de même que leur attitude était étrange. Pourtant, mon père aussi avait agi de manière incompréhensible... Ce n’était rien à côté des parents de Mirabella. Ils semblaient constamment battre le chaud et le froid. Ce n’était pas normal. Alors, que cachaient-ils ? Est-ce que mon père et eux cachaient le même genre de secret ?
Ne pas vouloir attirer l’attention sur soi cache forcément quelque-chose, non ?
Le silence se fit dans la pièce. Célestin observait un point imaginaire. Mirabella fixait et frottait ses mains. Puis, elle nous montra l’affiche qu’elle venait de dessiner.
— Alors, vous en pensez quoi ?
Le dessin était bien fait. On y voyait des tombes entourées de verres de cocktails colorés, avec une déchirure qui révélait la phrase que Melvin avait ajoutée au début. L'ambiance était géniale, cela donnait envie.
— Franchement, c’est super stylé ! s’écria Célestin.
— C’est parfait, confirma Mirabella.
— Au fait, c’est quand ton anniv, Mira ?
— Le 29 mars.
— Ah, d’accord.
Voilà pourquoi elle avait eu ce regard si étrange quand elle avait appris la date d'anniversaire de Melvin. Ce n'était pas si surprenant que des Altruistes soient nés le même jour. Après tout, ils devaient sûrement nous fabriquer à des dates précises.
— Et toi, Matt ?
— Le 9 août.
Je jetai un œil à mon Platphone et réalisai qu’il était presque l’heure de retrouver Alice.
— Ça va aller, Mira ? lui demandai-je, un peu inquiet.
Son histoire m’avait touché. Même si je savais qu’elle était forte, je voulais qu’elle sache qu’elle n’était pas seule. Ce n'était pas facile d’aider ses amis avec des blessures comme celle-ci, mais je pouvais au moins lui apporter un peu de soutien.
— Oui, merci, répondit-elle simplement.
Je lui fis un câlin, histoire de lui donner un peu de réconfort, puis fis un signe à Célestin.
— Et mon câlin, alors ? me lança-t-il, faussement outré.
Je souris et exauçai son vœu.
— Il est content, mon roudoudou ?
Célestin émit un petit grognement.
— Je savais bien qu’il y avait un piège quelque part.
— Tu pensais pas que je serais gentil gratuitement, quand même ?
— Mon roudoudou ? répéta Mirabella en éclatant de rire.
— Je te laisse lui expliquer, lançai-je à Célestin, qui me lança un regard suspicieux.
Je quittai la chambre de Mirabella et me rendis rapidement dans la mienne pour me changer. Une chemise noire, un jean, juste ce qu’il fallait pour être un minimum présentable. Je passais un coup dans mes cheveux. J’aimais bien ce style un peu décoiffé.
En sortant, je jetai un œil à ma bague – heureusement, elle n’avait pas changé de couleur. Je serrais le poing, observant les veines qui reliaient ce bijou. Je dégainai mon Platphone et cherchai des restaurants bien notés dans les environs. Un nom dans la liste me sembla familier, et je me souvins qu’Alice m’en avait déjà parlé. C’était un endroit où elle allait souvent quand son père était en ville.
Puisque c’était son préféré, je décidai de réserver là-bas. Ça m’aiderait à mieux comprendre ses goûts. Et puis, ça lui ferait sûrement plaisir. Après tout, avec toutes les mauvaises choses que j'avais pu lui dire... je le regrettais profondément.
Devant sa chambre, je réalisais que mes mains étaient moites. Pourquoi étais-je aussi nerveux ? Je n’arrivais pas à mettre le doigt sur ce que je ressentais. Les paroles de mon professeur me revinrent en tête : « Est-ce que tu es amoureux ? ». Est-ce que je m'en rendrai compte un jour ? Comment sait-on qu’on est amoureux ? Quels sont les signes ?
Allez, stop. Ne réfléchis pas trop.
Je toquais à la porte trois fois.
— Pile à l’heure, me lança Alice en ouvrant.
— Toujours, répondis-je avec un sourire.
— T’es prêt ?
Je lui proposai mon bras avec un grand sourire.
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