Chapitre 22 ~ Chute (6/6)
Mon réveil fut accompagné d’une douleur atroce. Je serrai les dents. Mes yeux étaient collés, ma bouche pâteuse.
Boire. Il fallait que je boive.
Avec difficulté, je me redressai. Mes poumons brûlaient sous l’effort.
Quand j’arrivai à battre des paupières, je réalisai que j'étais dans ma chambre. Que s'était-il passé ? J’en avais également perdu la notion du temps.
Cette âme… Qu'était-ce ?
J’eus des crampes d’estomac qui m'obligèrent à me recroqueviller.
Tout s'enflammait en moi. Ma gorge me tiraillait, comme si j’avais vomi toutes mes tripes. Pourtant, je sentais le creux dans mon estomac qui criait famine.
Mon état était plus que déplorable. Si je m’observais dans une glace, j’aurais probablement l’air d'un type qui n’a pas dormi depuis des années. Je m’allongeai et me glissai sous la couette, pris de frissons. Mon cerveau semblait pris dans un trou noir, incapable de se concentrer sur quoi que ce soit.
Puis, l’image d’Alice me vint en tête. Comment allait-elle ? Je devais la voir et m’assurer qu’elle se sentait mieux. Après son malaise, je n’avais pas eu de nouvelles.
J’avais besoin de la voir.
À l’aide de mon bras gauche, je tentai de me relever. Après quelques secondes d’effort, mon coude cédait sous mon poids. Tous mes membres tremblaient. Mon corps ne répondait plus, comme léthargique.
Putain, c’était quoi cette âme ?
D’un geste désespéré, j’attrapai mon Platphone. Je m'y reprenai à trois reprises. Je lui demandai si on pouvait se voir. Comme elle n’avait pas accès à notre aile sans mon badge, elle ne pourrait pas me rejoindre. Il fallait que j’arrive à me lever.
« Spécialement pour toi… » résonnaient les paroles du professeur.
Pourquoi m’avoir donné ça ? Est-ce que c’était une sorte de punition, pour avoir loupé notre entrevue du matin ? Ou bien me l’avait-il donné pour une autre raison ?
Dans cette âme, il y avait eu des discussions sur les Anges Noirs. Est-ce que ça avait un lien ?
Je n’en pouvais plus de ces mystères, de ces secrets. Je voulais des réponses, maintenant. Ma tête allait exploser. Il fallait que j’aille réclamer la vérité. Monsieur Rhânlam saurait m’en donner. Ou peut-être Monsieur Dutronc ? Lui qui semblait connaître mon père. Quiconque le connaissait pouvait me donner des explications.
Malgré mes tentatives, je ne pouvais pas me lever. Alors, je restai allongé dans le noir, seul avec mes pensées. Mon front était trempé.
Pouvions-nous avoir de la fièvre ? N’était-ce pas seulement réservé aux humains ?
Ma porte s’ouvrit dans un mouvement léger. La lumière s'infiltra dans ma chambre.
— Arrête de me pousser, murmura une voix.
— C’est toi, avance plus vite !
— Non, ça risque de le réveiller.
— Qu’est-ce que tu…
J’allumais ma lampe de chevet et découvris Mirabella et Célestin sur le seuil de ma chambre. Leurs yeux étaient écarquillés, comme si je venais de les prendre en flagrant délit.
— On t’a réveillé ? me demanda Mirabella.
— Non, je n’arrivais plus à dormir.
— On venait voir comment tu allais, me fit Célestin en avançant vers moi.
Mes deux amis s’installèrent sur mon lit et je tentai tant bien que mal de me redresser. Mirabella attrapa ma main, me faisant profiter de sa chaleur. Célestin m’épongea le front.
— Que s’est-il passé ? demandai-je.
— Tu as fait un malaise dans la classe. Melvin et moi t’avons transporté dans ta chambre, répondit Mirabella.
Un rire nerveux s’échappa d’entre mes lèvres.
— Vraiment ?
— C’est le prof qui nous l’a demandé, grogna-t-elle. Te fais pas d’idée.
J’eus de nouveau un spasme délirant.
Je ne savais plus quoi penser. De Melvin, de mes professeurs, de mon père, de cette situation, de ma vie tout entière… J’avais l'impression d’être un étranger dans mon propre corps.
— Qu’est-ce que j’ai ? Gémis-je.
— Le prof m’a dit que t’as mal supporté l’âme qu’il t’a donnée. Que la première était toujours douloureuse. Mais je sais pas de quoi il parle... Des âmes, t’en as déjà vu.
— Pas comme celle-ci.
Avec douleur, je parvins finalement à me mettre droit.
— Il faut que je lui parle.
— Il faut que tu te reposes, corrigea Célestin.
— Non, j’en ai assez de me reposer. Je dois le trouver. Lui, ou Monsieur Dutronc.
— Monsieur Dutronc ? Pourquoi ? questionna Mirabella.
Je lui expliquais ma théorie. Tout ça était lié, j’en étais sûr. C'était un puzzle. Tout ce qu’il me restait à faire était d’assembler les pièces manquantes.
— Aidez-moi à me lever.
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