Chapitre 23 ~ Le Renifleur (4/4)

4 minutes de lecture

*Mirabella*


Je déglutis. Puis j’acquiesçai.

— Avant tout… à propos de Matt, tu devrais parler à son père.

— Pourquoi ?

J’allais insister, mais un bruit dans le couloir nous coupa. Melvin se raidit. Il me fit signe de ne pas faire un geste. Puis, silencieusement, il s’approcha de la porte et jeta un œil par le judas. Son visage se ferma, plus dur. Il se retourna vers moi.

— Dis rien. Bouge pas.

Il sortit sans un mot. Je m’approchai à mon tour, l’oreille collée à la porte.

— Qu’est-ce que tu veux ? Pourquoi tu frappes à sa porte ? demanda Melvin, calme mais tendu.

— Tu le sais très bien.

Je reconnaissais cette voix ! Celle du couloir. Fay. Je devais aider Melvin et… La poignée était bloquée. Il était devant la porte et la maintenait. Cherchait-il à me protéger ?

— J’vois pas de quoi tu parles, répondit Melvin.

— Oh, allez. Tu crois que je suis dupe ? J’ai lu ton regard. Tu crois que l’amour protège les gens comme ça ? Tu rêves.

— Tu sais pas de quoi tu parles.

Un rire strident, presque inhumain, fendit l’air.

— Qu’est-ce que tu caches, Melvin ? Tu protèges la fraude ? Ouvre cette porte.

— Pas question.

— Ouvre.

Sa voix était devenue grave. Sombre. Inhumaine. La porte trembla, comme sous un choc. Puis j’entendis Melvin grogner.

Était-il blessé ?

Mon cœur s’emballa. J’ouvris la porte.

— Tiens tiens tiens, mais qui s’invite à la fête ? susurra Fay.

— Bella, je t’avais dit de rester à l’intérieur !

— Je n’allais pas te laisser tout seul !

— Que c’est mignon.

Je relevai lentement les yeux vers lui et croisait son regard fauve qui brillait d’un éclat trouble. Ses prunelles dorées s’ancrèrent dans les miennes avec une intensité presque suffocante, comme s’il sondait les recoins les plus reculés de mon être.

Un sourire s’étira lentement sur ses lèvres, carnassier, mal contenu. Il passa sa langue sur sa lèvre inférieure avec une langueur malsaine, comme si la tension de l’instant avait éveillé chez lui un plaisir dérangeant. Un frisson glacé me traversa l’échine.

Un haut-le-cœur me saisit. Mon visage se crispa de dégoût. Cet individu dégageait quelque chose de profondément perturbant, une noirceur rampante qui semblait vibrer autour de lui.

Je me détournai légèrement pour tendre la main à Melvin, toujours au sol. Il saignait à l’arcade sourcilière, une mince traînée rouge s’étirait jusqu’à sa joue. Du bout du pouce, je recueillis le sang. Melvin me lança un regard surpris, presque interdit, mais resta silencieux.

En un battement de cils, son attention se détourna, rivée sur notre adversaire. D'un geste sec, il m’attira derrière lui. Je faillis perdre l’équilibre. Je me retenai de justesse contre le mur, le cœur battant.

Fay nous observait, immobile. Un éclat moqueur dans les yeux, il se délectait de notre trouble. Et c’est là que je le vis. L’objet qu’il faisait rouler entre ses doigts.

Une arracheuse.

Il la tapotait doucement contre sa paume, comme on flatte un fauve en laisse.

— On en était où, déjà ? Ah oui…

— Ça suffit, Fay. Laisse-nous.

— Pas sans récupérer ce que je suis venu chercher.

Melvin me maintenait contre lui. Je sentais sa chaleur, son souffle court. Sous sa peau, ses muscles contractés à l’extrême.

En face, Fay leva les yeux au ciel avec une nonchalance cynique.

Puis, dans un geste d’une lenteur volontairement théâtrale, braqua l’arracheuse droit sur nous. Le canon de l’arme brillait sous la lumière tremblante du couloir. Ses yeux, auparavant dorés, s’étaient assombris comme si une ombre les avait engloutis. Je n’eus pas besoin qu’il parle pour savoir qu’il était prêt à appuyer sur la détente.

Sans une once d’hésitation.

— Tu serais donc prêt à risquer ta vie ? lança-t-il d’un ton glacial, presque amusé.

Melvin resta muet. Je le sentis se raidir davantage, son bras frémissait d’une colère contenue. Chaque respiration qu’il prenait semblait alimenter la tempête qui grondait en lui. La peur montait en moi, comme une vague agitée. Elle était balayée par une certitude : nous ne pouvions pas le laisser faire.

Je ne laisserai pas Fay toucher à Mattheus. Jamais. J’étais prête à risquer ma vie, comme Melvin l'était aussi.

Le poids de Melvin se fit plus lourd contre moi. Mon cœur manqua un battement.

Pendant un instant suspendu, j’ai cru qu’il s’effondrait. Qu’il avait été touché.

Mais ce n’était pas ça.

C’était un bond. Un jaillissement de rage. De détermination. Il s’élança sur Fay avec la force d’un fauve et le percuta de plein fouet.

L’assaillant bascula à la renverse dans un grognement surpris. L’arracheuse lui échappa des mains et finit sa course sur le sol dans un bruit métallique.

Je courus, mon regard rivé sur l’arme. Mon sang pulsait dans mes tempes. Chaque pas me rapprochait du salut. Mais une silhouette se ressaisit plus vite que prévu. Fay. Il se redressa d’un mouvement fluide, presque inhumain. Sa main fondit sur l’arme avant la mienne. Il me devança d’une fraction de seconde.

Je m’arrêtai net, ma main encore suspendue au-dessus du vide.

Il me lança un regard qui fit naître le froid au creux de mon ventre. Son sourire était déformé. Cruel. Son doigt se posa lentement sur la détente, presque avec plaisir. Je ne bougeais plus. L’air autour de moi semblait se figer, s’épaissir.

Puis son index bougea.

Je levai les yeux. La lumière s’activa au fond du canon, embrassant mon âme. Je n’entendis que le cri lointain de Melvin, avant de perdre l’équilibre.

Annotations

Vous aimez lire Lexie_dzk ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0