Chapitre 24 ~ Sous les étoiles (3/3)

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Soudain, la porte s’ouvrit avec fracas.

Dans la surprise, je relâchai mon étreinte. La lumière éclata avec violence. Je protégeai mes yeux avec ma main — main qui était contre la peau d’Alice quelques secondes auparavant.

— Oh ! Je savais pas que la salle était encore occupée, nous dit une femme avec entrain.

Sur le seuil se trouvaient dix paires d’yeux, nous détaillant avec amusement. Alice bafouilla des excuses avant de courir vers la sortie. J’eus besoin d’un instant avant de réaliser qu’elle avait quitté la pièce, encore prisonnier de notre bulle. Saluant le groupe, je m’élançai à sa suite. Je l’aperçus au loin qui rendait le badge à l'accueil.

Une fois dehors, Alice posa ses mains sur ses genoux et se recroquevilla sur elle-même.

— Ça va ? lui demandais-je, inquiet.

— Oui, répondit-elle dans un souffle.

Alors que je m’avançai vers elle et posa une main délicate sur son dos, elle se dégagea avec surprise. Elle prit la direction du retour. Je ne compris pas sa réaction, mais la suivis en silence.

Si personne ne nous avait interrompus, nos bouches auraient fusionné, nos âmes se seraient embrasées. Mais, il n’en fut rien. Le moment était passé, Alice devait l’avoir senti.

Ma raison reprit le dessus. Maintenant, je me demandai si ce n’était pas mieux comme ça. Car, au fond de moi, je savais que, si je cédais, il n’y aurait pas de marche-arrière possible. Plus jamais je n’aurai envie de quitter la chaleur de ses bras, la douceur de sa peau. Mon âme s'entâcherait à l’infini, changeant de couleur à chaque instant.

Nous montions les marches en silence. Son regard était fuyant. Seul son souffle épuisé rompait l’instant.

Une fois en haut, nous nous dirigeâmes dans le hall, où les affiches de l’anniversaire de Melvin nous accueillirent. Alice s’arrêta, le feu aux joues, avant de se tourner vers moi. Ses yeux glissaient sur moi, puis se posèrent sur les miens. Elle se mordit la lèvre, soucieuse. Puis, elle se racla la gorge, et me demanda d’une voix étouffée :

— On y va ensemble ?

Nos regards ne se quittaient plus, hypnotisés. Puis, je finis par hocher la tête. Je lui répondis d’une voix douce et grave :

— Oui. Je viendrai te chercher. Ça te va ?

Elle acquiesca.

Puis, au moment de se quitter, je me rappelai avoir laissé ma veste dans la chambre d’Alice. Mes clefs au fond des poches. Je lui proposai de l’accompagner, ce à quoi elle répondit par un sourire timide.

Dans sa chambre, elle s’agitait, comme pour s’occuper les mains et l’esprit. Je balayai la pièce, avant de porter mon regard sur le cadre photo posé sur sa table de chevet. En m’approchant, je détaillai le cliché, déjà vu lorsque j’étais venu chercher les affaires d'Alice, après son agression.

Cette fois, quelque chose attira mon attention. Au départ, je ne compris pas pourquoi. Puis, j’observai la mère d’Alice, tout sourire, avec l’instinct de l’avoir déjà rencontrée. Seulement, mon cerveau était trop ramolli, je n’arrivais pas à remettre le doigt sur mes souvenirs.

Tout en réfléchissant, j’attrapai ma veste et la posa sur mon bras. Je fus incapable de détourner les yeux, avide de trouver mes réponses. Puis, je levai la tête vers Alice, qui m’observait faire en silence.

— Comment s’appelait ta mère, déjà ?

Elle pencha la tête de côté.

— Chrystellia. Mais, elle n’aimait pas son prénom entier. Tout le monde l’appelait Chrys, elle écrivait toujours son prénom avec…

Alice n’eut pas le temps de terminer sa phrase que je laissai échapper le cadre. Il se fracassa au sol, projetant une myriade d'éclats de verre.

Chrys. Chrys. Chrys.

Son prénom fit écho dans mon cerveau comme un mauvais souvenir, un goût amer sur le bout de la langue. Ainsi, c’était elle. L’âme que mon professeur m’avait donnée. C’était la mère d’Alice. Sa mère. Son âme.

Mon cerveau me faisait maintenant souffrir, ces mots tournaient en boucle en moi comme une chanson insupportable. Ma vue se troubla, mes membres tremblaient. Je manquai de tomber. Je me retins sur le bureau et entendis la voix d’Alice se perdre comme un écho au milieu des montagnes. Lointain, vibrant.

— Matt, qu’est-ce que tu… Parvins-je à entendre.

Mon souffle se coupait par intermittence, mes poumons ne voulaient plus fonctionner correctement.

La sonnerie de mon Platphone me sortit de ma léthargie. Je secouais la tête et essaya de retrouver une contenance. Alice ne bougeait plus, comme figée. Je fis quelques pas. Je récupérais mon Platphone entre les mains.

« Viens vite, c’est urgent !!! » — Mirabella.

Je rangeai rapidement mon appareil dans la poche, avant de tituber vers la sortie. Je marmonnais des excuses, probablement inaudible, avant de fuir comme un voleur. Le son de ses pas résonnait derrière moi, avant de s’interrompre. Je ne me retournai pas et m’éloignai le plus vite possible.

Comment avais-je fait pour passer à côté de ce détail ? Pourquoi Monsieur Rhânlam m’avait donné cette âme ? Savait-il que nous avions été interpellé par la R.D.Â. ?

« Spécialement pour toi… » me revenaient ses paroles.

Un flot continu de questions se bousculait en moi. Bientôt, j’aurai ma session avec mon professeur. Nous pourrions enfin avoir la conversation que j’attendais, et les réponses que j’espérais.

Je montais les marches quatre à quatre, me pressant de rejoindre Mirabella. Lorsque j’eus scanné la porte, elle s’ouvrit sur une scène des plus surprenantes.

Des Renifleurs avait envahi l’espace. Identifiables facilement grâce au pin’s qui illustrait un nez doré accroché à leur poitrine, qu’ils portaient quand ils étaient en mission. Ils avaient plusieurs rôles au sein du Grand Conseil et dans notre monde. En plus de diriger la R.D.Â., ils étaient également enquêteurs des crimes non prémédités par le Grand Conseil.

C’était ironique : Ils aidaient autant à résoudre un meurtre qu’à le commettre.

J’allais avancer, puis m’arrêtai net. Pendant un instant, je me demandai s’ils étaient présents pour moi.

Était-ce vraiment Mirabella qui m’avait envoyé ce message ?

En fouillant la pièce du regard, je ne la vis nulle part. Un peu plus loin, Melvin discutait avec un Renifleur, qui lui tapota l’épaule, l’air de le connaître. Comme par hasard.

Dans ses mains, j’aperçus le Platphone de Mirabella — c’était le seul à ma connaissance qui portait un petit bracelet de fleur. Je fis un pas en arrière.

M’avait-il envoyé le message ? Pour me piéger ?

Je reculai encore et finissai ma course contre la porte, qui émit un gros bruit de fracas. Tous les regards se tournèrent vers moi. Le silence me mit mal à l’aise. Pendant un instant, le temps sembla comme figé.

Quand Melvin m’aperçut, son front se plissa. Son regard était grave, de mauvais augure. Pour une fois, l’amusement et la moquerie avaient déserté son visage. Puis, il avança lentement vers moi, dégageant le passage.

C’est là que je le vis dépasser d’entre la foule…

Le cadavre.

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