Chapitre 25 ~ Surprise (1/4)
— Mira ! Mira ! hurlais-je en me précipitant vers le corps.
Les Renifleurs étaient agglutinés comme des mouches autour du corps sans vie et m’empêchaient de voir son visage. Melvin me retint par les épaules, le Platphone de Mirabella toujours dans ses mains. Je me débattais avec énergie, mais il était plus fort que moi.
— Matt, calme-toi !
— C’était toi ! Salaud ! Je vais te…
D’une main ferme, il bloqua ma bouche pour me faire taire. Comme je continuais de protester, gesticulant avec énergie. Il appuya plus fort. Puis il me lança un regard qui voulait dire « ce n’est pas le moment de piquer une crise ». C’était vrai. Je devais me calmer. Nous étions entourés de Renifleurs. Je pouvais me mettre en danger.
Les rubis de ma bague étaient noirs, protégeant mon âme.
Quand j’arrêtai de m’agiter, Melvin me glissa le Platphone de Mirabella dans la poche. Sa main desserra ma bouche, me laissant respirer de nouveau. Il tapota mon t-shirt pour le lisser.
— Qu’est-ce qu’il s’est passé ? demandais-je à Melvin.
Son regard inexpressif se planta dans le mien. Comment arrivait-il à conserver sa neutralité à toutes épreuves… Pour une fois, j’aurais aimé y lire une émotion, n’importe laquelle. Comme cela concernant Mirabella, je ne supportais pas son impassibilité. Mon regard noir devait se lire comme un livre ouvert. J’avais envie de lui sauter à la gorge, de le tuer, de l’étriper, de le…
— C’est pas Bella, lâcha-t-il comme une bombe.
À ses dires, je tentai de me frayer un chemin dans la foule, pour vérifier la véracité de son annonce. Melvin me suivait comme mon ombre. Les Renifleurs se retournaient sur notre passage, avec leur visage sans sourire.
Quand j’arrivais enfin devant le cadavre, je découvris le corps sans vie du garçon qui me collait à la peau. Fay. Ce n’était pas un Maître de La Mort, si bien que je me demandai comment il avait eu accès à notre couloir. Mon regard glissait sur son expression figée, presque colérique.
Deux Renifleurs avancèrent derrière nous, ouvrant le passage sur Mirabella qui était en conversation avec l’un d’eux. Je poussai un soupir de soulagement. Tout ce qui comptait désormais, c’est qu’elle était saine et sauve.
J’entraînais Melvin à l’écart.
— Qu’est-ce qu’il est passé ?
— Il est mort.
Je relevai la tête vers lui et lançai des éclairs. Puis je repris d’un ton agacé :
— Merci, j'ai des yeux. Je veux dire, qu’est-ce qu’il s’est passé pour qu’on le retrouve mort ?
Melvin me fit un sourire en coin.
— Aucune idée.
— Qu’est-ce qu’il foutait dans le couloir ?
— Aucune idée, répéta-t-il comme un robot.
Il haussait les épaules. Il conserva son sourire agaçant. Je lâchais un soupir. Par moments, il me rappelait mon père. Pourtant, je m’obstinais à le questionner :
— Qu’est-ce qu’ils foutent là, les Renifleurs ? Ils l’ont tué ? Pourquoi sont-ils venus aussi nombreux ?
— Non, ils l’ont pas tué. Il a été assassiné.
— Quoi, mais pourquoi ?
— C’était l’un des leurs.
Je l’observais avec surprise, mes yeux ouverts tels un illuminé. C’était donc lui, le Renifleur ? En même temps, si je n’avais pas été distrait par mes histoires de cœur, j’aurais pu le deviner…
Ce qui me frappa soudainement, c’est qu’il était dans notre couloir. S’il était le Renifleur, c’est qu’il était probablement venu pour moi. Comment était-il mort ?
— Est-ce que tu sais comment…
Melvin me fit signe de me taire. Un des Renifleurs se dirigeait vers nous.
— Vous venez d’arriver ? me demanda-t-il.
Ses cheveux étaient coupés à ras. Son regard était sévère. Ses yeux verts émeraude faisaient écho aux miens, de la même couleur.
— Oui.
— Bien.
Il se détourna, comme si la conversation l’ennuyait déjà, puis s’adressa à ses collègues :
— Les gars, on a tout ce qu’il nous faut, on peut dégager le couloir.
Le Renifleur qui venait de parler s’affairait autour du cadavre. Une odeur de menthe fraîche vint camoufler celle du corps, avant qu’ils ne disparaissent — le cadavre aussi — dans un nuage de fumée noire.
Une fois le passage dégagé, Mirabella vint nous rejoindre. Elle m’attrapa dans ses bras et me serra avec force. Quand elle relâcha son étreinte, elle m’observa de haut en bas, comme une mère détaillerait son enfant blessé.
— Mira, ça me fait plaisir de voir que tu vas bien, dis-je, poussant un soupir de soulagement. Est-ce que tu…
D’un geste, elle posa une main sur ma bouche. Elle jetait des regards autour de nous. Puis, elle attrapa ma main, m’entraînant avec elle. Avant de quitter le couloir, elle se retourna vers Melvin. Tous deux s’échangèrent un long regard, comme si un fil invisible les reliait. J’eus l’impression que cette connexion dura un moment, avant qu’ils ne tournent la tête. Pour une fois, aucune haine ne se dégageait dans les yeux de Mirabella. Je gardais le silence, bien que confus.
Elle m'attira dans les escaliers. Nous montions en silence rejoindre la chambre de Célestin. Après avoir toqué, il nous ouvrit rapidement sa porte, surpris de voir nos mines déconfites.
Ensuite, elle nous raconta l’histoire : elle était dans sa chambre toute la soirée à dessiner, quand elle a entendu des cris. Quand elle avait ouvert sa porte, elle était tombée nez à nez avec Melvin et le cadavre. Melvin lui aurait indiqué avoir entendu ces mêmes cris avant de découvrir le mort. Les Renifleurs étaient venus presque immédiatement, flairant l’odeur du meurtre.
Célestin, qui le cherchait plus tôt dans la journée, nous indiqua qu’il n’avait pas réussi à mettre la main sur lui. Personne ne semblait savoir où il se trouvait.
Normal, il me cherchait pour m’arracher…
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