Chapitre 25 ~ Surprise (4/4)

5 minutes de lecture

Je faillis tomber à la renverse. Mirabella ouvrit grand la bouche, si bien que du gel se forma sur ses dents. Célestin restait identique à ce début de conversation : toujours congelé. Ses yeux ne clignaient plus.

Je repassais mon bras autour de ses épaules, même si cela ne changeait rien. Oh, et bien sûr, j’attendais que mon père poursuive ses explications.

— Notre phrase secrète est : Les légendes voyagent toujours par trois. Si tu es un membre des Anges Noirs, tu dois répondre : Non, elles voyagent par deux. C’est comme ça que l’on se présente, afin de rester discret. En effet, on peut dire que j’ai sauvé le Grand Conseil. Quelle meilleure couverture que celle-ci ? Personne ne me soupçonnera jamais d’être le créateur de ce mouvement.

Mirabella me lança un regard choqué. Ses poumons ne bougeaient plus, comme si elle faisait de l’apnée. Puis, elle finit par relâcher tout l’air en elle et se recroqueviller.

— Attends, ça veut dire que… Mes parents sont membres du mouvement ? s'écria-t-elle, les yeux écarquillés.

Je me souvenais qu’en début d’année, Melvin aussi m’avait sorti cette phrase…

— Et Melvin, complétai-je donc en lançant un regard vers Mirabella.

— Je sais.

Celle-ci contemplait le sol et n’ajouta rien. Elle semblait perdue dans ses pensées.

— Tu sais ? répétai-je, surpris.

— Il m’avait dit de rien dire, d’accord ? Je pouvais pas juste… Juste vous le dire, comme ça, essaya-t-elle de se défendre.

— Depuis quand tu gardes les secrets de Melvin ?

— Je garde pas ses secrets ! s’écria-t-elle. C’est juste que… enfin, laisse tomber.

Elle reporta son attention vers mon père.

— Mes parents en font partie ?

Mon père hocha la tête.

— Oui, ils font bien partie du mouvement.

Je repensais à tous les échanges que j’avais eus avec Melvin depuis le début. Aux questions qu’il avait posées sur mon père. Il essayait de savoir si je faisais partie du mouvement. Et toutes ces choses qu’il m’avait dites… J’avais cru à des menaces alors que c’était de simples mises en garde. Pour me protéger.

Comment avais-je pu être aussi aveugle ?

— Et Vilenia… Il a essayé de l’aider, alors ? demandais-je à mon père.

— Dès qu’il a su qu’elle était une fraude, il nous l’a dit. Il a fait de son mieux, malheureusement Vilenia s’est laissé emporter par ses sentiments. Ça a causé sa perte.

Mirabella ouvrit la bouche puis la referma.

— Cela fait des millénaires que je me soumets à leurs règles, toujours plus injustes et réductrices. Un monde où les humains prolifèrent, mais ne meurent plus. Un monde où les Maîtres de La Mort disparaissent à une vitesse alarmante. Un monde où le Grand Conseil, corrompu, a scellé un pacte avec les dirigeants humains pour préserver la vie des plus riches. Un monde qui est complètement déséquilibré. Que ce soit dans notre existence humaine ou celle d'Altruiste, tout est dicté, prémâché. Où est passé notre libre arbitre ? Quand j’ai commencé, les humains étaient libres de leurs choix. Nous, les Altruistes, étions censés être là pour les soutenir, les aider à faire leurs choix, pas pour leur imposer quoi que ce soit. Quant à nous… Nous sommes maintenant privés de notre humanité. Les Cupidons ne peuvent pas aimer, La Mort et La Vie ne ressentent rien… Est-ce que notre vie à nous ne compte pas ? Nous devons remplir notre rôle, bien sûr, mais pourquoi faut-il perdre tout ce qui fait de nous des êtres vivants ? Cela a trop dévié. L’équilibre de la vie doit être rétabli, mais dans le bon sens.

Mon père faisait les cent pas, les mains dans le dos. Je n’avais jamais vu autant d’expression sur son visage.

— J'ai donc pris la décision de fonder ce mouvement pour aller dans cette direction. Pour y parvenir, nous avons dû créer nos propres Altruistes, selon nos règles. Nous en sommes responsables, et c’est grâce à nous que toutes les âmes peuvent vivre et nous rejoindre. Le moment est venu, tout va se jouer maintenant, avec vous.

J’avais encore tellement de questions à lui poser. Qui étais-je ? Quel type de fraude étais-je ? Qu’est-ce que ça voulait dire, concrètement, être une fraude ? Qu’est-ce qui faisait de moi une personne différente ? Que faisait le mouvement exactement ?

— Je n’ai plus beaucoup de temps, finit par dire mon père en observant sa montre gousset. Je dois vous ramener. Je pense que ton ami a besoin d’un bon bain chaud.

Sans plus attendre, mon père nous saisit par la main et nous ramena au campus. Même si les lieux m’étaient familiers, tout semblait avoir changé autour de moi. Comme si ma vie venait de prendre un autre tournant. Désormais, je faisais officiellement partie des rebelles. Plus de machines arrière possibles. Le Grand Conseil était devenu mon ennemi.

J’étais de retour dans ma chambre avec des milliers de questions en tête. Je faisais les cent pas, ayant l’impression que ma tête allait exploser. Je me la tenais, tant j’avais l’impression qu’elle était lourde. Je devais sortir prendre l’air. Ce n’était pas possible pour moi de rester enfermé entre ces quatre petits murs.

Après avoir saisi mes clefs, je descendis les marches. Je voulais hurler, mais je ne pouvais définitivement pas le faire. Maintenant plus que jamais, je ne devais pas attirer l’attention. C’était un nouveau tournant pour moi.

— Matt ?

Je relevai la tête. Sans m’en rendre compte, j’avais marché jusqu’à la chambre d’Alice. C’était la seule personne que j’avais envie de voir. Dans tout ce chaos, elle était celle qui faisait taire les voix. Celle qui me mettait du baume au cœur. Qui m’aidait à penser à autre chose.

Elle m’attira à l’intérieur de la pièce et je constatai qu’elle avait nettoyé les débris du cadre.

— Qu’est-ce qui ne va pas ? me demanda-t-elle presque en murmurant, saisissant mon visage entre ses mains douces.

— Tout.

Elle fit une moue compatissante et me prit dans ses bras. Je me sentis tout de suite mieux contre elle. Elle était ma bulle, mon échappatoire. Ce n’était pas bien, je le savais. Mais comment pouvais-je faire autrement ?

Elle m’entraîna vers son lit puis s’assit contre ses coussins. Avec délicatesse, elle m’attira contre elle. Je posais ma tête sur ses jambes. Ses mains caressaient mes cheveux. C’était doux, agréable. Si le temps pouvait se figer, j’aurais pu rester comme ça toute ma vie. Contre elle. À sentir son odeur, sa chaleur. Et surtout, à me sentir empli de bonheur, comme jamais auparavant.

Annotations

Vous aimez lire Lexie_dzk ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0