Chapitre 17 ~ Rapprochement (3/5)
Après la partie, Mirabella s’écroula sur une chaise à côté de moi, complètement à l’ouest. Je ne l’avais jamais vue dans cet état.
— Ça va ?
Sans répondre, elle me saisit la main et m’attira à l’écart, jusqu’à une rangée de vieux bouquins. Puis elle poussa un soupir profond.
— On peut enfin respirer, souffla-t-elle.
— Toi aussi, tu le sens ?
— Non seulement je le sens, mais en plus… Je le vois.
— À la soirée rock, tu les avais vus ?
— Oui, mais c’était pas à ce point. Là, c’est partout, ça me submerge.
— Je comprends.
Elle me tournait le dos, les mains posées contre l’étagère. Son chignon laissait entrevoir sa nuque. Sa peau lisse, parfaite. Une pensée étrange me traversa, que je chassai aussitôt.
Les âmes me montaient de plus en plus à la tête. Même en m’éloignant d’elles, l’effet ne diminuait pas, comme si je m’en étais imprégné. J'ignorais combien de temps il faudrait à mon organisme pour les évacuer. Même ici, à l’écart, elles me collaient à la peau.
— J’ai chaud… murmura Mirabella, comme si c’était devenu insupportable pour elle.
Comme si elle étouffait. Son corps pivota vers moi. Ses yeux se posèrent sur les miens. Profonds. Intenses. Sensuels. Ma bouche s’entrouvrit. Moi aussi, j’avais chaud. Comme si je ne pouvais plus respirer. Que m’arrivait-il ?
— Tu crois que ça leur fait ça, quand ils sont bourrés ? demanda-t-elle.
— Peut-être… Possible… Aucune idée.
Je peinais à avaler ma salive. Mirabella déboutonna un bouton de son gilet bleu canard qui laissa apparaître un décolleté hypnotisant. Je me rendais compte que je fixais sa poitrine, alors je fermai les yeux.
Qu’est-ce qui m’arrive ?
Ces émotions nouvelles m’envahissaient. Entre la boule dans la gorge que j’ai eue en voyant la proximité d’Alice et Maxime et cette sensation étrange que je ressentais en étant proche de Mirabella… Cette chaleur dans le creux de mon ventre. Ma respiration était saccadée.
Je détournais mon regard de celui de Mirabella. C’était trop.
— Célestin est vraiment affecté par la mort des humains, lançai-je pour briser la tension.
— Ah ?
— Il m’a confié que ça lui faisait de la peine qu’on les récupère bientôt.
— C’est normal, il les aime tant…
— Je pensais pas que je pouvais le blesser. Lui qui est si fort, d’ordinaire…
— Mais là, on parle de lui enlever des personnes qu’il apprécie. C’est différent.
Dans mon dos, je sentais que Mirabella se rapprochait de moi. Je sentais sa chaleur, son odeur. Je restais dos à elle, concentré sur la rangée de livres en face de moi. Je ne pouvais pas la regarder.
— Nous ne sommes pas constitués pareil. Pour nous, c’est normal, c’est notre destin. Pour lui, c’est juste une perte de plus. À la fin de notre formation, nous n’aurons plus rien, plus personne en dehors de notre binôme.
Mirabella était si compréhensive, douce.
— Je… N’ai que toi à qui parler de ça, murmurai-je.
— Et je serai là à chaque fois que tu ressentiras le besoin d’en parler. Si tu as besoin d’aide, de conseil… Je suis là.
Mirabella n’était qu’à quelques millimètres de moi. Cette fois-ci, l’odeur de framboise me titillait les narines. Son shampoing… Son odeur…
— Et pour Cyl, ne t’en fais pas. Comme tu l’as dit, il est fort. Il arrivera à faire abstraction. Et nous, nous serons là pour lui s’il a besoin d’en parler.
— Tu penses qu’on se sentira toujours comme ça auprès des âmes ?
— Comme… Ivre, tu veux dire ? fit Mirabella.
Son souffle caressait mon cou, ma nuque. Un frisson parcourut mon corps.
— Oui, comme ça.
Je me retournais face à mon amie qui était presque contre moi. Son regard bleu océan se posa dans le mien. Elle avança doucement, son visage à quelques millimètres du mien.
— Est-ce que ce serait si… mal ? De se sentir comme ça ? Joyeux ? Désinhibé ? De s’amuser ?
La bouche de Mirabella était entrouverte. Je ressentais ce désir nouveau. Mon esprit m’envoyait des images de plus en plus entreprenantes.
Non, je ne pouvais pas. C’était mon amie.
N’attendant pas ma réponse, Mirabella posa sa main contre l’étagère juste derrière moi. Je me retrouvais bloqué.
— Je s... sais pas, bafouillai-je.
La poitrine de Mirabella frôlait mon torse. Elle était si proche… Je la voulais encore plus proche.
Je résistais. Est-ce que c’était bien ? Est-ce qu’on le pouvait ?
Mirabella n’ajouta pas un mot de plus et avança son visage du mien. Maintenant, sa bouche n’était qu’à quelques millimètres de la mienne. Je sentais son souffle chaud contre mes lèvres. Elle bougeait légèrement la tête, semblant jouer avec moi.
Sans en contrôler le geste, ma main se glissa sur la joue de Mirabella. Sa peau était douce. Je la tenais fermement. Puis, je la descendis sur sa nuque.
Sans perdre un instant de plus, je l’attirai contre moi et l’embrassai. Sa bouche, aussi douce que je l’avais imaginée quelques secondes plus tôt, se pressait contre la mienne. Mirabella me poussa plus fort contre l’étagère de livres et appuya sa poitrine contre mon buste.
Je sentis ses mains se presser contre ma nuque pour resserrer son étreinte. Elle prenait le dessus, et je la laissais faire. Ces ressentis étaient si bons, si intenses. Tel que j’avais pu le voir dans certaines fioles. Pourtant, je ne ressentais pas d’amour. Non, c’était du désir. Un désir ardent qui était monté à mesure que les âmes montaient en moi.
Mirabella frotta sa cuisse contre la mienne, tout en remontant délicatement. Je sentais ses caresses à travers mon jean. Mon pantalon me semblait désormais étroit.
Sa main descendit sur mon torse. Je sentais ma peau frissonner à son contact. Elle savait ce qu’elle faisait, et c’était agréable. Elle descendait encore, et encore, et…
Un bruit derrière nous nous ramena à la réalité.
En soirée. Nous étions en soirée. Avec des gens. D’autres gens. Qui pourraient nous voir. Nous entendre.
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