Chapitre 19 ~ Monsieur Rhânlam (4/6)
Un mal de crâne m'accueillit dès que je remis les pieds sur terre. Je rangeai vite l'âme dans sa fiole, pressé de m'en débarrasser. Dès que l'âme quitta mon corps, j’eus l’impression qu'un poids se levait, et je laissai échapper un soupir de soulagement. Le professeur me murmura quelques mots à l'oreille, mais j'étais trop perturbé pour capter ce qu'il disait. Dans ma tête, l'image de torture tournait encore en boucle, me donnant presque la nausée.
Je n’arrêtais pas de repenser à ma conversation avec Monsieur Rhânlam. Pour être honnête, je ne savais pas trop quoi en penser. J'étais encore sous le choc de ce qu’il m'avait révélé, mais en y réfléchissant, ça ne m’étonnait pas tant que ça. Ce qui me frustrait, c'était de ne pas pouvoir partager ce secret avec mes amis.
Le professeur continuait à nous donner des conseils pour nos analyses, mais je n’arrivais plus à me concentrer. Ma jambe tremblait toute seule, comme si l'angoisse avait pris le contrôle de mon corps.
Quand la cloche sonna enfin, je n'hésitai pas une seconde et sortis en vitesse. Mirabella me rejoignit directement et posa une main sur mon épaule. Nos regards se croisèrent, mais elle ne dit rien. On prit le chemin de la cour, silencieux tous les deux. Je lui jetai un coup d'œil furtif, me demandant ce qu’elle pouvait bien penser à ce moment-là. Je ne lui avais jamais demandé comment elle vivait ces expériences. Est-ce qu'elle était elle aussi secouée par ces histoires de fioles ?
Dehors, Melvin semblait nous attendre, un sourire malicieux aux lèvres. Il s’avança vers nous, tout fier, comme s’il avait prévu quelque chose.
— Matt, Bella !
Mirabella leva les yeux vers lui, puis les roula en l'air avant de continuer son chemin sans même ralentir. Melvin ne se laissa pas démonter et la suivit presque en courant, je pressai également le pas pour les rattraper.
— Je vais fêter mon anniversaire le mois prochain, je voulais votre avis, lança-t-il d’un ton décontracté.
Mirabella s’arrêta net et se tourna vers lui, un sourcil arqué.
— Pourquoi tu veux notre avis, au juste ? Depuis quand on est amis ?
Melvin fit un sourire en coin.
— Et puis, tu t’y prends un mois à l’avance ? T’es qui, le ministre des fêtes ?
Mirabella le regarda, toujours aussi peu impressionnée.
— C’est bon, t’as fini ? – Melvin lui fit sa moue taquine – J’adore mon anniversaire, c’est super important pour moi ! Et je veux réunir un max de monde.
— Tu penses vraiment que des gens sensés vont venir à ton anniversaire ?
— Je peux être charmant, tu trouves pas ?
Il remuait les sourcils, un sourire satisfait sur les lèvres. Mirabella leva les yeux au ciel.
— Bon, accouche, on a pas que ça à faire.
— Bien, j’ai réservé la grande salle le 29 mars et j’ai pensé faire...
— Attends, t’es né le 29 mars ?
— Oui, pourquoi ?
Le visage de Mirabella se durcit instantanément. Sa mâchoire se serra, ses narines se dilatèrent. Je restai silencieux, observant la scène, les mots de Monsieur Rhânlam revenant en boucle dans ma tête. Il avait raison… Si je me rapprochais de Melvin, je pourrais peut-être démasquer son implication. « Sois proche de tes amis, mais encore plus proche de tes ennemis. »
— On viendra p...
— On viendra avec plaisir, la coupai-je, avant qu’elle n’ait le temps de finir.
— Ah, c’est ça que je voulais entendre, mon pote !
Melvin me donna un petit coup de poing amical sur le torse. Mirabella, elle, semblait sur le point d'exploser. Elle s’avança vers lui, furieuse, tandis que Melvin sortait des feuilles enroulées en tube.
— Oh, trop mignonne, merci de proposer ton aide pour les affiches, Bella !
Il lui sourit largement avant de lui remettre les affiches. Mirabella les attrapa maladroitement, son agacement grandissant.
— Tu veux voir où je peux te les mettre, tes fichus affiches ?
Elle fulminait, je posai une main sur son épaule pour la calmer.
— J’adorerais te voir essayer, répondit Melvin avec un sourire satisfait.
— T’as prévu un thème pour ta fête ? demandai-je, en ignorant le combat verbal qui se jouait entre eux.
— La Mort. Ça me paraît approprié, non ?
— Possible.
Je haussai les épaules, n’ayant pas trop d’avis là-dessus. Certains diraient peut-être que c’était de mauvais goût, compte tenu que son amie avait justement trouvé la mort… Mais c’était notre monde, notre quotidien. Alors, pourquoi pas ?
Melvin posa ses affiches sur les bras croisés de Mirabella avant de partir. Cette dernière les rattrapa de justesse en fronçant les sourcils. En attrapant les feuilles, elle les serra si fort qu’elle leur laissa des marques.
— Mais quel gros connard ! Si je pouvais lui broyer les couilles, qu’est-ce que je me ferais un plaisir de…
— Mira ! L’interrompis-je en éclatant de rire.
— Qu’est-ce qui t’a pris d’accepter ? M’incendia-t-elle, visiblement énervée.
— T’as envie de prouver que c’est lui le Renifleur ou pas ? Tu ne crois pas que si on le débusque, ça pourrait nous valoir les faveurs des Anges Noirs ?
Même si j’en connaissais déjà un, ça me permettrait d’inclure mes amis dans le mouvement. Monsieur Rhânlam m’avait demandé de rester discret quant à son rôle, et je me devais de tenir ma promesse. Seulement, rien ne m’interdisait d’essayer de les impliquer.
Mirabella souffla.
— Tu as raison. Mais je ne le supporte pas, c’est plus fort que moi. Je vais garder un œil sur lui, voir s’il fait un faux pas. J’ai prévu de le suivre comme son ombre, dans les prochains jours.
— Bonne idée.
À ce moment-là, Célestin arriva et jeta un coup d’œil curieux aux affiches dans les bras de Mirabella.
— Qu’est-ce c’est ?
— Des affiches de prévention contre les MST, répondit-elle, un demi-sourire aux lèvres.
— Quoi ?
Les sourcils de Célestin étaient froncés. Je ne pus m’empêcher de rire. Puis, je lui racontais le bref échange que nous venions d’avoir.
— Tu nous tiendras au courant de tes découvertes, fit Célestin en haussant les épaules, peu convaincu.
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