Chapitre 21 ~ L'aile gauche (1/4)
*Alice*
Je me réveillai encore excitée de ma soirée avec Mattheus. Depuis notre moment tous les deux, je n’arrêtais pas de penser à lui. C’était étrange, parce que pendant plusieurs semaines, je lui en avais voulu de notre dispute. De son silence.
Cette soirée en sa compagnie… avait tout changé. J’avais l’impression qu’un lien s’était créé entre nous. Au-delà de l’attirance, de l’affection que l’on se porte, comme si un fil invisible nous reliait. Si je le sentais, il devait le sentir aussi. Non ?
Ahhhhhh ! Je me mis des claques mentales, essayant de penser à autre chose. Aller en cours. Oui, c’est ça que j’étais censée faire.
Reprends-toi Alice ! J’étais pathétique. Je courrai après un mec qui ne voudrait probablement pas de moi. L’autre soir, je lui avais proposé d’entrer dans ma chambre. Il avait décliné. Non. Un seul mot. Celui qui changeait tout.
Un soupir s’échappa d’entre mes lèvres. Je devais me dépêcher d’aller en cours avant d’être en retard.
J’avais parlé de toute cette histoire à Sophie. Pour elle, c’était sûr qu’il était intéressé par moi. Honnêtement, je ne savais pas quoi en penser. Parfois, il avait un comportement froid. Voir neutre. Comme s’il ne ressentait jamais rien, au fond.
Non, il a dit non. C’était clair. Je ne savais même pas pourquoi je me prenais la tête à ce sujet. Si vous m’aviez demandé il y a quelques semaines ce que je pensais des relations amoureuses, je vous aurais ri au nez. J’en avais assez des rendez-vous foireux, des questionnements sans fin, des doutes, des prises de tête… N’êtes-vous jamais arrivés à un moment de votre vie où vous avez envie de faire une pause ? De souffler ? De vous retrouver avec vous-même ? Eh bien, j’étais censée vouloir ça. Ma solitude. Mes livres. Mes amis. Mon enquête.
Mais quelle idée, bon sang ! Pourquoi je m’attachais à lui, aussi ? Ses yeux verts envoûtants. Sa bouche pulpeuse, attirante. Ses bras forts, solides, chauds. J’avais tellement envie de glisser mes mains contre son torse. Dans ses cheveux noirs. Mais tuez-moi, bordel ! J’étais obsédée par lui.
Je sortis mon Platphone et observai mes photos. Cherchant une photo que j’aurais pu prendre de lui. Je n’avais rien. Moon remplissait la majorité de mes clichés.
Moon, c’est mon chat. Enfin, c’était. Ce fut un chat errant que j’avais retrouvé dans une poubelle de la ville. Il était si petit que j’avais l’impression qu’il allait se casser entre mes mains. Je l’avais nourri au biberon et sauvé de la rue. Il m’avait accompagné une grosse partie de ma vie.
Sa bouille blanche toute mignonne. Il avait des poils noirs au niveau de la bouche, donnant l’impression qu’il portait une moustache. Trop chou ! Comme Mattheus…
Arrrghhhh ! Mattheus revenait sans cesse dans mon esprit comme un virus. Une putain de maladie qu’on appelait l’amour et qui vous arrachait le cœur.
Je m’apprêtais. Essayant d’être la plus jolie possible. Au cas où je le croisais… N’était-ce pas ridicule ? Tout ça pour un mec.
Mes clefs. Où avais-je foutu mes clefs ? Je fouillais un peu partout pour me rendre compte que je les avais dans les mains. Mon cerveau était tellement en vrac que toute action me demandait un effort surhumain. Je me mis enfin en chemin pour mon cours du matin.
— T’étais avec ton Mattounet ? me fit Sophie hilare, quand je la rejoignis.
— Regarde, elle est toute rouge ! Elle est amoureuse notre Pipoune, se moqua Jaya.
— Eh, arrêtez toutes les deux ! J’étais simplement en train de me préparer.
— On voit ça, t’as cru qu’on allait au cabaret ce matin ou bien ? Renchérit Sophie.
— Vu ses vêtements, on dirait plutôt qu’elle va à une soirée cocktail, avec pour thème « chic détendu », renchérit Jaya.
Je levai les yeux au ciel. Qu’elles pouvaient être connes ces deux-là.
— Et toi, Sophie, ça avance avec Célestin ? lui demanda Jaya.
Sophie lui lança un regard noir. Elle venait de mettre les pieds dans le plat. En même temps, la pauvre fille n’était pas au courant de toute l’histoire. Sophie avait eu le coup de foudre pour lui dès le premier jour. Je l’avais vu, sa manière de le regarder, d’être avec lui. Antoine aussi, d’ailleurs. Ils étaient tous les deux en compétition, sauf qu’Antoine avait plus de chance que Sophie.
Seulement, quelque chose ne collait pas dans tout ça. J’avais déjà vu Sophie amoureuse. Et là, c’était différent. Comme si elle était forcée de l’aimer. Comme un aimant, un champ magnétique qui l’attirait à lui indubitablement.
J’expliquai à Jaya ce qu’elle avait manqué.
— Il finira sûrement avec Antoine, dit-elle.
Sophie la fusilla du regard, jalouse. C’était compréhensif, mais encore une fois, quelque chose clochait. Ne semblait pas naturel. Enfin, qu’est-ce que j’y connaissais après tout. Ce n'était pas avec mes dernières relations foireuses que je pouvais dire quoi que ce soit.
— Ferme-la un peu, répondis-je en levant les yeux au ciel.
— Va bouffer une chatte, ça t’occupera la langue, grogna Sophie.
Jaya n’aimait pas les relations sérieuses. Elle sautait de meuf en meuf. Sans attache. On avait essayé de lui présenter des filles bien. Rien n’y faisait. Elle ne s’attachait jamais. Pire que ça, elle avait peur de l’engagement. Ça lui donnait des boutons, comme une allergie.
Rien ne pouvait l’atteindre. Elle prenait tout avec légèreté. C’était une force que j’admirais chez elle. Ne jamais rien prendre à cœur. Ne jamais être vexée, blessée. C’était une bénédiction comme une malédiction.
Peut-être que tout ça était dû à l’abandon de ses parents. La pauvre Jaya avait fui sa ville d’origine avec eux, à cause du climat changeant. Avant qu’ils ne la laissent dans un orphelinat. Elle ne s’en était jamais remise. Ses blessures venaient sûrement de là, ça serait normal.
C’était une fille touchante, drôle. Son histoire m’avait fait de la peine, si bien que j’avais versé une larme. Ce qui m’avait valu des semaines et des semaines de moqueries de sa part.
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