Chapitre 21 ~ L'aile gauche (2/4)
*Alice*
— Arrête de grogner, tigresse. Regarde-toi franchement ! Qui ne voudrait pas d’une fille aussi jolie ? lui fit Jaya.
— La beauté, ça ne fait pas tout dans une relation. Seule la beauté… commençai-je.
— Du cerveau, de l’intelligence… On sait, on sait ! me coupa Jaya. Tu radotes, mémère. Sauf qu’un cerveau, ça se lèche pas, je te signale.
— Parce que tu lèches des beaux visages ? Pouffais-je. T’étais une chienne dans une autre vie ou quoi ?
— Avoue que ton Matt là, tu lui lécherais bien ses belles lèvres pulpeuses.
Je frissonnai.
— T’es complètement barge, fis-je les joues en feu.
— Calmez vos ardeurs toutes les deux, se moqua Sophie. Vous êtes à deux doigts d’ouvrir une maison close.
— Pourquoi pas, répondit Jaya, si on interdit les mecs.
— Ça sera sans moi, disais-je.
— Ça, on avait bien compris qu’il y avait qu’un seul mec à qui tu ferais bien la totale !
Je soupirais.
— Tout ça pour dire que ton Célestin, c’est à la poubelle ! s’écria Jaya.
— Je sais bien, mais… J’sais pas. C’est comme s’il m’avait marquée, lui répondit Sophie.
— Comme du bétail ? T’es une vache, toi ?
— Non, marqué… Mon âme… C’est dur à expliquer. C’est un ressenti au fond de moi. Quand j’ai posé mes yeux sur ses grands yeux bleus, je me suis sentie comme… Glacée.
— Bleus ? Marron, tu veux dire ?
— Non, il a les yeux bleus, confirmai-je.
— Vous vous moquez de moi ?
— Non… ? T’as mal regardé, bigleuse ! se moqua Sophie. Pour l’avoir longuement observé, je peux t’assurer que ses yeux sont bleus. Un brun aux yeux bleus, tout ce que j’aime.
— Mais arrêtez par contre ! Il est blond, pas brun ! T’es sûr que tu l’as bien vu, ton Célestin ?
Jaya se moquait de nous ?
Mon Platphone vibra dans ma poche. Mon père. Je ne décrochais pas. La dernière fois que je l’avais eu en ligne, nous nous étions disputés à propos de ma mère. Depuis, je ne répondais plus à ses messages, ou à ses appels.
J’avais essayé de lui poser de nouvelles questions. Une de mes professeures m’avait dit que ma mère avait loupé des cours durant sa dernière année ici. Mon père s’était immédiatement énervé, me disant que je n’avais pas à fouiner comme ça sans raison. Selon lui, je devais laisser les vrais professionnels faire et me contenter de suivre mes cours. De penser à mon avenir. Seulement, je ne pouvais pas faire ça tant que mon passé n’aurait pas trouvé ses réponses.
Pourquoi ma mère aurait loupé ses dernières années de cours ici ? Surtout, que faisait-elle quand elle travaillait pour l’école ? Toute cette histoire était étrange. J’espérais avoir plus de réponses samedi soir.
Mon père avait fait écho aux paroles de Mattheus et m’avait dit que c’était dangereux. À croire qu’ils s’étaient mis d’accord pour me mettre des bâtons dans les roues.
— Dépêch’ Alice. Qu’est-ce que tu fous ?
Jaya me râlait dessus. C’est vrai que j’étais immobile au milieu de la cour alors que tous les élèves se dirigeaient en amphi.
— Ça va, j’arrive !
Les cours en ce moment… N’étaient que des heures dans lesquelles je pouvais penser à Mattheus. À son visage, sa bouche… Son corps chaud contre le mien.
Oui, je devais me calmer.
— Il nous fait chier avec son cours, lui.
Jaya n’aimait pas Monsieur Paidonkul. C’était compréhensible : il semblait s’endormir chaque fois qu’il ouvrait la bouche. Ces cours étaient mes préférés : je pouvais avoir le loisir de penser à autre chose.
Sophie était studieuse et essayait de noter le maximum de choses possible. Pour ne pas décevoir ses parents, disait-elle. Même à son âge, ils contrôlaient encore ses devoirs. C’était bizarre. Je lui avais dit, mais elle s’en moquait. C’était comme ça.
Je ne prenais jamais de note dans ce cours-là. La mollesse du professeur m’aidait à retenir à peu près ce qu’il racontait. L’essentiel, tout du moins.
La journée me parut interminable. Je n’avais qu’une hâte, être à demain pour chercher des réponses. Avec un peu de chance, Mattheus m’accompagnerait et j’en serais plus que ravie. Je n’avais pas eu de nouvelle de lui à ce sujet, je ne savais pas si ça tenait encore.
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