Chapitre 21 ~ L'aile gauche (4/5)

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*Alice*


Vêtue de ma robe pull noire, je remis en place le badge. Heureusement, mon habit avait des poches : j’y glissai mon Platphone — réglé sur « Ne pas déranger » — et mes clés.

J’étais prête. Un dernier regard dans le couloir, puis je fermai la porte derrière moi. Ce n’était pas encore le moment de me montrer vigilante, et pourtant, une légère tension me nouait le ventre. J’essayais d’adopter une démarche naturelle, banale, mais mon corps semblait engourdi, comme déconnecté. J’avais l’impression de ne plus savoir marcher.

— T’es déjà en route ? fit une voix.

Mattheus arriva à ma hauteur.

— Je te voyais pas arriver, répondis-je en haussant les épaules.

Il plissa ses sourcils.

— Il n’est que 18 heures 56.

— La prochaine fois, sois en avance.

Un sourire effleura ses lèvres. Il détailla ma tenue du regard.

— T’as pas oublié un truc ?

— Quoi ?

— Ta cagoule.

Je lui donnai un coup de coude et esquissant un sourire.

— Mieux vaut être prudent.

— On peut encore annuler… commença Mattheus, qui se tut en voyant mon regard strict.

Nous traversâmes la cour. Quelques étudiants traînaient sur les bancs, indifférents à notre passage. En atteignant l’aile gauche de l’université, je passai le badge que j’avais volé. Un instant, j’eus peur qu’il ne fonctionne pas. Puis, un déclic. Les portes s’ouvrirent.

Mattheus paraissait nerveux. Un sas nous accueillit, suivi de deux portes vitrées teintées. Un scanner nous balaya rapidement, et les portes s’ouvrirent dans un souffle.

— Ah oui, j’avais oublié ce scanner… marmonna Mattheus.

— On risque de se faire remarquer ? lui demandai-je, prenant conscience du risque.

Il haussa les épaules puis me fit signe de me taire.

Le contraste avec le reste de l’université était frappant. Les lieux semblaient d’un autre temps. Faiblement éclairés, les murs ornés de portraits d’inconnus, des fenêtres en enfilade et des moulures centenaires. L’ambiance, entre silence solennel et frisson d’interdit, me mettait les nerfs à vif.

Je me laissais guider par Mattheus qui rasait les murs, bougeant nerveusement la tête. Il savait où il allait et je lui faisais confiance.

Le silence régnait. Seuls nos pas résonnaient à notre passage. Les couloirs s’enchaînaient, sans jamais aboutir. J’eus la sensation d’errer dans un labyrinthe. Les minutes s’écoulèrent, et je finis par me demander s’il ne me menait pas en bateau.

— Si c’était pour te foutre de moi, tu aurais pu…

Je n’eus pas le temps de finir ma phrase. Mattheus me plaqua contre le mur, son bras gauche au-dessus de ma tête, sa main droite sur ma bouche. Son souffle chaud caressait ma joue, comme la douceur d’une plume.

Comme des bruits métalliques résonnaient dans le couloir, Mattheus resserra son étreinte. Son corps contre le mien. Son torse, son buste, ses jambes… Et son parfum m’enveloppait, m’enivrait. Mon cœur battait la chamade. De peur de se faire prendre, mais surtout à cause de sa proximité : ses bras fermes posés sur moi, sa chaleur.

Je fermais les yeux, essayant de retrouver une contenance. Mon corps s’embrasait. Les minutes étaient suspendues. Je voulais figer l’instant, pour tout conserver en mémoire. Mes mains picotaient, dans l’attente de trouver sa peau.

Seulement, Mattheus finit par se retirer, me libérant de ses bras.

— C’est ce que je voulais te montrer, chuchota-t-il.

D’un geste du bras, il désigna une porte massive gravée de symboles anciens. J’allais m’en approcher, mais il me retint.

— Regarde en silence.

Je hochais la tête, lui indiquant que j’avais compris. Je passai ma tête et la retirai rapidement. Des gardes étaient postés devant. Comment allait-on faire pour y accéder ?

Je réfléchissais déjà à un plan quand Mattheus leva les mains. Je suivis son regard : plusieurs hommes nous faisaient face. Casques gris mat, visière électronique, un œil gauche doté d’un scanner. Des images défilaient sur leurs masques.

Mattheus me fit signe de l’imiter. J’obéis sans comprendre. Mon acolyte avait arrêté de respirer. Il ferma les yeux. Je le vis murmurer, comme s’il priait.

À cet instant, j’étais plus que perdue. Qui étaient ces types ? Qu’allaient-ils nous faire ?

Ils avancèrent à notre rencontre de leurs pas métalliques, sourds. L’un des hommes fit un geste que je ne compris pas. Dans leurs mains, de longues armes, formant un tube. Jamais je n’avais vu ce genre de choses.

De près, je remarquai qu’ils étaient imposants. Je me sentais riquiqui à côté. Le visage de Mattheus pâlit, comme s’il allait faire un malaise à tout moment. Un de ses doigts jouait nerveusement avec sa bague. Mon regard se perdit sur les pierres noires. Elle semblait bouger, être en mouvement. Il y avait une sorte de voile qui jouait entre les pierres.

— Que faites-vous là ? lança l’un des hommes.

Mattheus me jeta un regard paniqué. Il déglutit difficilement.

— On… On cherchait Monsieur Rhânlam, finit par répondre Mattheus, essayant de parler le plus clairement possible.

Je me faisais petite. N’ayant rien à faire ici, je ne souhaitais surtout pas envenimer les choses. L’homme qui nous avait posé la question adressa un coup d’œil à l’un de ses collègues.

— On va vous scanner pour être sûr. Question de sécurité.

Mattheus ferma les yeux quelques instants. Quand il les rouvrit, il me lança un regard de chien battu. «Désolé » formait-il du bout des lèvres. Son regard s’attarda sur moi, l’air de dire adieu.

Il avançait d’un pas, se laissant attraper par l’homme, sans ménagement. La scène qui se jouait sous mes yeux était surréaliste. Quel était ce scan ? Que révélait-il ? J’étais toujours perdue, confuse. La situation m’échappait, mais je ne pouvais rien y faire. Simplement être spectatrice.

Une lumière laser pénétra son œil. Je plissais les yeux tant le halo était fort. Une grimace déforma ses traits. Ça dura une éternité. Des images bougeaient sur l’écran du type qui le sondait. Une vapeur noire finit par apparaître à droite de son masque.

Le type relâcha Mattheus sans délicatesse, déformant son t-shirt au passage.

Un silence de mort s'abattait. Mattheus retenait sa respiration, s’attendant sûrement à une sanction. Qu’allaient-ils faire ?

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