Chapitre 22 ~ Chute (3/6)
— Je te présente notre monde. Dans ces étagères, toutes les fioles des âmes y sont triées, rangées. Mais ce n’est pas ce qui nous intéresse.
— Ce badge me donne accès à tout. Viens.
Autour du cou de l’homme se trouvait un badge en or, comme je n’en avais jamais vu auparavant.
Je les suivais en silence, mes pas résonnant faiblement contre le sol froid de l’Âmularium. Autour de nous, des rangées d’étagères aux innombrables tiroirs s’étiraient à l’infini, comme figées dans le temps. L’atmosphère vibrait d’une étrange énergie.
Après plusieurs minutes de marche dans ce labyrinthe d’âmes, l’homme flou s’arrêta brusquement devant une étagère. Elle débordait d’âmes aux teintes jaunes – une couleur modifiée, bien différente de celles que j’avais l’habitude de manipuler en cours.
Un champ magnétique discret enveloppait la zone, pour empêcher toute tentative de téléportation.
Sans un mot, l’homme sortit un badge et le fit glisser dans une trappe dissimulée sous l’une des rangées. Un déclic se fit entendre.
La porte s’ouvrit sur une énorme pièce aux murs blancs. Le plafond dégageait une lumière diffuse, donnant l’illusion d’être à l’extérieur. Ici, il y avait également des fioles. Seulement, elles ne ressemblaient en rien à ce que j’avais eu l’occasion d’étudier jusqu’à présent. Je me demandai à quoi elle servait.
L’homme flou tendit sa main vers Chrys, l’invitant à le rejoindre.
— Bien. Nous allons pouvoir étudier les cas des tests ayant échoué.
Une nouvelle fois, le décor se fondit dans un tourbillon d’image, avant de me conduire sur un autre lieu.
— C’est dangereux, Chrys. Il faut que tu fuies tout ça !
Un homme différent se trouvait face à elle. Sa peau caramel, ses yeux noirs, sa bouche pulpeuse. Ses traits m’apparaissaient plus nets et présents que ceux de l’autre homme. Dans cette fiole, seul le visage de Chrys était complètement visible.
— C’est ma destinée. C’est comme ça que sont censés se passer les choses.
— Je sais, j’y suis passé, et regarde où j’en suis aujourd’hui ! pestait l’homme caramel. Obligé de fuir, de vivre comme un paria ! À cause de qui, à ton avis ?
— Je sais… Mais… Je ne peux pas m’arrêter en si bon chemin. Ils me forment, m’aident, pour que je réussisse.
— Tu es bien trop proche d’eux. Tu n’es plus objective parce que tu t’es attachée.
— Ce n’est pas ça. J’ai envie de voir où les choses vont me mener.
— Ça n’ira nulle part. Chrys, écoute-moi… supplia l’homme, en s’approchant d’elle.
Elle prit les mains de l’homme dans les siennes.
— Nos projets sont toujours d’actualité, mon cœur. C’est juste… Repoussé.
— Si tu le fais, tu seras marqué… Tu sais à quel point c’est dur d’enlever sa marque ? Tu dois te faire arracher, sans aller jusqu’au bout.
— Je sais.
Nouveau tourbillon.
Cette fois-ci, une pièce sombre se dressait devant moi, m’empêchant d’y voir quoi que ce soit.
— Chrys, tu es prête ?
La voix de l’homme flou me parvint. Je l’avais déjà entendu quelque part, mais où ?
En plissant les yeux, je distinguai Chrys, qui semblait nerveuse. Elle se rongeait la peau des doigts, secouant sa jambe comme un automatisme. Puis, une vapeur de fumée se répandit, faisant apparaître un autre homme aux traits flous. Comme le premier homme, j’eus l’impression de le connaître.
— Ça va ? demanda ce dernier.
— Ce n’est pas trop tôt, Mik. Tu étais où, bon sang ? grogna l’autre homme.
— Le Grand Conseil me retenait. Bon, vous en êtes où ? Ça va Chrys ?
— Pas terrible.
— Rappelle-toi ce que l’on a appris, ça ne devrait pas être très compliqué. Normalement, tu ne devrais pas avoir de questions pièges… Courage.
« Mik » serra Chrys dans ses bras. L’homme flou lui attrapa la main et l’accompagna dans une autre pièce.
— Ah, Chrys. Nous vous attendions. Prenez place.
— Bonne chance, l’encouragea Mik.
Chrys s’avança timidement, ses membres comme en apesanteur. Face à elle, trois hommes se tenaient en hauteur, derrière des pupitres en bois. Leurs visages étaient fermés, presque sévères. Chrys déglutit.
Une maigre chaise en métal gris l’attendait au milieu de la pièce, surplombée par une suspension de lumière vive, qui descendait à quelques millimètres de son visage.
Le silence régnait dans la salle, n’entendant que les pas caoutchouteux des baskets de Chrys. Pas une mouche ne venait rompre ce calme angoissant. Même sans ressentir ses émotions, je vivais la scène avec la même boule au ventre.
Une fois assise, l’un des hommes brisa le silence d’une voix dure :
— Bien, nous allons pouvoir commencer. Quelles sont pour vous…
Ce nouveau tourbillon me surprit, me secouant dans tous les sens. Le rythme de cette fiole était étrange. J’avais du mal à comprendre quel en était le sens.
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