Chapitre 24 ~ Sous les étoiles (2/3)

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— Je m’en rappelle pas… Enfin, pas tout à fait. Tout me paraît embrumé.

— De quoi tu te souviens ?

— Juste des types déguisés en Robocop… Et seulement le vide… Un noir complet…

— Je vois.

— Mais ce noir complet… C’était une espèce de brume noire. Je sais pas comment t’expliquer ça. C’est comme si j’avais été dans une sorte de brouillard, ou de fumée noire.

Je pris le temps de la réflexion. Je ne savais pas ce que ça pouvait être. Surtout, je ne m'expliquais toujours pas comment Alice avait pu réussir le passage du scan.

Avec délicatesse, je relevais son visage. Elle me laissa faire. Je plongeais mon regard dans le sien et essaya d’apercevoir le fameux voile, au fond de ses pupilles.

Gênée, Alice se détourna pour se concentrer sur la tablette, parcourant l’espace à son tour.

— Je vais bien Matt. T’as pas besoin de t’inquiéter. Mais merci de le faire.

Malgré la pénombre, je pouvais apercevoir le rouge de ses joues. Je ne pus m’empêcher de sourire.

— Tu étais déjà venu ici ? demandai-je pour changer de sujet.

— Oui. Je suis fan d’astronomie. Quand j’étais enfant, j’y passais presque tous mes week-ends. Je connais bien cet endroit ainsi que le directeur, c’est pour ça que j’ai pu réserver cette partie pour une heure. Je voulais te remonter le moral sans savoir que j’en aurais autant besoin également.

Un soupir s’échappa d’entre ses lèvres.

— Mon enquête patine, je n’arrive à rien. On s’est fait choper comme des bleus. J’étais persuadée que je pourrais enfin découvrir la vérité. Mais non.

— On trouvera un moyen, Alice.

— On ? Répéta-t-elle, relevant le visage vers moi.

Un sourire timide s’était tracé sur sa bouche, les yeux emplis d’espoir.

— Ça te surprend tant que ça ?

Elle haussa les épaules.

— Je pensais que tu voulais pas t’en mêler.

— Ça t’a donné cette impression quand je suis venue avec toi dans ton idée folle ? me moquais-je.

Elle me poussa gentiment, le sourire aux lèvres. Puis, son regard se tourna vers les étoiles.

— On a jamais parlé de tes études chez les bourgos… fit Alice, perdue dans la contemplation des étoiles.

Je ne répondis rien. Surprise par mon silence, Alice se tourna vers moi, les yeux remplis d’attente.

— Et ? finis-je par dire.

— Qu’est-ce que tu fais là-bas ? Chez les bourgos, j’veux dire. C’est marrant parce que plus je te connais, plus je me dis que t’as pas leur mentalité.

— J’étudie, répondis-je en haussant les épaules.

Alice fit une moue amusée, relâchant la pression dans ses épaules.

— Oui d’accord, mais tu étudies quoi ? Tu sais que moi, j'étudie la psychologie. Sauf que moi, je sais pas ce que toi, tu étudies.

— Et pourquoi ça t’intéresse maintenant ?

— Parce que j’ai envie de te connaître. Qu’est-ce qui t’intéresse ? Te motive ? Te passionne ?

— Rien que ça, ris-je.

— Allez ! S’écria-t-elle en me donnant un léger coup avec son bras droit, pour me pousser à parler.

Que pouvais-je lui raconter ? Ce n’était pas une question à laquelle j’avais réfléchi.

Ce qui était certain, c’est que je ne pouvais pas lui dire la vraie raison de ma présence dans cette université.

Qu’est-ce qu’un « bourgos » étudie ? Je n’en ai pas la moindre idée.

Bien que j’eusse déjà imaginé ce qu’une vie humaine aurait pu donner, je n’avais jamais réfléchi aux études que j’aurais pu faire. La Mort était mon domaine depuis toujours. Et, quelque part, nous faisions aussi de la psychologie.

Je ris intérieurement.

Que répondre ? Qu’est-ce qui se rapprocherait le plus de ce que je fais ?

— La… Science ?

Elle esquissa de nouveau un sourire amusé.

— C’est une question ?

— Non non… J’étudie la science.

— Mais c’est vaste ça ! La chimie ? La biologie ? L’astronomie ? Bref, y’a plein de domaines en science !

— Je fais de… L'analyse… Comportementale.

— Ah, tu veux devenir criminologue, c'est ça ? Je savais pas que ça se faisait ici. Après, c'est pas illogique, puisque tu bosserais avec moi !

— Comment ça ?

— Je veux devenir psychologue. Les criminologues travaillent avec nous pour étudier les comportements et les profils. Tu savais pas ?

— Si, j’avais pas fait le lien, c’est tout.

— Ça te plaît ? demanda-t-elle.

— Oui.

— J’sais pas, tu parais hésitant.

Je détournais le regard, ne souhaitant pas poursuivre cet échange. À la place, je concentrais mon attention sur les étoiles. Je sentais le regard d’Alice glisser sur moi. Malgré tout, je restai silencieux. Si nous poursuivions, je devrai mentir. Dans la mesure du possible, je souhaitai être honnête avec elle. Sincère. Bien que je susse que ce n’était pas entièrement possible. Un morceau de moi devrait toujours être cachée.

Mais tout le monde avait un jardin secret, n’est-ce pas ?

Comme elle continuait de m’observer, je lançai spontanément :

— C’est vraiment étrange ce que nous procurent les étoiles.

— Hein ?

— La première fois qu’on les voit, on est fasciné par ce spectacle. On a les yeux qui brillent, on se sent heureux. C’est un spectacle si beau. On est ému, on les regarde le plus possible pour les garder en mémoire. On se rend pas compte de la chance qu’on a de pouvoir les contempler. C’est quand elles disparaissent, qu’on sait qu’on ne les verra plus jamais, qu’on se rend compte que ça nous manque.

Elle m’écoutait attentivement, ses sourcils légèrement froncés pour marquer sa confusion.

— De les revoir une seconde fois… C’est comme une étincelle qui jaillit dans notre cœur. On a le souffle coupé. On se dit que c’est pas possible de voir un si beau spectacle. La nature est tellement bien faite, tellement précieuse. On se rend encore plus compte de ça. Je me sens… Heureux, de les voir.

En me tournant vers elle, j’aperçus le reflet des étoiles dans ses yeux. Sa bouche s’était légèrement ouverte, toujours confuse. Sa chaleur, son odeur… Ce tableau était parfait. Ces moments passés avec elle étaient merveilleux.

— Je pense que tu es une étoile Alice. Parce que tu me fais le même effet qu’une seconde nuit étoilée.

Les yeux d’Alice formèrent des soucoupes. Son corps s'était figé. Son regard brillait. Elle mordilla sa joue intérieure, comme elle le faisait quand elle réfléchissait. Puis elle réduisit la distance entre nous. Sa vapeur parfumée tournait autour de moi, chatouillant mes narines. J’eus envie d’être encore plus proche d’elle. De la prendre dans mes bras, de caresser son cou, son dos. Tout ce qu’elle m’évoquait était tendre.

D’un geste presque timide, je glissai mes doigts sur ses joues. Sa peau était douce, comme je l’avais imaginé. Ses yeux étaient tellement attirants que je m’y perdis. Je dégageais une mèche de cheveux rebelle.

Alice caressa mon cou, puis descendit sa main pour venir la poser contre mon torse. Cette proximité me fit frissonner. Le temps s’était suspendu, perdu dans la contemplation l’un de l’autre. Plus rien n’existait à part nous.

Du bout du pouce, je survolai sa lèvre inférieure. Son regard était brûlant, interdit. Nos respirations étaient courtes, tous les deux avides de l’autre. Dans le creux de mon ventre naquit un besoin de sentir sa bouche contre la mienne. Comme si, sans cela, je ne serais pas entier. Pourtant, une part de moi doutait encore. Est-ce que c’était une bonne chose ? N’étais-je pas égoïste ? Si je la laissais m’aimer, elle souffrirait énormément, entre la perte de ses amis et de ma disparition…

Mon corps avança doucement, se collant contre le sien. Je crois qu’à ce moment, je ne maîtrisais plus rien. Mes sens étaient guidés par mon cœur, non plus par mon cerveau. Ma tête était proche de la sienne, je sentais son souffle contre ma peau.

Nos bouches n’étaient qu’à quelques milimètres l’une de l’autre…

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