Chapitre 27 ~ L'anniversaire (1/3)

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L’anniversaire de Melvin allait débuter dans quelques minutes et je n’avais toujours rien trouvé à me mettre. Hier, il nous avait communiqué le thème de la soirée : « Porte ce qui te terrifie le plus. ». Honnêtement, je n’avais aucune idée de costume. La seule chose qui me terrifiait vraiment ne se portait pas sur le dos.

Alors, je parcourus une nouvelle fois mon dressing, comme si un habit allait apparaître avec évidence. J’aurais pu louer un déguisement, comme nous l’avions fait en début d’année. Mais je n’avais pas eu le temps de le faire. Finalement, je finis par en sortir un costume cravate, que j’avais porté lors de la cérémonie de mon père. Après tout, quoi de plus terrifiant que ces humains passant la majorité de leur vie dans un bureau, à répéter les mêmes tâches, attendant la libération par la mort ? Et comme ils jouissaient d’une pseudo-immortalité, il était piégé dans un éternel cycle de travail. La retraite avait été supprimée en 2135, jugeant qu’elle était inutile puisqu’ils n’avaient plus de dates de mort.

Tandis que je l’enfilais, je repensais à Mirabella, à qui nous avions offert son cadeau plus tôt dans la journée. Célestin et moi avions choisi un pendentif en or blanc prolongé par une pierre en quartz de la même couleur. Je revoyais son sourire reconnaissant, ses yeux pétillants d’amour sincère. Un sourire se dessina sur mes lèvres à cette pensée.

Quoi qu’il puisse arriver sur cette Terre, j’aurai toujours mes amis à mes côtés. Quelque part, ça me mettait du baume au cœur.

Quand je fus prêt, je me dirigeai dans l’aile B, pour rejoindre Alice à l’heure prévue. Mes mains étaient moites. Le stress coulait dans mes veines comme un poison, sachant que je devrais mettre fin à notre amitié. Ce soir était notre dernier soir.

Une fois que j’eus toqué, Alice ouvrit presque immédiatement, le sourire aux lèvres. Son déguisement déclencha mon hilarité. Bien qu’elle eût fait plus d’efforts que moi. Ses cheveux étaient d’un bleu fluorescent, presque irréel. C’était une perruque, qui brillait d’un éclat plastique sous la lumière. Son visage était teinté en gris pâle, lui donnant une allure malade, fatiguée. Un chapeau pointu noir était mal posé sur sa tête. Sa robe noire moulait parfaitement sa silhouette, accentuant sa poitrine, tandis qu’elle tenait un chaudron dans une main et un balai dans l’autre.

— Tu es merveilleuse, lui fis-je d’une voix amusée.

— Merci.

Elle me fit une révérence exagérée avant de me détailler de la tête aux pieds.

— Et toi… t’es censé être quoi, au juste ? Un banquier ?

— Quoi ?

Je fis semblant de m’indigner, portant une main sur ma poitrine.

— Tu trouves pas ça terrifiant, les hommes en costard ?

— Pas vraiment, non.

— Alors on peut dire que je suis déguisé en humain immortel travaillant encore et encore, sans jamais m’arrêter. Allant tous les jours dans le même bureau, avec les mêmes têtes de con, tout ça pour me payer un médicament qui me donne du temps dont je ne disposerai jamais.

Alice feinta un frisson.

— En effet, terrifiant.

— Tu vois.

Puis, Alice me désigna son chaudron, et reprit d’une voix déformée :

— Voulez-vous que je vous concocte une potion pour rendre votre vie plus intéressante, cher monsieur ? Je suis une gentille sorcière, ne vous inquiétez pas. Ma potion rendra tous vos rêves possibles, et vous remplira de joie pour le reste de votre existence. N’est-ce pas formidable ?

Elle bascula sa tête en arrière et simula un rire « Hinhinhin ».

— Si une potion comme ça pouvait exister, je la prendrais sans hésiter.

Elle haussa les épaules, son sourire toujours fixé sur ses lèvres délicates, puis attrapa mon bras. Son regard glissa sur moi sans qu’elle dise un mot.

La fête se déroulait au même endroit que la soirée costumée du début d’année. Les voix s’élevaient dans les couloirs à mesure qu’on avançait. De la musique était déjà diffusée et résonnait contre les murs.

En arrivant, je devais admettre que je fus surpris : la décoration avait été réalisée brillamment, avec goût. Alice siffla entre ses dents, détaillant la salle d’un même mouvement que moi.

Des fausses pierres tombales étaient disposées de part et d’autre de la pièce. De la fumée grisâtre s’en échappait. Celle-ci camouflait le sol, donnant un air mystique à la salle. La lumière était tamisée. Des toiles d’araignées décoraient le bar sur la droite. Sur la gauche, une grande table était affublée d’une nappe noire. Des grands saladiers étaient posés dessus avec des couleurs diverses et variées. La nourriture était transformée en morceaux de doigt, de main… Des personnes déguisées étaient déjà en train de s’attaquer au buffet.

Brendelia occupait le bar. Elle portait une perruque noire. Ses cheveux lisses descendaient tellement bas que je n’en voyais pas la fin derrière le comptoir. Une capuche rouge et noire était disposée sur son crâne, se transformant ensuite en une robe rouge.

— Tu veux boire quelque chose ? me proposa Alice.

— Pourquoi pas.

En arrivant au comptoir, j’aperçus Melvin s’approcher de nous. Ses cheveux avaient été teints en noir avec une bombe en spray. L’odeur qui s’en dégageait ressemblait à de la peinture. Il portait une cape noire qui finissait en robe. Dans une de ses mains, il tenait une faux. Quand je croisai son regard, je ne pus m’empêcher de lui faire une moue amusée.

— Très original, lui lançai-je.

— Et toi… Laisse-moi deviner… Tu es un professeur en colère ?

Je laissais échapper un rire.

— C’est un banquier, lança Alice, observant la salle avec enthousiasme. Franchement, ta déco est superbe. Joyeux anniversaire à toi, au passage.

Melvin prit sa main dans la sienne et lui fit un baisemain.

— Merci, ma sorcière bien-aimée.

Alice fit semblant d’être flattée puis gloussa. Je lui souhaitais également un joyeux anniversaire. Après tout, j’étais content d’enterrer la hache de guerre. Maintenant qu’on faisait partie de la même équipe, je n’avais pas de raison de douter de lui.

— T’as fait ça tout seul ? lui demanda Alice.

— Oui. J’y ai passé l’aprem.

Alice lui fit une moue approbatrice, impressionnée. Tournant la tête, j’aperçus Célestin et Mirabella. Cette dernière nous fixait les yeux plissés. Je leur fis signe. Quand ils arrivèrent vers nous, je constatai que Mirabella avait le même genre de costume qu’Alice : c’était une sorcière. La différence entre les deux jeunes femmes était que Mirabella n’avait pas mis de perruque, mais simplement ondulé ses cheveux. Son teint était blanchâtre, plus accentué que d’ordinaire.

Célestin était… Bonne question. Il portait une robe grise, des lentilles de contact grises, un chapeau en forme de nuage et des sortes de gouttes en coton parsemées sur sa robe.

Mes amis souhaitèrent un bon anniversaire à Melvin, qui se contenta de leur dire merci. Je ne savais pas s’il avait souhaité celui de Mirabella ou s’il s’en fichait éperdument. Il l’observait du coin de l’œil avant de se tourner vers elle.

— Tu t’es pas déguisée, Bella ?

Mirabella fronça les sourcils, tandis que Melvin lui adressait son habituelle moue amusée. Elle le jaugea quelques instants avant de serrer la mâchoire et de lui répondre :

— Ne m’appelle pas comme ça.

— C’est vrai que je devrais t’appeler par ton titre de sorcière, Miraffreuse.

Elle serra les poings, semblant être plus en colère qu’à l’ordinaire. Ses narines se dilataient, comme un taureau prêt à charger.

— Tu as bien fait de te déguiser comme la mort, tu es pourri jusqu’à la moelle ! Avec ton odeur de décomposition là.

Puis, elle reprit avec calme.

— Ouais, ça te va comme un gant.

Je l’observais sans un mot. J’eus l’impression que c’était plus tendu entre eux qu’à l’ordinaire. Tout du moins, Mirabella semblait prendre plus à cœur les remarques de Melvin. Ce dernier se contentait de rire, prenant une gorgée de sa boisson. Puis, ses yeux glissèrent sur elle, un sourire satisfait aux lèvres.

— Dans ce cas, Bella, je devrais te prendre dans mes bras pour répandre mon odeur merveilleuse sur ton costume.

Elle grimaça à l’entente du surnom, mais ne réagit pas. Il s’avança jusqu’à ce que seule une respiration les sépare.

— T’approche pas ! cracha-t-elle entre ses dents.

Mirabella lui tourna le dos et s’installa un peu plus loin au niveau du comptoir, derrière Alice. Elle se pencha en avant, commanda un verre. Son regard hostile glissa sur Melvin un instant. Son visage était fermé. Melvin, lui, haussa les épaules avec indifférence avant de s’accouder contre le bar. Il m’observa avec un léger sourire. Puis, son regard se posa sur Célestin. J’en fis de même.

— T’es censé être quoi ? lui demandai-je, n’y tenant plus pour poser la question.

— Le mauvais temps, répondit-il en haussant les épaules. J’aime pas la pluie.

Je haussai les sourcils. À mes côtés, je sentais Melvin remuer. Il secouait une boisson dans un shaker. Je reconnaissais cet objet parce que Mirabella avait utilisé le même pour préparer les cocktails à la soirée dans la bibliothèque.

Quand il eut terminé, il versa un liquide rouge dans cinq coupes. Il se pencha par-dessus le bar et récupéra un seau rempli de glaçons en forme d’œil. Il en versa un dans chacun des verres. Nous nous empressâmes de goûter la mixture qui était étonnamment bonne. Melvin aussi savait faire de délicieux cocktails. Comme Mirabella. Ils avaient pas mal de points communs, c’était à se demander pourquoi ils ne s’entendaient pas, finalement.

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