Sujet 1.01
La sonnerie me vrille les tympans. Il faut vraiment que je prenne le temps de m’occuper du volume de ce satané appareil. Je prends l’oreillette téléphonique entre mes doigts et le cale correctement dans mon oreille.
- Allo ?
- Bonjour, Monsieur Azer ?
La voix de mon interlocuteur semble anxieuse, voire paniquée. La seule chose que je pourrais dire, c’est qu’il s’agit d’un homme. J'ai un mauvais pressentiment.
- Oui, c’est bien moi. Qui êtes-vous ?
- Je suis le docteur Rustblinder. Vous souvenez-vous de moi ? C’est moi qui me suis occupé de votre clone monsieur.
- Bien sûr que je me souviens de vous ! Alors, comment se tient mon clone ?
- Monsieur, je voulais d’abord vous remercier de votre confiance. Et également vous remercier pour avoir accepté d’être le premier sujet à accepter l’expérience du clonage.
Il fait une pause. Mon instinct me dit qu’il n’a pas fini, surtout qu’il n’a pas répondu à ma question.
- Monsieur, le sujet 1.01 s’est enfuit… Nous avons effectué un test il y a quatre jours pour savoir si tout fonctionnait normalement. Il disait qu'il voulait une autre vie, qu'il ne voulait pas être juste un clone, qu'il était vous. Il a su accéder à nos dossiers dont le vôtre... Il connaît votre adresse.
La voix du docteur est tremblante. Cette histoire ne me plaît pas beaucoup. J'aimerai lui dire quelque chose mais il reprend.
- Monsieur... Il a échappé à notre garde, et nos caméras de surveillance. Le centre est sans dessus dessous. Au vu de ses réponses lors de son dernier test, il y a de fortes chances qu'il sn prenne à vous.
Je sens un frisson parcourir mon dos, mes muscles se contracter.
- Quoi ? Mais... Si je sors de chez moi, il ne peut pas savoir où je suis si je m’en vais. Il ne me trouvera pas.
- Monsieur, de récentes études ont montré qu’il est possible que les clones aient une sorte de connexion avec le sujet graine. Si vous partez, vous ne vous exposez que plus au danger, il est possible qu’il sache où vous irez, qu’il accède à votre esprit et vos pensées.
Je réalise soudainement la gravité de la situation avec un clone dont les réactions sont semblables aux miennes. Une nausée me prend subitement, j’ai l’impression que la gravité m’attire vers le sol avec plus de puissance. Un sentiment de fureur et de terreur m’envahit.
- Je vous ai fait confiance, et maintenant, ma vie est en danger parce que vous n’êtes pas foutue de surveiller un stupide clone !
- Monsieur, sachez que nous en sommes profondément navrés. Veuillez m’indiquer votre tenue, ça pourrait nous être utile pour ne pas confondre, pour votre sécurité.
Mes poings se serrent. Je prends cependant le temps de répondre.
- Cravate bleue, chemise blanche, pantalon noir.
Je retire l’oreillette et coupe la communication. Bon sang… Je regarde autour de moi, anxieux et tremblant. Mon cœur refuse de se calmer et semble même accélérer. Un signe qu’il approche ? Je fixe les portes, les fenêtres, je ne vois rien. Ma maison semble étrangement silencieuse. A moins qu’elle ait toujours été ainsi. Pour la première fois de ma vie, je ne sais pas quoi faire. Comment appréhender un ennemi qui est… moi ? Quelqu’un qui peut accéder à vos pensées ? Je tente tant bien que mal de vider mon esprit, au moins quelques minutes, il faut que je me concentre. Le regard dans le vide, je sens des larmes se former dans le creux de mes yeux. Mon cœur bat désormais si fort que je peux le sentir cogner contre ma cage thoracique. Puis un son. Quelqu’un toque à la porte. Quatre coups, comme je le fais moi-même habituellement. Mon regard se dirige doucement vers ma porte d’entrée. Elle est à un mètre de moi. Mon corps refuse de bouger, de réagir. Seules mes lèvres peuvent effectuer un mouvement à mon grand soulagement. Je contacte la police.
- Bonjour, police nationale, quelle est votre urgence ?
J’essaie de reprendre le contrôle de mon corps, de ranger les pensées de mon esprit. Ne pas se précipiter, ne pas paniquer.
- Bonjour, je suis monsieur Azer. Je crois que je suis en danger et j’aurai besoin d’aide ici s’il vous plaît.
- Très bien monsieur qu’est-ce qui se passe exactement ? Quelle est votre adresse ?
- J’habite au premier, rue Andropé à MegaCor.
Il ne sert à rien d’expliquer qu’un clone me veut du mal. Je ne voudrais pas que l’on me prenne pour un fou. L’adresse est largement suffisante.
- Très bien monsieur, nous vous envoyons deux personnes. Ils seront là d’ici une quinzaine de minutes.
Merde… Quinze longues minutes.
- Très bien, merci.
- A tout de suite Mo…
Je coupe la connexion. Mon regard reste figé sur la porte. Je ne l’ai pas quitté des yeux depuis tout à l’heure. Quatre coups. Encore. Il doit connaître ma maison tout aussi bien que moi s'il peut vraiment accéder à mes pensées. Tout cela ne m’inquiéterait pas s’il était incapable d’entrer. Quatre coups. J’ai l’impression que mon cœur s’arrête. Je me souviens avoir été si fier lorsque j’ai fait changer la serrure. J’étais si fier de pouvoir m’offrir cette autre nouvelle technologie. Il se joue de moi. Il s’amuse à me faire peur. Quelle foutue idée de remplacer la serrure classique par un détecteur d’empreinte !
La maison est isolée. Je ne pensais pas qu’elle serait si loin de tout. Et encore moins qu’un homme important comme monsieur Azer y vivrait. Je l’imaginais plutôt vivre en centre-ville, dans un immeuble immense comme tous les richards. La patronne nous a donné très peu d’informations sur la raison de son appel. Normalement, on ne se serait pas rendu sur les lieux sans plus d’info, mais les bourges ont des avantages. Le moindre appel de leur part justifie qu’on se précipite chez eux le plus vite possible. Mon collègue gare la voiture dans la cours. La porte d’entrée est grande ouverte. Je m’approche, la main sur mon arme. J’entre après Malu, lui et moi échangeons un regard. Les lieux sont saccagés, le canapé renversé, des bris de verres sont éparpillés sur le sol. Les couleurs sont très claires, mais de multiples taches sombres attirent mon attention. Du sang. Je tiens fermement mon arme. Je sens que mon collègue se tend. La maison est silencieuse. Quoi qu’il se soit passé ici, ça s’est sûrement finis de manière tragique.
- Créa… Viens voir.
Je rejoins mon collège qui s’est posté devant les escaliers. Les traces de sang continuent par-là. Je passe devant, suivis par Malu. Mes muscles se tendent autour de mon arme. Je suis prête à dégainer et tirer à tout moment. Du sang sur les marches, les murs, un vrai carnage. A l’étage, un long couloir se présente à moi. Les traces vont jusqu’à la première porte de gauche. Je m’avance prudemment en faisant signe à mon collègue qu’on est sûrement proche du coupable. J’arrive au seuil de la porte, ouverte elle aussi. La première chose que je remarque est le corps, inanimé sur le sol, un couteau enfoncé profondément dans la poitrine. Je lève les yeux vers l’homme qui se trouve juste à côté du corps. Son regard passe du cadavre à moi-même et mon collègue. Ses mains et ses vêtements sont tâchés de sang. Et je n’aurai jamais cru dire ça face à une scène si barbare, mais ce n’est pas ce qui me choque le plus. L’homme que je regarde est similaire à celui qui est inanimé au sol. A la différence qu’il n'a pas de couteau dans la poitrine. Même cheveux, mêmes yeux, même corpulence. Ils sont tous les deux habillés d’une chemise blanche, une cravate bleue, et un pantalon noir.
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