Derrière le masque

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 Ce soir, c’est le grand soir. J’entre dans le grand hall, la tête haute, une rose jaune entre mes doigts. Le fait que chaque personne ici soit masquée complique déjà mes recherches, il fallait en plus de ça qu’il y ait un monde fou dans la plus grande pièce du château. C’était prévisible, ce bal a toujours eu beaucoup de succès. Chaque année, quelques personnes s’incrustent ici sans que les gardes ne le sachent. Les déguisements aident évidemment beaucoup à cela. Je m’avance difficilement entre les invités, regardant de tous côtés, à chaque recoin de la salle pour être sûre de le trouver. Je sens soudain une main attraper mon bras et m’extirper un peu à l’écart de la foule. Un léger cri de surprise s’échappe d’entre mes lèvres.

- Je vous ai enfin trouvé.

 Je reconnais cette voix. Il porte un masque vénitien, d’une couleur bleu nuit. De grands turbans de la même couleur avec des rayures dorés encadrent sa mâchoire carrée, et donnent presque l’impression d’une couronne de tissu. Je peux apercevoir deux cornes, de part et d’autre de la tête derrière ce rassemblement d’étoffe. Le masque ne cache que la partie supérieure du visage de l’homme en face de moi. Sur le coin de ses lèvres coule un fin filet de liquide rouge, comme du sang. Je me perds dans ses yeux d’un noir profond et sens mes jambes défaillir, mais je reprends le contrôle de mon corps. Il faut dire que mon corset m’aide également à tenir debout. Il m’est impossible de m’affaisser avec cette tenue qui me maintient aussi droite que la lame d’une épée. Les couleurs de son costume sont assorties avec celles de son masque. Cela ne fait que quelques minutes que je suis ici, et je me sens pourtant déjà étouffer ici.

- Heureux de vous voir Camilla. dit l’homme avant de prendre ma main pour y déposer un baiser.

 Lorsque ses lèvres touchent ma peau, je sens mon corps entier frissonner. Je m’éclaircis la voix avant de prendre la parole.

- Heureuse également de vous voir Éric.

- Mon costume vous plaît ? Je l’ai choisi pour vous ! Vous m’aviez dit aimer particulièrement le conte de La Belle la Bête.

 Je souris et hoche doucement la tête. Je me souviens alors subitement de la fleur que je tiens entre mes mains et la lui tends.

- Voici un présent pour vous. Veuillez m’excuser, je n’ai pas trouvé de rose doré, vous devrez vous contenter de sa couleur jaune.

 Il semble confus, mais se met à rire en prenant délicatement la fleur. Il s’attarde expressément sur ma main avant de la prendre et la porter à son nez pour en sentir le doux parfum sans me lâcher du regard.

- Elle est magnifique. me déclare-t-il avant de coincer la tige dans sa poche.

 On ne voit désormais que les pétales de la rose ressortir de son costume. Il reprend.

- Je m’excuse, j’étais si impatient de vous voir que je me suis rendue ici aussi vite que possible en omettant de vous apporter un quelconque présent.

- Être à vos côtés me suffit.

 Il sourit, et je crois même qu’il rougit légèrement. Il tourne son regard vers le centre de la salle où de nombreux couples valsent. Il me tend sa main en faisant une révérence. Il n’y a pas besoin de mots pour comprendre qu’il m’invite à danser. Me retrouver au plein milieu de la foule n’était pas ce que j’avais prévu pour ce soir, mais je prends sur moi. J’attrape délicatement sa main pendant qu’il m’entraîne avec grâce sur la piste de danse.

 Les gens s’écartent doucement à notre passage afin de nous laisser de la place. Les regards se tournent petit à petit vers nous. Il faut dire que même avec un costume, Éric ne laisse personne indifférent. Il m’étreint contre lui, une main sur mes hanches, l’autre serrant mes doigts. Nous nous élançons au milieu de tout ce monde. Il s’approche pour me chuchoter à l’oreille :

- Votre costume vous plaît-il ? J’ai pensé que cette robe vous irez parfaitement.

 Il éloigne son visage de mon cou pour me regarder de haut en bas.

- Je ne vous cache pas que je vous trouve personnellement ravissante dans celle-ci.

Je souris brièvement suite à sa remarque.

- Je la trouve charmante.

 Il tend son bras pour m’élancer sur la piste et je fais de même. Il m’attire ensuite de nouveau à lui tout en me faisant tournoyer sur moi-même. Lorsque sa main gauche touche à nouveau mes hanches, il l’attrape d’une main ferme et chaleureuse. Ce geste me déstabilise, mais je reste impassible de façade.

- Je vous rappelle que je ne suis qu’une domestique du château… Ce n’est pas une simple robe et un masque qui feront de moi une princesse ou une dame de haut rang. lance-je.

 Il s’arrête presque de valser pendant quelques secondes à peine, me regardant tristement.

- Camilla, ce n’est pas votre richesse ou votre famille qui font votre valeur. Sachez que pour moi, vous êtes une reine.

 Je crois que je suis bientôt à mes limites. Qu’il m’embrasse et vite. Je m’approche à mon tour de son oreille pour lui murmurer :

- Et si nous montions dans votre chambre pour un peu plus… d’intimité ?

 Un sourire coquin étire immédiatement ses lèvres. Il essaie de le cacher, mais je l’ai bel et bien vu. De plus, on ne peut pas faire une peau plus rouge que celle de son visage en ce moment. Il se racle la gorge et m’emmène en dehors de la piste de danse. Quelques curieux nous suivent du regard, mais nous n’y prêtons aucune intention. Nous mettons les escaliers qui nous mènent à sa chambre. Une fois à l’intérieur, Éric ferme à clé avant de poser l’objet sur son bureau. Il sourit ensuite malicieusement avant de s’avancer doucement vers moi. Rien que de le voir, j’en ai presque le souffle coupé. Je recule jusqu’à ce que mes jambes atteignent le rebord du lit. Lorsqu’Éric arrive à ma hauteur, il attrape mes hanches avec la même fermeté que sur la piste de danse. Il laisse ensuite courir ses doigts le long de mon bassin et approche ses lèvres de mon cou. Sa bouche charnue dépose de doux baisers de mes épaules jusqu’à ma joue. Ses doigts remontent le long de mes hanches et je devine aisément que la destination de ses mains se trouve plus haut. Embrasse-moi… Embrasse-moi… Cette phrase tourne en boucle dans ma tête, mais il aime avoir le contrôle. Je résiste et attends qu’il prenne l’initiative. Après d’interminables secondes, il attrape sensuellement mon menton avant de plonger son regard dans le mien. Il s’approche doucement et ses lèvres viennent enfin rencontrer les miennes. Il les dévore avec avidité et après quelques minutes, il se sépare de moi, reprenant son souffle.

- Du champagne ?

 Je ris doucement.

- Oh, tu veux dire le champagne sur les lèvres ? Je savais que ça te plairait.

 Il rit à son tour et s’approche à nouveau de moi. Il s’arrête brusquement juste avant de me toucher à nouveau.

 Eh bien, on peut dire que c’est rapide ! Sa main se porte à sa poitrine, ses doigts se crispent. Il ne met pas longtemps à s’effondrer au sol. Les muscles entiers de son corps se contractent, son masque tombe juste à côté de son visage. Je ne pourrais dire si le sang qui s’écoule le long de son menton est du véritable sang ou non. Il me regarde, terrorisé. Je m’accroupis et retire la rose jaune de sa poche.

- Quel dommage Éric… Profiter de ces soirées que je déteste pour vous trouver une amante. Une domestique du château en plus. « Sachez que pour moi, vous êtes une reine », ironique sachant que votre fiancée est une véritable future reine.

 J’arrache les pétales de rose, les laissant tomber sur son corps. Ses yeux m’inspiraient presque de la pitié.

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