18 février, Florence.

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Après une longue journée à crapahuter dans les rues et musées de Florence, nous décidons de nous installer dans une Pizzeria paraît-il excellente, près du Palais Pitti. Premiers arrivés, premiers servis : nous commandons deux caprese que nous réglons dans la foulée, sans les avoir goûtées. Nous serons le numéro 66, numéro hurlé deux minutes plus tard par le pizzaiolo. Dociles, nous allons chercher la pitance au comptoir. Semblable aux pizzas, la musique est de mauvais goût, mélasse chantée par une starlette américaine qui twerk au-dessus de la cheminée, dans l’immense écran plasma fixé au mur. Nous ne sommes pas plus chanceux avec le chianti, servi de surcroît dans un verre en plastique. Bisphénol A la folie. Les couverts sont en plastique itou, tandis que les assiettes sont en carton. Tout cela finira plus tard dans une grande poubelle, sans souci du tri sélectif – je l’ai vérifié en partant. Rapidement, nous devons partager notre table, et finissons agglutinés contre le mur, accompagnés de quatre Américains voraces. Le gérant fait tourner la boutique ; et bientôt, la salle est remplie de touristes – aucun italien, mauvais signe. Le restaurant s’enorgueillit d’avoir obtenu un certificat d’excellence sur TripAdvisor. Quasiment cinq étoiles. Du coup, les touristes accourent ventre à terre, nous compris. Deux filles en surpoids ont commandé la spécialité de la maison : des pizzas en forme de cœur. Parées de leur plus beau duckface, elles se prennent en photos avec en arrière-plan leur assiette cordiforme. Les voilà bientôt dégoulinant leur bonheur sur les réseaux sociaux. A la table d’en face, on a choisi d’être efficace : on plie en deux la part de pizza, et on bourre autant que possible. Si du fromage est tombé sur la table, on ramasse. Si de l’huile dégouline sur les doigts, on lèche. Trente minutes plus tard, tout sera dégueulassé de plastique, de carton, de pizzas non finies, déchets d’une jeunesse occidentale excessivement vilaine. Empoisonnée par sa vulgarité, cette civilisation-là mérite le lent suicide auquel elle est en train de se pousser.

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