2 mars.

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Drame au moment du déjeuner : il n’y a plus de pain au levain. Guido n’avait pas prévu notre présence ; aucune importance, il veut justement nous montrer comment faire du bon pain.

Première leçon : le pain de Guido est vivant. Pourquoi ? Parce qu’il est au levain. Pour éviter de passer pour un sot, je sors discrètement mon téléphone afin de chercher la définition du levain : « Morceau de pâte en cours de fermentation incorporé à la pâte en cours de pétrissage pour en provoquer la levée par dégagement de gaz carbonique. » C’est précis, mais cela ne me dit pas pourquoi cette incorporation rendrait le pain vivant. Imitant Guido, j’étire et je replie la pâte sur elle-même, et je cherche à chaque fois une trace de vie dans les recoins, mais rien, pas l’ombre d’un renard ou d’une poule. Je pousse un peu plus loin mes recherches, et tout s’éclaire par la grâce d’internet : au cours de la fermentation de la pâte-mère, une culture de bactéries lactiques et de levures se développe, et cela finit par donner du levain. Je pousse un aaah, Marie veut savoir, et je réponds que les humains lèvent le pain depuis six mille ans grâce au levain.

Deuxième leçon : plus la main du pétrisseur est large, plus le pétrissage est facile. Celle de Guido fait deux fois la mienne, et ce n’est pas juste. Cela n’empêche pas Marie de faire de jolies boules. Mais ce qu’elle aime par-dessus tout, c’est de fariner ses mains pour travailler la pâte, ça lui donne l’impression de s’y incorporer dedans, de ne faire qu’un avec la matière.

Troisième leçon : le levain est immortel. Pour la préparation de sa nouvelle fournée, Guido sort son précieux levain du réfrigérateur, en prend la moitié pour l’intégrer à sa pâte ; ensuite, il rajoute un peu de farine et d’eau dans l’autre moitié, puis la remise au frais pour les futures fournées. Précisons qu’entre temps, ce nouveau levain aura miraculeusement gonflé de volume à mesure que les bactéries s’y seront développées. Ainsi, la population bactérienne grandit et diminue dans un éternel va-et-vient, au gré des fournées préparées. Selon la légende familiale, le levain de Guido fut d’abord enfanté par son arrière-grand-mère, et se transmet depuis de générations en générations. Guido nous regarde alors un court instant, coupe un morceau de son levain puis le met dans un bocal ; il nous le tend sans dire un mot, pudique, et nous comprenons qu’il nous le donne afin que nous en fassions plus tard bon usage. Pareil à l’effet du levain sur la pâte, nos deux cœurs gonflent.

Dernière leçon : le pain chante. A la fin de la cuisson, quand la croûte est bien dorée, nous sortons les pains du four en terre cuite (évidemment construit des mains de Guido). Dès lors, les pains doivent refroidir une grosse heure, et c’est à ce moment qu’ils commencent à chanter tous ensemble. Une espèce de craquement mélodieux qui nous promet les meilleures choses. Il y a bien une explication à ces bruits, mais Guido refuse de nous la donner. « They sing, that’s all. »

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