8 mars.

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Près du potager, les calendulas sont en fleur, petits soleils dans le grand ciel herbeux. Aujourd’hui, nous allons bâtir une structure ombragée sous laquelle Valeria, professeure de yoga, pourra dispenser ses cours. En vérité, bâtir est un bien grand mot, puisque nous allons simplement continuer le travail déjà bien entamé par d’anciens woofers. Le toit reste à faire, et Guido, charpentier de métier, paraît confiant sur l’avancée du chantier. Mais devant l’ampleur de la tâche (fixation des planches et pose des rouleaux de bambous), je comprends rapidement que nous ne pourrons finir d’ici notre départ. C’est vrai, nous ne sommes ici que de passage, et d’autres woofers vont nous remplacer, qui seront à leur tour remplacés… On n’en voit pas le bout, c’est tristement réjouissant.

Fin d’après-midi, la matinée fut harassante et je somnole sur le canapé du salon. Sur le rebord de la fenêtre, Marie écoute un podcast à propos d’une association dont le but est d’acquérir des terres, de les préserver de la spéculation foncière et d’en faciliter l’accès aux paysans souhaitant pratiquer l’agro-écologie. Au bout de quelques minutes, elle met ses écouteurs pour ne pas me déranger, je suis trop fatigué pour protester. Son coude est bien calé sur le rebord, elle repose son menton sur le dos de sa main. Je ne vois plus son regard, il s’égare dans les bancs de nuages. Derrière les carreaux, soleil empourpré qui part se coucher, ciel éclairé par un gros luminaire, entre vermeille et rose, avant le déploiement d’un bleu déjà nocturne. Marie et Tina, la chatte, admirent le spectacle, et me voilà qui pique du nez.

Après le repas, nous proposons de regarder Nausicaä (film d’animation réalisé par Hayao Miyazaki en 1984). Nous savons qu’Helio et Xeno vénèrent ce réalisateur, ils sont littéralement survoltés. Le film commence : ambiance post-apocalyptique, les hommes ont encore fait des bêtises. Les forêts sont d’ailleurs devenues hostiles aux humains, les jugeant trop dangereux pour encore faire partie de la grande famille du vivant. Une poignée de survivants, dont Nausicaä, tentent alors de rétablir le lien coupé avec la nature, et par là de réparer le monde… Silence à la fin du film ; bientôt rompu quand Xeno dit qu’il veut le même animal de compagnie que Nausicaä, un renard-écureuil beaucoup trop mignon. Xeno se reprend, culpabilise, et part chercher Tina qui boit du lait dans sa gamelle. Valeria dit que le film est à la fois très naïf et très sombre. Elle rectifie : très poétique et très réaliste. Evoquant la catastrophe environnementale à venir – la vraie, la nôtre –, Guido dit qu’il est encore temps de ne pas agir, et rigole dans sa barbe. Pour Valeria, tout repose maintenant sur la génération d’Helio et Xeno. Lourd fardeau, pour leurs frêles épaules. Face à nous, sur la table à manger, Helio fait sagement ses devoirs. Xeno reparaît soudain, se prenant pour un monstre, et court après Tina qui miaule en se carapatant. Quand on lui demande ce qu’il a préféré dans le film, il répond sans hésiter : les monstres de la forêt. Et l’héroïne alors ? Helio se lève et lâche dans un cri du cœur : « Ma fille, elle s’appellera Nausicaä. »

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