25 mars, Naples.

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Voir Naples, et mourir asphyxié.

Nulle insoutenable beauté dans le sein de la métropole, trop puante et trop grouillante, et l’on comprendrait d’ailleurs que l’invention de la formule originelle – voir Naples et mourir – ne soit que l’œuvre des Napolitains eux-mêmes, par trop fiers de leur cité. Si l’on meurt après coup, c’est donc d’avoir naïvement cru pouvoir arpenter la ville en qualité de piéton ; trop de pollution l’enserre comme une chape de plomb, on croirait les vapeurs toxiques du Vésuve, en pire, car l’origine est humaine. L’air y est rare et cancérigène, il est lourd de tous les transports de la ville et s’insinue sans arrêt dans vos bronches. C’est une véritable gageure que de marcher dans ses rues sans tousser, sans couvrir sa bouche avec son écharpe (comble de tristesse pour une ville maritime). À la fin de la journée, nous voilà tous deux crachant comme des tuberculeux. Pas un vélo n’est venu nettoyer l’atmosphère, et nous devrons trouver un moyen de revenir en apnée vers notre maison roulante, garée dans la banlieue nord de la ville. Chose énervante autant qu’impossible. Les villes n’ont malheureusement pas de fenêtre, on ne peut les ventiler comme on fait chez soi.

Au volant de Bucéphale, nous roulons comme nous pouvons : en serrant l’arrière-train. Les Napolitains – j’utilise ici le masculin par souci de grammaire, mais les femmes n’ont pas à rougir de leur conduite – les Napolitains ne se soucient pas de mettre leur clignotant, il faut deviner selon les embardées du véhicule. À vrai dire, ils ne se soucient pas des autres tout court : ils foncent, et c’est la foire d’empoigne à tous les coups. À chaque carrefour, c’est un concert d’impolitesse qui se joue : chacun avance d’un millimètre, en espérant passer le prochain, faisant fi du bon sens ou des priorités. S’arrêter au stop revient à faire preuve d’un manque flagrant de caractère. On pourrait vous accuser de ne pas en avoir entre les jambes. Comble de l’audace, certains se garent en contre-sens, occupant la moitié de votre file, et trouvent le moyen de râler si vous les frôlez – mais comment ne pas les frôler ? Là-dessus, les klaxons viennent mettre en chanson ce bordel innommable, empruntant aux troupeaux d’ânes leur cacophonie stridente. Attention cependant, le klaxon est à double entente : il peut vouloir dire allez au diable, comme il peut vouloir dire merci beaucoup. C’est la langue des Napolitains, que l’on ne pourra déchiffrer qu’en fonction du contexte. À la fin, la chose est autant désespérante qu’hilarante ; on finit par en rire. Et puis, sans trop savoir pourquoi, vous repartez à pied dans le tourbillon de ses rues pittoresques, à l’aventure, et Naples vous adopte – à défaut de la réciproque.

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