25 avril.

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Matinée passée dans le champ d’oliviers. Hier, Thomas et Lias ont taillé les arbres avec une efficacité remarquable. Maintenant, nous devons mettre en tas les branches avant de tout brûler. Quand vient l’heure d’allumer le brasier, Thomas nous prête un chalumeau de cuisine, en nous demandant d’éviter la katastrofí. Il nous montre en même temps les dégâts qu’ont faits cette nuit les sangliers sur leurs terres, en concluant katastrofí. Les pesticides épandus sur le champ voisin : katastrofí. La disparition des abeilles : katastrofí. La bouteille de tsípouro vide : katastrofí. Les parents de Lias (qu’il n’a pas l’air de porter dans son cœur) : katastrofí. Pour Thomas, tout est prétexte à katastrofí, tout est prétexte à plaisanteries. Devant nous, le feu devient comme une énorme orange sanguine, alors que la fumée qui s’en échappe est plus noire qu’une olive. À compter du premier mai prochain, Thomas et Lias n’auront plus le droit de faire un tel feu. La loi grecque interdit formellement ce genre de pratique au moment de la saison chaude. En attendant, Thomas et Lias brûlent tant qu’ils peuvent afin de faire place nette. En fond sonore, on entend le doux crépitement des branches qui n’ont pas eu le temps de sécher : le bois nous raconte sa souffrance, il crame, il craque, il crache une fumée âcre emplie de polluants toxiques et de particules fines aussi crades que celles émises par un véhicule diesel… Katastrofí.

Vers quatorze heures, nous déjeunons par terre au pied d’un vénérable olivier. Tronc noueux, vrillé comme s’il se vissait dans la terre. Alentour, des centaines d’oliviers dont les jeunes troncs sont peints en blanc – du lait de chaux répulsif contre les parasites grimpants. Le calme est relatif, puisque Thomas vient de nous mettre un morceau de pop grecque. Le volume est à fond, cela provient des puissantes enceintes de son pick-up Nissan. Le son se répand dans la campagne et fait danser les arbres avec le vent. Nos assiettes sont remplies d’haricots verts à la grecque accompagnés de leur carré de feta, le tout baignant dans un lit d’huile d’olive. À la fin du repas, la satiété nous fait somnoler dans des sphères cotonneuses… On en roterait.

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