7 août, Réserve naturelle d’Astrakhan

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Au milieu du désastre, une merveille. Le delta de la Volga sert d’asile à tout un écosystème aquatique aussi varié que protégé. Réserve au cœur de laquelle prospèrent des champs de lotus géants. Chanceux que nous sommes, août est le mois pendant lequel ces fleurs sacrées s’éveillent et se déploient. Leur multitude, leur sophistication, le complexe agencement de leurs pétales, l’inimitable faux-fruit qu’elles produisent après fécondation, tout cela ferait le désespoir des plus grands peintres. Nous autres touristes ignorons ce problème et pouvons nous contenter, par bonheur, de prendre des photos depuis la barque où nous nous tenons. Le parfum soûle et fait chavirer les sens ; on en tomberait à l’eau. La couleur du lotus est unique, et si vous appréciez le rose pâle ou le blanc rosé, vous ne pourrez ressentir qu’une infinie gratitude envers la nature. Quand tous les pétales ont chu, la longue tige et son réceptacle floral font comme un périscope à la surface du monde. On croit que des poissons nous regardent. À fleur d’eau, d’énormes feuilles arrondies ralentissent notre course. Marie joue avec l’une de ces feuilles hydrophobes, aussi large qu’une ombrelle, et sur laquelle des perles d’eau roulent sans jamais se désunir. Notre guide, également capitaine de notre barque, nous apprend que ces lotus ne poussent habituellement qu’en Extrême-Orient. Personne ne sait comment ces plantes aquatiques sont arrivées jusqu’ici, comment leurs graines ont été disséminées dans les eaux de cette mer fermée. Certains disent « ce sont les oiseaux », d’autres disent « ce sont les Kalmouks ». Ces nomades, à l’image des oiseaux migrateurs, auraient-ils rempli leurs poches de ces graines infiniment précieuses à leurs yeux de fervents bouddhistes ?

Cette étape est écrite à la gloire du lotus, à la sublimité de ses pétales. Comment pareille fleur a-t-elle pu surgir de la vase à laquelle ses racines sont si robustement fixées, dans ce fond aquatique obscur, sale et repoussant. Le lotus, dont la graine était sevrée de soleil, boit maintenant la lumière et rayonne sur le monde. Il repense alors au chemin parcouru, lorsqu’il patientait dans le noir bourbeux, lorsqu’il n’y avait que lui pour croire en son étoile, et qu’il se débattait pour s’extraire des bas-fonds, comme un miracle astral en marche, et qu’il grignotait centimètre par centimètre avant de crever la surface et de plonger vers le grand jour, avant la transfiguration florale. Tâchons de nous inspirer de l’inépuisable énergie de ce lotus ; aussi longtemps que sa lueur persistera, notre espoir sera semblable à sa fleur : vivace, insensé, flamboyant.

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