31 août, Tallinn

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Le cœur de la capitale bat sur la colline de Toompea. Ses ruelles tortueuses, comme autant de replis compliqués, soudain s’élargissent en un grand belvédère duquel jaillit ce panorama rouge flamboyant. Le rouge des toits, des remparts, de toute la cité médiévale en effervescence. En arrière-fond, le littoral, et le bleu froid de la mer Baltique. À l’ouest, une autre couleur prédomine, un vert végétal et touffu. C’est que Tallinn a poussé dans la nature, au contraire de la plupart des grandes villes d’Europe, qui elles ont poussé la nature dehors. Ici, tout ce vert est l’éclatante bannière d’une armée de feuillus, d’abord dispersés, mais qui marchent au-devant de Tallinn, et convergent, et grossissent, et parviennent aux portes de la ville, en rangs serrés, comme une forêt, se cognent à l’enceinte fortifiée, chatouillent les tours moyenâgeuses, en font le siège, y percent une brèche, envahissent le pavé, débordent, exultent, encerclent la colline – et la ville capitule et triomphe en même temps.

Coup de chance : il paraît que ce soir, à Tallin, c’est la muinastulede ööd (la nuit des lumières anciennes). Une fois par an, après le coucher du soleil, la côte est parsemée de feux de joie sur des centaines de kilomètres. Chacun y va de sa petite flamme, et le tout forme une immense chaîne de lumières illuminant les rives de la mer Baltique. Il n’en faut pas plus, à Marie et à moi, pour foncer dans le port de Tallin, à l’épicentre de cet évènement festif… Oh la foule allant vers les docks ! Et les food trucks au long des pontons ! C’est l’heure de prendre un bock. Amarré au quai, un paquebot dévore l’espace ; entre ses deux grosses cheminées, une corde est tendue pour accueillir les acrobaties d’un funambule. Et, pendant ce temps, le soleil couchant joue sur le fil de l’horizon. Maintenant, c’est d’or que le ciel est paré. Puis surgit la saignée de lumière vespérale. Le spectacle s’achève – on applaudit les funambules – et la nuit s’infiltre, encore jeune, alors que les premiers feux déjà s’allument un à un. Le sombre espace est devenu vermeil, et partout, ces tipis de buches enflammés déréalisent la nuit. Vu de la mer, depuis ces bateaux que l’on devine au loin, le spectacle est sans doute inégalé. Le feu, la joie s’emparent de la foule, qui danse – et nous avec – au rythme du bois qui crépite, après quoi la musique électro finit de l’enflammer toute entière, alors que le funambule est de retour, au cœur de la ronde, il jongle avec des torches allumées, les danseuses ont revêtus des robes en feu, c’est Tallin en Estonie, c’est la nuit des lumières anciennes.

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