30 septembre

Une minute de lecture

Patrycja nous enseigne aujourd’hui l’art de récolter les carottes : en les tirant fermement par les feuilles. Un art simple, immuable, auquel chacun peut se livrer sans mal, à l’exception de Zbigniew, qui ne supporte pas le toucher de ces légumes. En temps normal, Patrycja prend soin de choisir des activités spécifiques à la sensibilité de chacun, qui pourront procurer, dans la mesure du possible, un peu d’apaisement, de plaisir, d’amour-propre, ainsi qu’une manière de se retrouver, soi, dans la terre ; mais là, parce qu’elle pense qu’un rapprochement est envisageable entre Zbigniew et les carottes, elle propose à ce dernier de nous suivre au dehors. À l’approche du potager, je m’aperçois que Zbigniew se crispe. Il a joint le bout de ses dix doigts, comme un homme politique, afin de se canaliser. Soudain, il pousse un cri plein d’anxiété ; là-bas, les biquettes ont tourné la tête et l’observent d’un air penché ; puis reviennent à leur sempiternelle pâture.

À la fin de la récolte, à laquelle Zbigniew s’est bien gardé de participer, nous rentrons dans la cuisine à la queue leu-leu. Marie coupe le feuillage des carottes, que je découpe ensuite en petits morceaux. Dans l’intervalle, et dans le but de surmonter son hypersensibilité tactile, Zbigniew a pour mission de s’emparer de chacune des carottes éparpillées sur la planche en bois de Marie, puis de les plonger dans une bassine d’eau (pour enlever la terre). En réalité, il ne parvient qu’à les saisir du bout des doigts, comme s’il tenait une bombe orange, oblongue, et les balance dans l’eau dès que possible, avant de revenir dans sa position préférentielle, en collant tous les doigts de ses deux mains. Quand il rechigne à les toucher, Patrycja lui murmure « plonk » à l’oreille, ce qui veut dire « plouf » en polonais ; suite à quoi Zbigniew s’exécute et jette la carotte dans la bassine : plonk ! Peu après, Marie tente en français – plouf ! – et Zbigniew double la mise avec un sourire aussi large.

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