26 octobre

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Foutu mal de dos. Hier, en éternuant, j’ai rechuté, me suis courbé comme un vieillard. Ce matin, la douleur me cueille au réveil. Une douleur lancinante. Une fois debout, je bouge, et la souffrance est comme désamorcée. Je peux donner du foin aux animaux, pour la dernière fois. Marie change leur litière, pour la dernière fois. Nous enfourchons, nous balayons, nous caressons leur croupe, une dernière fois. Cette après-midi, nous repartirons sur la route.

En attendant, Jens a l’intention de nous confier une tâche simple, et noble, autant pour ménager mon dos que par sens du devoir à notre égard. Un besoin de transmission du savoir. Il aimerait que nous apprenions à planter des arbres. En bordure d’un chemin, là-bas, derrière l’étable, il y a comme un vide. Il faudrait le remplir avec la vie. Alors nous recherchons de jeunes individus, les déracinons de leur lieu de naissance, en prenant soin de ne pas effriter leur cocon de terre. Après avoir creusé une rangée de trous, nous nous mettons à transplanter dans la joie et la bonne humeur. D’abord, un pêcher pour Marie, un noisetier pour moi. Puis un chêne, un charme, un érable, etc. Nous arrosons copieusement les minuscules arbres, et paillons tout autour, et je me revois gosse en train de pailler la crèche autour du petit Jésus. Faîtes que cela verdoie pour les siècles des siècles. Il m’apparaît soudain que ceci, planter l’arbre, est un accomplissement divin. Un miracle en cours, en accord avec le soleil. Nous avons fécondé cet endroit de la terre, et notre formation de woofer s’achève là. Nous prenons quelques instants pour apprécier le travail fait, le sentiment du devoir accompli. C’est fini. Si le ciel est lumineux, c’est d’une lumière éteinte. Un freux passe, il croasse et disparaît. Maintenant, plus rien ne bouge, à part Marie et moi qui revenons lentement vers la ferme.

À table. Il manque une personne, en face. À notre grande surprise, Dörte est partie ce matin à Dortmund, pour rendre visite à ses parents. Sans nous dire au revoir. Jens, en apprenant l’inélégance de sa femme, est quelque peu décontenancé. Marie, changeant de sujet, demande à Valentin comment c’était, l’école. Il sort de son cartable une liasse de dessins, les montre à Marie, qui prend le temps de s’extasier. Peintures à l’eau figurant des volcans, des dinosaures, des monstres, et sa mère. Pendant ce temps, je mange à pleines dents, d’un appétit que je ne connais qu’à la ferme. C’est un régal, dis-je avec enthousiasme, à quoi Jens répond le sempiternel « ja ja ja ». Début d’après-midi, c’est l’heure du grand départ. Valentin saute dans les bras de Marie, qui lui rend la pareille avec un geste câlin. Prompt au comique de répétition, Valentin m’adresse ensuite un « one-two » puis doigt d’honneur, avant les hoquets de rire. Nous sommes contents de partir ; c’était bien, le temps que ça a duré ; le soufflé de la nouveauté, du reste, est maintenant retombé. Surtout, c’est l’occasion pour nous, tandis que nous démarrons le fourgon, de dire quelques gentillesses à propos de Dörte.

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