Chapitre 4 - Tyrian
Les rayons du soleil matinal perçaient à travers les vitraux colorés de la chapelle de lumière, projetant des motifs aux couleurs vibrantes sur les murs en pierre de la bibliothèque. Ce lieu était devenu le sanctuaire de Tyrian, un refuge contre le tumulte du palais et les attentes accablantes de son père. Les volumes anciens, les parchemins poussiéreux et les écrits sacrés étaient devenus ses compagnons silencieux, lui offrant une évasion, une manière d’oublier, ne serait-ce qu’un instant, la douleur et le rejet qu’il ressentait.
Assis à une table de bois, il tournait les pages jaunies d’un livre sur l’histoire ancienne de Fereyan. Ses doigts glissaient doucement sur les mots, absorbant chaque ligne avec une avidité presque désespérée. Pour Tyrian, ces pages représentaient un monde où il avait une place, un monde où la force ne se mesurait pas seulement à la puissance du bras mais aussi à celle de l’esprit.
Alors qu’il était plongé dans sa lecture, des pas résonnèrent dans le couloir, interrompant le silence sacré de la chapelle. Relevant la tête, il aperçut le père Nidud entrer dans la bibliothèque, son visage éclairé d’un sourire bienveillant qui adoucissait les rides de son front.
« Tyrian, mon garçon, encore plongé dans tes lectures ? » demanda le prêtre en s’approchant lentement et en prenant place en face de lui.
Tyrian lui rendit un sourire timide, bien qu’un éclat de tristesse voilât son regard. « Oui, Père Nidud. Ici, au moins, je peux être moi-même sans crainte de jugement. Dans ces pages, je trouve un sens… une paix que je ne trouve pas ailleurs. »
Le prêtre tendit une main réconfortante et la posa sur celle de Tyrian. Sa poigne était douce mais ferme, imprégnée de la sagesse des années. « Tyrian, tu as en toi un potentiel immense, que tu n’as peut-être pas encore pleinement compris. La lumière prend des formes différentes chez chacun de nous. Chez certains, elle brille dans l’acier et le courage au combat. Chez d’autres, elle éclaire l’esprit et guide la réflexion. »
Les paroles de Nidud, remplies d’une compassion sincère, éveillèrent un écho douloureux dans le cœur de Tyrian. « Mais père ne le comprend pas, » murmura-t-il, baissant les yeux. « Pour lui, je ne suis qu'une déception. J’ai l’impression que je ne pourrai jamais être à la hauteur de ce qu’il attend. »
Le prêtre laissa échapper un léger soupir, l’ombre d’une peine passant dans ses yeux. « Freyki a souffert de nombreuses pertes, Tyrian. La mort de son frère aîné, celle de son père… Ces épreuves ont laissé des blessures profondes en lui. Dans sa douleur, il projette sur toi ses propres attentes, pensant qu’ainsi il te rendra fort. Mais c’est à toi de trouver ta propre voie, et peut-être qu’un jour, il comprendra. »
Tyrian acquiesça lentement, sentant un poids se lever légèrement de ses épaules. La compassion et l’encouragement du père Nidud étaient comme un baume sur ses blessures. « Merci, Père Nidud. Vos paroles me donnent de l’espoir. »
Le prêtre tapota doucement la main de Tyrian avant de se lever. « Garde la foi, Tyrian. La lumière te guidera, même dans les heures sombres. »
Alors que Nidud s’éloignait, Tyrian retourna à sa lecture, mais cette fois, il sentait en lui une détermination nouvelle. Il devait prouver sa valeur, non seulement à son père, mais surtout à lui-même.
Dans la cour du palais, la matinée s’écoulait dans l’écho des coups de Tanis contre les mannequins d’entraînement. Freyki et son fils cadet s’entraînaient avec une intensité croissante, leurs mouvements précis et calculés, le son métallique des épées résonnant dans l’air. Les traits de Freyki étaient tendus, concentrés, et un éclat de fierté brillait dans ses yeux à chaque coup maîtrisé de Tanis.
« C’est bien, Tanis ! » s’écria-t-il en souriant. « Encore un peu de pratique, et tu deviendras aussi redoutable que moi. »
Tanis, haletant mais souriant, hocha la tête avec enthousiasme. « Je ne veux rien de plus, père. » Il lança un autre coup, frappant avec force, tandis que Freyki l’observait avec satisfaction.
Depuis le balcon qui surplombait la cour, Talia contemplait la scène, ses mains serrées sur la rambarde de pierre, ses sourcils froncés d’inquiétude. Elle jeta un regard en biais à Elrynd, général des armées de Goldrynn, qui se tenait à ses côtés, silencieux, une sagesse presque ancestrale se lisant dans ses yeux sombre.
« Père est si dur avec Tyrian, » murmura-t-elle, la tristesse imprégnant sa voix. « Il ne voit pas la valeur de Tyrian, tout ce qu’il pourrait accomplir autrement. Cela me brise le cœur. »
Elrynd hocha lentement la tête, son regard se portant sur Freyki avec gravité. « Je comprends ta peine, Talia. Ton père a été forgé par les combats et les sacrifices. Il est aveuglé par cette conviction que seule la force physique assure la sécurité de Fereyan. »
Talia inspira profondément, un éclat de détermination traversant ses yeux clairs. « Mais il doit comprendre que Tyrian est précieux, même s’il ne manie pas l’épée comme Tanis. Je ne laisserai pas cette famille se briser à cause de son obstination. »
Elrynd esquissa un sourire discret, touché par la force de la jeune princesse. « Tu as un cœur sage, Talia. Peut-être que ta voix saura apaiser les tensions que le roi refuse de voir. »
Plus tard dans la journée, Jaelith, affaiblie par sa maladie, rejoignit Tyrian dans la bibliothèque. Elle le trouva assis, plongé dans un livre. S’approchant sans bruit, elle posa une main douce sur son épaule, interrompant son fils dans sa lecture.
Tyrian leva les yeux, surpris, mais son expression s’adoucit en voyant le sourire bienveillant de sa mère. « Mère… »
Jaelith s’assit à côté de lui, caressant doucement son dos dans un geste réconfortant. « Mon cher Tyrian, » murmura-t-elle, sa voix douce comme un murmure de vent. « Je vois ta souffrance, et je ressens chaque jour ton isolement. Mais sache que tu es aimé, et que ta valeur n’est pas définie par la force d’une épée. »
Les yeux de Tyrian se remplirent de larmes silencieuses. Il avait si souvent cherché l’approbation de son père qu’il en avait oublié ce que la présence rassurante de sa mère pouvait lui apporter. « Merci, mère. Vos paroles sont un réconfort. Je vais trouver ma voie, je vous le promets. »
Jaelith sourit, ses yeux brillants d’une fierté indéfectible. « Je le sais, Tyrian. Et lorsque tu te révéleras, ton père comprendra. En attendant, sache que je serai toujours là pour te soutenir. »
Tyrian hocha la tête, la gorge serrée par l’émotion. Ce bref instant de tendresse était pour lui une ancre dans les tumultes de son existence.
Le soir venu, alors que le palais plongeait dans le silence, Tyrian se retira dans sa chambre. Le cœur un peu plus léger mais son esprit empli de résolutions, il contempla la lueur de la lune à travers la fenêtre, son regard déterminé. Il savait que le chemin pour prouver sa valeur serait long et ardu, mais les paroles de son père Nidud et le soutien de sa mère l’inspiraient à persévérer.
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