CHAPITRE 3 : BÂPTEME D' ACIER

6 minutes de lecture

La voix synthétique résonne encore dans mes oreilles.

Une heure.

Une heure pour digérer tout ce qui vient de se passer.

Une heure pour me préparer à… je ne sais même pas quoi.

— Tu vas devoir te bouger, me dit Sarah sans détour. L’épreuve, c’est pas un quiz.

Elle se détourne sans m’attendre. Apparemment, ici, les gens ne font pas de courbettes. On survit. On suit. Ou on disparaît.

Je reste un instant figée au centre de la pièce, à observer les autres.

Certains s’arment déjà. Des couteaux, des lames récupérées je-ne-sais-où. Une fille vérifie des fioles autour de sa ceinture. Un grand type tatoué s’échauffe en silence. Personne ne parle. Personne ne plaisante. Ce n’est plus une télé-réalité. C’est… un compte à rebours.

Une heure.

Je devrais chercher une arme. Une planque. Un plan.

Mais mes mains tremblent encore. Mon cœur cogne contre ma cage thoracique comme s’il voulait s’enfuir avant moi.

Je m’assieds dans un coin, entre deux piliers cassés. Le béton est froid contre mes jambes nues. Je baisse les yeux vers ma tenue : une sorte de combinaison moulante noire, sans poches, sans accessoires. Juste un bracelet au poignet. Celui-là même qu’ils ont scanné.

Le point rouge clignote toujours.

Je fixe ce clignotement, hypnotisée.

— Tu comptes mourir assise ?

La voix est sèche. Lyd. Il me regarde avec un sourire moqueur.

— Je réfléchis, je réponds du tac au tac.

— C’est mignon. Mais inutile. Ici, ceux qui réfléchissent trop meurent les premiers.

Il s’éloigne, hilare, en lançant une pomme au type tatoué.

Moi, je serre les poings.

Qu’il aille au diable.

45 minutes plus tard

Une série de bips retentit.

Les murs se mettent à vibrer.

Sarah, qui nettoyait calmement une lame, se redresse d’un bond.

— L’appel. On y va.

Elle se dirige vers une passerelle métallique qui vient de s’abaisser dans un grondement sourd. Au-dessus de nous. Des ombres s’agitent. Des ponts descendent. Des trappes s’ouvrent.

Je me lève. Mon corps est lourd. Mes muscles, engourdis. Mais je n’ai pas le choix. Si je reste ici, seule, je deviens une cible facile.

Alors je suis le mouvement.

On traverse un tunnel souterrain, éclairé par des néons instables. L’odeur change encore. Moins de moisissure. Plus de métal brûlé. D’ozone.

Et puis, au bout, une lumière.

On débouche dans une immense salle circulaire. Une arène ?

Plutôt… une salle d’attente avant l’abattoir.

Les cinquante autres de candidats s’agglutinent ici. Certains hurlent. D’autres prient. Un garçon vomit dans un coin.

Moi, je scrute. J’analyse.

Des écrans holographiques s’allument tout autour.

Et le présentateur apparaît. De nouveau. Toujours le même costume. Le même sourire. Comme s’il n’avait jamais quitté la scène.

— Mes très chers téléspectateurs, Nuxois... Et anomalie...

— ... bienvenue dans la première épreuve du Nux. Intitulée :

"Baptême d'Acier"

Un frisson me traverse l’échine.

— Le principe est simple, poursuit-il. Chaque candidat sera largué dans une zone inconnue du complexe. À vous de trouver la sortie avant que le temps ou les autres ne vous rattrapent car laissez moi vous le rappeler, il n'y a que 45 places disponibles.

Les autres ? Le temps ? Je n’aime pas du tout ce que ça sous-entend.

— Et pour ceux qui hésitent encore à courir… le terrain est un champs de mine. Toutes les 5 minutes une partie explose. Je vous conseille donc de faire vite.

La panique explose dans la salle.

Le présentateur rit doucement.

– Mais pour vous montrer la bonne foie du DIRECTOIRE, nous vous offrons un bracelet qui vous préviendra lorsque vous êtes sur une zone qui explosera bientôt.

C'est ce qu'ils appellent une bonne foie ? Ils se fichent de moi ?

Des Androids s'avance et nous remet leurs babioles.

— Vous avez une heure. Une seule et pas une minute de plus . Pour survivre. Pour progresser. Pour prouver que vous méritez d’être là.

Puis il se fige. Et dit, en regardant directement la caméra :

— Bonne chance, candidats.

Un hurlement strident. Puis le sol sous nos pieds se dérobe.

Je chute.

Le sol disparaît soudainement sous mes pieds et mon cri s’étrangle dans ma gorge, trop surpris pour sortir. Le monde s’inverse, se tord, m’engloutit. Mon estomac remonte, mes bras battent l’air sans rien attraper, mes jambes se plient et se déplient dans le vide, incapables de comprendre ce qui leur arrive. Autour de moi, des lumières blanches clignotent à toute vitesse, comme des éclairs dans une tempête artificielle. Je ne sais plus ce qui est le haut, ce qui est le bas, je ne sais même plus si je suis en train de tomber ou si c’est l’univers entier qui s’effondre autour de moi.

Puis tout s’arrête.

Le choc me coupe le souffle. Je m’écrase sur un sol dur, sans douceur, et je roule sur plusieurs mètres avant de m’arrêter contre un mur. Le contact brutal du béton me déchire la peau, me cogne les côtes et me laisse étourdie. Chaque centimètre de mon corps semble protester. J’ai mal partout, comme si je m’étais brisée en mille morceaux. Mais je suis vivante.

Je reste là quelques secondes, à écouter le silence qui s’est installé après l’impact, un silence pesant, presque irréel. J’ouvre lentement les yeux. Le décor est sombre et humide. Des câbles pendent du plafond, certains sectionnés, d’autres encore parcourus de faibles éclairs bleutés qui crépitent à intervalles irréguliers. L’odeur est presque insupportable, un mélange d’huile brûlée, de métal rouillé et de quelque chose de plus organique, plus inquiétant, comme du sang concentrée dans l’air.

Je me redresse avec difficulté. Mes membres sont engourdis, mes muscles tremblent, mes mains sont éraflées. Mon cœur bat trop vite, trop fort, il cogne contre ma cage thoracique comme un prisonnier affolé. Je vacille, mais je reste debout. Je n’ai pas le luxe de m’effondrer.

Un cri retentit au loin, quelque part dans la pénombre. Une plainte humaine pleine de panique. Quelqu’un d’autre est tombé ici. Quelqu’un souffre. Mais je ne peux pas m’arrêter.

Je commence à avancer. Mes pieds nus glissent sur le béton poisseux. À chaque pas, je ressens le froid du sol, la saleté qui s’infiltre entre mes orteils, l’humidité qui colle à ma peau. J’avance sans but, sans direction, simplement poussée par l’instinct qui me hurle de ne pas rester immobile.

J’approche d’une porte enfoncée, dont les battants tordus sont grands ouverts. Je la franchis, tourne à gauche, puis trébuche sur quelque chose de mou, de lourd. Je me penche, le cœur battant. Ce n’est pas un sac, ni un objet. C’est une jambe. Un corp humain !

Je recule d’un bond, le souffle coupé, une main devant la bouche. Il y a du sang partout, déjà en train de sécher sur le sol. C'est un vrai mort. Ma tête commence à tourner et j'ai un haut-le-cœur.

Mais mon bracelet au poignet clignote. Une fois. Deux fois. La lumière rouge pulse doucement, comme un avertissement silencieux. Et soudain, je me souviens : cinq minutes. C’est ce qu’il a dit. Toutes les cinq minutes, une zone explose.

Je repars, plus vite, sans réfléchir. Mon corps court avant même que je le lui ordonne. Je longe les murs, j’évite les flaques d’eau douteuses, j’enjambe des débris. Chaque bruit me fait sursauter. Des tuyaux sifflent, des câbles claquent, l’électricité court dans les murs comme un animal prisonnier.

Derrière moi, une explosion retentit. Le sol vibre. L’air est expulsé en une onde chaude et sèche. Je suis projetée contre le mur. Ma tête cogne violemment contre un mur. Je tombe à genoux, sonnée, les oreilles sifflantes. L’espace tangue autour de moi. Je reste là quelques secondes, perdue, incapable de bouger.

Puis je sens quelque chose couler le long de mon bras. Je lève la main et je vois le sang. Ma bouche a un goût métallique. Mon épaule me brûle. Mais je me remets debout, comme un pantin désarticulé, et je continue à avancer, lentement, presque en titubant.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Plume d'ecnre ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0