Fléau Ignescent

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« Alors ? » fit la voix de l’inquisiteur.

Licht, perturbé dans sa posture de fierté métaphysique ne daigna pas ciller. D’un ton monocorde, il répliqua :

« Eh bien ?

- Eh bien dites nous où sont les hommes et où sont les vampires bon sang ! C’est pour ça que vous êtes là ! »

Licht sentit un bouillonnement plasmique perturber la cohésion du fond de sa pensée et lui brûler la gorge tandis qu'il ravalait une colère perturbatrice. Il laissa simplement glisser entre ses lèvres :

« Les hérétiques ont placés les humains sur le flanc gauche, avec une majorité d’archers, environ les deux tiers, et légèrement en retrait. Les soldats les plus aguerris devant, et quelques conscrits sur les arrières. Le flanc droit adverse est constitué de vampires. La ligne de démarcation est très net, à peu près au milieu de la formation, il y a une centaine de mètres séparant le dernier carré d’humains du premier carré de vampires. Mais des unités de vampires équipés de haches et de bardiches sont en avance sur l’armée et occupent le centre, à environ soixante mètres devant le reste de la formation. Vampires et humains portent la même livrée jaune et ocre, et ont le même matériel, même si certains vampires portent des muselières.

- Bien.

- Il y a des forces de cavalerie sur les flancs. La cavalerie vampires tout au bout du flanc droit est légèrement avancée. Ils sont agités, sans doute ont-ils du mal à réfréner leur envie de charger. Au flanc gauche est la cavalerie humaine, une cavalerie plus légère. Les cavaliers vampires sont en harnois, la cavalerie humaine plutôt en plastrons et gambisons. Enfin, sur l’arrière de l’armée, l’équipe de commandement est une cavalerie mixte.

- Vous avez vu leur général ?

- Leurs généraux. Ils en ont deux. Un humain et un vampire.

- Lequel des deux a l’ascendant ? Ça peut nous en dire long sur la tactique qu’ils adopteront.

- Les deux discutent en permanence. Je ne peux pas dire si l’un des deux a l’ascendant. Ils portent mêmes armes et mêmes armures, mais le vampire a un comportement plus hautain, ce qui ne me surprend guère.

- Peu importe. Ils ont éteint leurs lanternes, ce qui indique qu’ils doivent compter sur leur flanc vampirique pour lancer un assaut au corps à corps. Utilisez vos pouvoirs pour ralentir la progression des vampires en priorité.

- Bien votre excellence. »

L’inquisiteur envoya un messager donner ces informations à l’évêque Radharielle qui dirigeait l’armée pendant que Licht se creusait les méninges en contemplant le champs de bataille. Du côté de Lanterneg, la riposte n’avait pas beaucoup attendu. Le sort de lumière avait révélé l’armée hérétique suffisamment pour redonner confiance aux archers et arbalétriers. Dans le même temps, Licht put apercevoir un éclair rougeâtre perforer la toile de la nuit, accompagné d’un tonitruant boucan de combustion et d’explosion. Le mage grimaça instinctivement, comme s'il avait pu sentir l’odeur désagréable de la poudre brulée depuis son perchoir. C’était là le craquement caractéristique d’une bouche à feu, une arme qu’il méprisait au possible, bien qu’il lui soit difficile de nier son efficacité. Le tir avait été dirigé sur le flanc gauche de l’armée du royaume de la paix éternelle. Une erreur selon lui, puisqu’il eut mieux valu faire feu sur les vampires pour ralentir leur avance. Encore que, le vacarme terrifiant de la poudre et les ravages du projectile qui faisait voler des bras et des jambes après l’impact devait bien avoir ce pouvoir de terrifier les humains au point de les mettre en déroute, ce qui devait bien servir pour remporter la bataille rapidement et avec un nombre de victimes humaines… acceptable.

Licht prit une grande inspiration, et souffla longuement. Puis il écarta les bras, et en un instant, la lumière apparut. Une muraille blanche s’érigea devant les rangs des vampires alors justement qu’ils allaient s’élancer pour démarrer la charge. Les buveurs de sang s’immobilisèrent de peur devant ce prodige, mais très vite la muraille blanche se dissipa, ne leur ayant fait perdre que du temps, temps durant lequel flèches et carreaux leur tombaient dessus, les criblaient et les déchiraient. La cavalerie vampire s’agita de frustration, les destriers noirs, apparemment aussi assoiffés de sang que leurs maitres, se mettant à cavaler inutilement en cercle pour dépenser leur énergie et se retenir de charger.

L’infanterie amorça une avance globale, mais les vampires à pied, moins confiants après avoir aperçu des sortilèges de lumière, allaient à pas prudents. Assez lentement pour laisser aux forces de Lanterneg la possibilité de resserrer les rangs, de préparer la formation, et de se hérisser de pointes de lances et de hallebardes. Les prêtres passaient dans les rangs et, d’un geste de la main, bénissaient leurs fiers soldats par paquet de cent, puis retournaient derrière la muraille de piques et les exhortaient.

Les deux armées se rapprochaient l’une de l’autre. Les yeux de Licht furetaient un peu partout, son regard surnaturel l’aidant à déterminer bien des choses sur l’armée adverse. Les soldats humains étaient inquiets, et même si une majorité d’entre eux étaient assez fanatiques pour avancer avec confiance, nombre d’autres jetaient des regards inquiets vers leurs « frères » vampires. La cavalerie humaine trainait le pas pour ne pas arriver au contact en même temps que le reste de l’armée.

À contrario, la cavalerie vampire sur le flanc droit rongeait très difficilement son frein. Licht ne les entendait pas, mais il devinait qu’ils hurlaient de frustration et exhortaient l’infanterie à avancer plus vite sans quoi ils chargeraient à travers eux. Les fantassins vampires étaient sur les nerfs, et ne se laissaient pas intimider. Ils marchaient au pas, doucement, encaissant les flèches avec vigueur. Ils ressentaient la douleur, mais ne pouvaient pas mourir, alors ils fronçaient les sourcils, serraient leurs crocs, et marchaient encore en dardant leurs yeux rouges de tous côtés dans la peur de voir un autre sortilège surgir de nulle part.

Les généraux, de leur côté, se disputaient. Licht avait acquis assez de connaissance tactiques pour pouvoir deviner le sujet de leur dispute. La tactique des hérétique se basait sur l’idée qu’après avoir vu leurs ennemis éteindre leurs lanternes, les hommes de Lanterneg soit les imiteraient, soit se laisseraient tirer dessus sans pouvoir riposter suffisamment longtemps pour que leur moral puisse être réduit en charpie. Dans le premier cas, les vampires auraient alors eu un avantage monumental une fois au corps à corps, et dans le second, une charge globale et rapide aurait pu achever le moral des loyalistes et les mettre en déroute. Cette idée devait à coup sûr provenir du général vampire, mais son alter ego humain voyait désormais que ce plan avait échoué et devait sans doute faire des remontrances à son collègue, ou vouloir suggérer de changer complètement de plan avant d’engager le corps à corps. Le problème était que les ordres étant déjà donnés, la manœuvre de charge avait commencé et ne pouvait pas aisément être interrompue. Le pire étant que l’influence des sorts de Licht avait fait perdre de leur confiance aux vampires qui avançaient maintenant trop lentement, et laissaient les humains les dépasser.

Le photomancien laissa lui échapper un sourire. Il se sentait omniscient, et se réjouissait de cette science. Il était plaisant de voir le sort d’une bataille entière se dessiner avant même que la partie la plus sérieuse des combats ait commencé. Il leva une main, en lança un troisième sort.

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