Chapitre 1

11 minutes de lecture

Alice
1er juin 2023

Cela fait un long moment que je suis assise devant ma coiffeuse, les yeux figés sur mon reflet. Mon meilleur ami, Axel, m’a proposé il y a quelques jours de l’accompagner à une soirée. J’ai décliné, encore et encore les boîtes de nuit, ce n’est vraiment pas mon univers. Mais après une énième dispute avec ma mère, j’ai fini par céder. Peut-être par faiblesse. Peut-être parce que j’avais juste besoin de respirer.

Résignée, mais toujours perplexe, je décide de faire appel à mon conseiller en style autoproclamé.

— Alors, mamie, tu es prête ? lance Axel d’un ton taquin dès qu’il décroche.

— Absolument pas. J’ai besoin de ton aide pour la tenue… et la coiffure.

— Parfait ! J’arrive. Fallait pas me le demander deux fois !

Sa réponse fuse, pleine d’enthousiasme. On dirait que mon appel vient d’égayer sa journée. Axel et la mode, c’est une grande histoire d’amour presque une religion. Je savais qu’il bondirait sur l’occasion.

À peine quelques minutes plus tard, la sonnette retentit. Je me lève en vitesse pour aller ouvrir.

Quand je déverrouille la porte, il débarque, triomphal, un boucleur dans une main et une pile de vêtements dans l’autre.

— Tu m’expliques ton accoutrement ? je demande en haussant un sourcil face à ses bras chargés.

— Oh, ça ? Je les ai empruntés à ma sœur. Ça te dérange ?

— Non mais…

— Parfait ! rétorque-t-il sans me laisser finir. J’ai toujours rêvé de te voir dans cette robe, ajoute-t-il en la brandissant comme un trophée. Allez, file l’essayer !

Je m’exécute. La robe glisse sur ma peau et s’ajuste parfaitement. Devant le miroir, je prends quelques secondes pour observer le résultat. C’est une robe noire sans manches, d’un tissu fluide et légèrement satiné. Le col se noue délicatement derrière la nuque, comme un bijou. Le haut, en dentelle noire transparente, dessine des motifs floraux élégants sur ma peau, tandis que le bas s’évase juste ce qu’il faut, orné de légers froufrous. Elle s’arrête à mi-cuisse, dévoilant mes jambes avec subtilité.

Je prends une inspiration et quitte ma chambre pour retrouver Axel.

— Tu es juste sublime, dit-il en détachant soigneusement chaque syllabe, comme s’il savourait le mot.

— Merci… Mais tu es sûr que Rose est d’accord pour que je porte sa robe ?

— Évidemment ! Enfin… Elle m’a juste laissé un petit mot pour toi : « Si je retrouve la moindre imperfection sur ma robe, dis à Alice de préparer son testament. »

— Charmant.

— Très. Mais tu la connais, réplique-t-il en haussant les épaules. Allez, approche, que je m’occupe de tes cheveux.

Il attrape son peigne et le boucleur avec une concentration presque religieuse. Vingt minutes de lutte, de mèches récalcitrantes et de soupirs théâtraux plus tard, il recule enfin, satisfait de son œuvre.

— Et voilà, ma douce, dit-il en admirant le résultat, ses yeux bruns pétillant de fierté.

— Tu t’es clairement trompé de voie.

— Quoi ? Je ne te permets pas ! Un visage aussi magnifique que le mien est destiné à briller en couverture de magazine.

Je lève les yeux au ciel.

— Sérieusement, tu n’as jamais pensé à devenir styliste au lieu de te contenter d’être mannequin ?

— “Me contenter” ? C’est presque une insulte. Tout le monde n’a pas la chance d’être mannequin, tu sais.

— Peut-être. Mais entre nous… la plupart des vêtements qu’on te fait porter sont franchement ridicules.

— Fais attention à ce que tu dis, Alice. Si tu cherches à m’énerver…

— Et ça marche ? dis-je avec un sourire en coin.

.__.

— Allez, Mamie, en route !

Axel m’entraîne avec son enthousiasme débordant jusqu’à la voiture. Je prends place au volant, refusant catégoriquement de lui céder la conduite je tiens un minimum à ma vie.

Quinze minutes de trajet plus tard, entrecoupées de nos voix criant à tue-tête sur nos chansons préférées, nous arrivons enfin. La boîte est bondée. À l’intérieur, les barmans s’agitent derrière le comptoir, jonglant entre les commandes dans un ballet bien rôdé. La musique est assourdissante, les basses font vibrer le sol sous mes pieds.

— Tu veux boire un truc, Alice ? hurle Axel pour couvrir le vacarme.

— Pas pour l’instant ! je réponds en haussant la voix.

Il se penche vers moi, un sourire malicieux aux lèvres.

— Je t’ai emmenée ici pour te changer les idées. Alors viens, ma vieille, et fais-moi le plaisir de t’amuser un peu !

Avant que je puisse protester, il m’attrape par la main et m’entraîne sur la piste de danse. Nous nous glissons dans la foule, les corps en mouvement serrés les uns contre les autres. Il commence à se déhancher avec son énergie contagieuse, et je me laisse embarquer, riant malgré moi.

Après plusieurs morceaux, les joues rouges et le souffle court, je lui fais signe que je vais me chercher un verre. Je quitte la piste, fendant la masse de danseurs, direction le bar. Alors que je progresse tant bien que mal, mon regard croise celui d’un homme.

Il est adossé au mur, presque hors de la lumière. Ses cheveux bruns et longs retombent en mèches souples sur ses épaules. Mais ce sont ses yeux… d’un vert émeraude hypnotique. Un frisson me traverse. Je détourne le regard rapidement, déstabilisée, et m’efforce de faire comme si de rien n’était.

Une fois mon verre en main, un mojito glacé, je retourne vers la piste, cherchant Axel du regard. Mais avant de le repérer, une main se pose doucement sur mon épaule. Je sursaute légèrement et me retourne d’un coup sec.

— Axel… je… ?

— Enchantée, madame, répond une voix grave et douce.

L’homme aux yeux verts. Il est là, à peine plus proche qu’un souffle. Son maintien est impeccable, presque théâtral, et pourtant, il ne semble pas jouer. Il incline légèrement la tête, un sourire poli au coin des lèvres.

— Je me prénomme Mathieu. Vos regards, tout à l’heure… étaient d’une éloquence rare. Aussi me suis-je permis de venir à votre rencontre afin de vous inviter à danser.

Il tend la main, paume ouverte, comme s’il sortait tout droit d’un autre temps. Il y a quelque chose d’élégant… et d’inquiétant, dans cette perfection.

— Avec plaisir, dis-je, un peu troublée, glissant ma main dans la sienne.

Un rock démarre. Je sens une pointe de panique m’envahir ce n’est pas exactement mon style de prédilection.

— Je vous préviens, je ne suis pas très douée, murmurai-je, un peu gênée.

— Alors laissez-vous guider par mes pas. Et ne permettez à nul autre souci d’effleurer votre esprit, souffle-t-il, avec un éclat d’amusement dans le regard.

Il entame la danse avec une aisance fluide. Je me laisse faire, et contre toute attente, mes pas s’accordent aux siens. Il me guide avec une assurance désarmante, presque irréelle. Sa main dans la mienne est chaude, ferme, et pourtant délicate.

Plusieurs danses s’enchaînent. Mon souffle devient court, mes joues brûlantes, mais je ne veux pas m’arrêter. Son regard ne quitte jamais le mien, et je sens comme une bulle se former autour de nous, étouffant le vacarme de la boîte. Une étrange impression s’installe celle d’être observée, disséquée même, comme si, sous ses airs charmants, Mathieu cherchait à lire en moi plus qu’il ne le devrait.

Mais je chasse vite cette sensation. Pour l’instant, je me sens vivante.

Et ce soir, c’est déjà beaucoup.

.__.

— Vous êtes un excellent danseur, dis-je en reprenant mon souffle.
— Et vous n’êtes nullement en reste, répliqua-t-il avec un sourire empreint de courtoisie. Si vous m’y autorisez, j’aimerais sincèrement avoir l’honneur de mieux vous connaître.
— Ce serait avec plaisir, répondis-je, intriguée.

— Fort bien. Comme je vous l’ai indiqué plus tôt, je me nomme Mathieu Ashley. Auriez-vous l’amabilité de me faire part du vôtre ?

— Alice. On m’appelle Alice Roy. Quel âge avez-vous ?

-Permettez-moi de vous confier que j’ai atteint l’âge de vingt-cinq années. En contemplant avec attention les traits délicats qui ornent votre visage diaphane, il me paraît raisonnable d’estimer que vous avez atteint votre vingt-deuxième année. Oserais-je formuler une telle supposition ?

— Concrètement, vous venez de le faire... et c’est comment dire beaucoup trop précis, répondis-je, hésitant entre amusement et légère inquiétude.

La conversation s’enchaîna naturellement, fluide, légère, presque suspendue dans le temps. Nous parlions de tout et de rien, comme si nous avions toujours eu à nous découvrir. Jusqu’à ce qu’Axel surgisse, haletant, la voix urgente :

— Alice ! Ça fait une heure que je te cherche partout !

Mathieu se tourna, surpris.
— Axel ?

— Vous vous connaissez ? demandai-je, confuse.
— Oui, répondit Axel. C’est mon tatoueur. Mais ce n’est pas le sujet. Alice, il faut qu’on parte. C’est grave. Viens, vite.

L’inquiétude dans sa voix me coupa le souffle. Je me levai précipitamment, posant une main sur la table pour retrouver mon équilibre, légèrement étourdie.

—Je vous prie d’accepter ceci avant de prendre congé, me dit Mathieu, tendant un petit bout de papier. Je devine qu’il y a inscrit son numéro.

— Au plaisir de vous revoir, madame, ajoute-t-il avec un sourire charmant. Presque trop parfait.

De retour à la voiture, je m'installe au volant et enregistre son numéro dans mon téléphone. J’envoyai un message rapide : « Voici le mien. » Axel, assis à côté, semblait ailleurs, comme si un orage grondait dans sa tête.

Alors que je roulais à travers les rues désertes, le silence devint pesant. Trop pesant.
— Alors, c’est quoi ce problème si urgent ?... Ne me dis pas qu’ils t’ont retrouvé.

Pas de réponse. Je tournai la tête. Il dormait profondément, la tête appuyée contre la vitre, comme si son corps avait lâché prise d’un coup.

.__.

— Axel… on est arrivé, dis-je doucement en le secouant.
Il ouvrit les yeux, visiblement ailleurs.
— Merci… Je t’expliquerai demain. Ce soir, je n’en ai pas la force.

Je le regardai s’éloigner, silhouette fatiguée dans la pénombre. Puis je repris la route, direction mon appartement.

Une fois arrivée, je saluai brièvement mon voisin et me dirigeai vers l’ascenseur. J'appuie sur le bouton du cinquième étage, le cœur encore agité par cette soirée étrange. Devant ma porte, je sortis mes clés avec une pensée furtive pour Mathieu.

À peine rentrée, Maurice, mon chat, m’attendait de son air toujours trop sérieux.
— Ne me regarde pas comme ça, Maurice. Je ne vais pas l’inviter ici... Je ne suis pas folle, déclarai-je en retirant mes chaussures.

Il émit un long ronronnement qui ressemblait vaguement à un jugement.

Je m'installe sur le canapé, téléphone en main, hésitant. Je rédige plusieurs messages, en effaçant tout autant. Finalement, je pris une inspiration et tapai :

« Mathieu, vous ne m’avez pas laissée indifférente. J’aimerais poursuivre notre soirée. Voici l’adresse. »

Les minutes qui suivirent furent interminables.

Enfin, le téléphone vibra.
« Avec joie, madame. Veuillez me rejoindre dans dix minutes. »

L’excitation se mêla à la nervosité. Je pris mes clés, boucle l’appartement, et partis.

Une fois arrivée à l’adresse indiquée, je scrutais les environs, mais ne vis personne.
— Bon… j’imagine que je vais attendre à l’intérieur, murmurai-je, un brin tendue.

À l’intérieur, je le repérai aussitôt : Mathieu, élégamment appuyé à sa canne, venait de récupérer des clés à la réception. Il se retourna, et son visage s’éclaira en me voyant.

Il s’approcha et, avec ce charme désarmant qui semblait lui être inné, me tendit le bras. Je l’accepte sans hésiter.

— Auriez-vous l’obligeance de préciser ce que vous entendez exactement par la manière dont vous envisagez la poursuite de cette soirée ? murmure-t-il à mon oreille alors que nous marchons.

Je souris, un brin espiègle :
— Jouer aux cartes, évidemment. Quoi d’autre ?

Mathieu esquisse un sourire en coin, mais ne dit rien. Il ouvre la porte de la chambre et me fait signe d’entrer. Je reste face à lui, l’observant sans détour, du haut en bas. Quelque chose dans l’air se transforme une tension subtile, électrique, suspendue. Mon cœur cogne plus fort.

Je m’approche lentement, attentive au moindre frémissement de son regard. Il ne recule pas. Au contraire, il me fixe avec une intensité presque dévorante, comme s’il attendait que je prenne les devants. Alors je pose mes mains sur le col de sa chemise et l’attire doucement vers moi. Nos lèvres se frôlent, hésitent… puis je l’embrasse, d’abord timidement, puis avec une ferveur contenue trop longtemps.

Mes doigts se glissent dans ses cheveux sombres, et je défais l’élastique qui les retient. Il tombe en spirale à mon poignet. Je resserre ma prise dans sa chevelure souple tandis que ses mains trouvent ma taille. Toujours collés l’un à l’autre, je nous guide à tâtons vers le lit. Quand l’arrière de ses genoux touche le matelas, je le pousse avec douceur pour l’y allonger.

Je me redresse un instant, le contemplant dans la pénombre tamisée, et retire lentement mon haut. Son regard, brûlant, suit chacun de mes gestes. Il commence à déboutonner sa chemise, mais je l’arrête d’un signe c’est à moi de le faire. Je prends le relais, défaisant un à un les boutons, les yeux dans les siens, puis je fais glisser le tissu de ses épaules.

Je me penche à nouveau vers lui, dégrafe lentement son pantalon. Il se redresse légèrement, m’attire contre lui, et d’un geste précis, défait mon soutien-gorge. Son regard passe de ma poitrine à mon visage, comme s’il cherchait une réponse silencieuse.

Je me laisse guider sur ses jambes, nos corps s’épousant peu à peu. Il pose ses mains sur mes cuisses et les caresse d’un mouvement lent, presque révérencieux. Un frisson me traverse, incontrôlable. En réponse, je me frotte doucement contre lui, en quête de davantage. Il esquisse un sourire en coin, se mord légèrement la lèvre ce détail, ce simple geste, m’ébranle plus qu’il ne devrait.

Son pouce vient se poser entre mes cuisses, traçant des cercles délicats, et je dois me retenir de gémir. Instinctivement, je le pousse à s’allonger. Cette fois, c’est moi qui prends le contrôle. Je mords doucement sa nuque, laissant mon bassin glisser contre le sien dans une danse lente, maîtrisée.

Il laisse échapper un souffle rauque, caressant mon dos avec une infinie douceur. Je le taquine longuement, le faisant languir sous mes gestes, savourant l’expression de supplication dans son regard. Puis, dans un frisson mutuel, je le prends en main, le guidant contre moi sans le laisser me posséder tout à fait.

Un mouvement brusque de ses hanches me surprend. Je retiens un cri, puis lui lance un regard mi-reproche, mi-fasciné. Il soutient mon regard avec un sourire narquois, ancré dans le moment.

Je reprends le rythme, lentement d’abord, puis avec plus d’assurance. Mes hanches s’animent d’un mouvement fluide, presque hypnotique. Mon souffle se brise, mes jambes tremblent une vague d’extase me submerge, me laissant étourdie et brûlante.

Mathieu, emporté par le désir, tente de reprendre le dessus. Ses mains se referment sur mes cuisses, pressantes. Mais je le stoppe d’un doigt posé sur ses lèvres, un sourire joueur sur le visage.

Je reprends la cadence, modulant les mouvements, entre lenteur et abandon. Le contraste entre sa tension contenue et ma maîtrise me fait rire doucement. Mais le feu qui brûle dans ses yeux finit par m’engloutir. J’accélère, je cède… et ensemble, nous nous perdons dans une dernière vague de plaisir, fulgurante et partagée.

— Axel… je… ?

— Enchantée, mademoiselle, répond une voix grave et douce.

L’homme aux yeux verts. Il est là, à peine plus proche qu’un souffle. Son maintien est impeccable, presque théâtral, et pourtant, il ne semble pas jouer. Il incline légèrement la tête, un sourire poli au coin des lèvres.

— Je me prénomme Mathieu. Vos regards, tout à l’heure… étaient d’une éloquence rare. Aussi me suis-je permis de venir à votre rencontre afin de vous inviter à danser.

Il tend la main, paume ouverte, comme s’il sortait tout droit d’un autre temps. Il y a quelque chose d’élégant… et d’inquiétant, dans cette perfection.

— Avec plaisir, dis-je, un peu troublée, glissant ma main dans la sienne.

Un rock démarre. Je sens une pointe de panique m’envahir ce n
— Jouer aux cartes, évidemment. Quoi d’autre ?

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Madyson ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0